Les ouvrages collectifs qui traitent de la migration se focalisent souvent sur une région cible dans une direction cardinale qui est celle de la migration. L’un des points forts de l’ouvrage dont il est question ici est qu’il étudie tant les migrations vers le nord-ouest de l’Allemagne que vers le Brandebourg-Prusse ou, ce qui n’a rien d’étonnant pour une publication du Donauschwäbisches Institut, les migrations vers le royaume de Hongrie.

Les contributions sont liées par le fait qu’elles traitent des mouvements d’émigration vers des régions qui constituaient des zones humides et qui devaient donc être asséchées pour pouvoir s’y installer. Dans le langage de l’époque, on parlait de »Melioration« (»amélioration«). Dans le contexte actuel de la mise en valeur de l’environnement, il est particulièrement bienvenu que le présent ouvrage examine de manière critique ces processus »d’assèchement« ainsi que la question de la mise en valeur des terres et qu’il s’interroge sur les conséquences à long terme de telles interventions dans la nature. La question clé de l’ouvrage cherche donc à donner une réponse »sur la manière dont les relations entre l’homme et la nature étaient perçues et interprétées à l’époque préindustrielle« (p. 7).

Dans l’ensemble, l’ouvrage rassemble douze contributions. Issues d’un colloque organisé en 2013 à Tübingen, le livre est doté de 49 illustrations et de cartes bien étayées. Les contributions peuvent être divisées en trois groupes: »Migration vers l’Allemagne de l’Ouest«, »Migration vers le Brandebourg-Prusse« et »Migration vers le Royaume de Hongrie (Budapest, le Banat de Timisoara, la Back et Transdanubie du Sud)«. L’ouvrage commence par une préface fort dense de Márta Farta qui nous donne un aperçu de la problématique de la recherche et, justement, de l’actualité, à savoir la question de l’utilisation »correcte« et »responsable« des ressources naturelles. En effet, l’étude de l’eau, en tant que ressource rare, est très importante dans une perspective historique, car ce n’est que ces dernières années que nous nous interrogeons de plus en plus sur les conséquences de telles mesures qui interviennent massivement dans les habitats. C’est pourquoi il faut saluer le fait que les contributions de Martin Schmid et de Márta Fata intègrent dans leurs réflexions la théorie de l’écologie sociale de l’école de Vienne.

Les deux articles de Fata et Schmidt méritent donc d’être signalés, car ils constituent des contributions importantes en raison de leur approche globale et approfondie. En prenant l’exemple du marais du Danube, Martin Schmid peut ainsi démontrer comment les assèchements ont conduit à un »basculement« de l’écosystème. Les canaux et les fossés de drainage n’ont pas été entretenus et l’écosystème a été endommagé de manière si durable qu’il s’est à nouveau embourbé. Par conséquent ni l’état antérieur ni une utilisation ultérieure ne se sont avérés possibles. La contribution de Márta Fata est également particulièrement intéressante, car elle examine les »récits du Banat« en se demandant si les aménagements fonciers ont vraiment apporté des améliorations, en prenant l’exemple du Banat de Timisoara. Ainsi peut-elle montrer comment les expériences grâce à de nouvelles cultures, comme le riz, d’une part, et les vastes projets de canaux, d’autre part, ont eu un impact dans le contexte de la politique de colonisation des Habsbourg.

Après avoir anticipé sur notre propos à travers ces deux contributions, nous présenterons maintenant les articles dans un ordre légèrement différent de celui du livre pour regrouper thématiquement les sujets abordés. La contribution d’Alwin Hanschmidt commence par mettre en avant, à travers l’exemple du marais de Bourtang, la problématique qui s’est posée à l’ouest de l’Empire concernant la délimitation des frontières devenue nécessaire suite à l’assèchement des terres. En effet, les seigneurs territoriaux pouvaient s’accommoder des zones humides et des frontières mal définies, alors que les zones asséchées devaient déterminer clairement à quel territoire appartenaient les sujets, ne serait-ce qu’en raison d’éventuelles différences confessionnelles. Eberhard Fritz se penche également sur les développements à l’ouest de l’Empire, lorsqu’il se concentre sur les efforts d’implantation d’un groupe piétiste au début du XIXe siècle dans le Wurtemberg. Le projet a largement échoué, et Fritz peut montrer comment la poursuite de la migration vers les États-Unis doit être prise en compte dans le contexte de la »Melioration«. Le mérite particulier de la contribution d’Uwe Folwarczny est d’avoir tenu compte de la colonisation précoce dans le Brandebourg, c’est-à-dire avant 1740. Il met un accent sur le XVIIe siècle, et peut ainsi rendre plus compréhensibles les processus suivants, présentés par Heinrich Kaak. Il traite de la colonisation dans le »Bruch« de la fleuve Oder et de la fleuve »Warthe« dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Faute de place, il n’est pas possible de résumer en détail les quatre contributions de Josef Wolf, Karl Peter Krauss, Elonóra Géra et Zoltán Kaposi. Ces contributions, qui portent sur le Banat de Timisoara, la Batčka, Budapest et le sud de la Hongrie autour du lac Balaton, sont dans leur ensemble importantes. Elles peuvent nous permettre de prendre connaissance des études d’un accès autrement difficile à cause des langues car chaque article apporte toutes des recherches personnelles sur le sujet.

Dans la dernière partie, il faut saluer qui les deux contributions finales de Martin Knoll et d’Endre Hárs s’aventurent en terre inconnue, dans la mesure où elles comparent dans un même volume des études sur la réception littéraire et sur les développements historiques. Alors que Knoll se penche, dans un aperçu très réussi, sur la thématique globale du traitement des »marais, marécages et utilisation du sol«, Endre Hárs focalise son attention sur un exemple choisi de traitement de la thématique chez l’auteur hongrois Mór Jókai (1825–1904). Ce dernier illustre un certain retour en arrière caractérisant des auteurs de la seconde moitié du XIXe siècle. Nous trouvons dans la manière dont l’auteur traite les paysages d’étangs et de marais un début d’approche critique qui va déjà mettre en doute l’idée d’une »amélioration« par l’assèchement.

L’ouvrage offre de nombreuses suggestions et sa lecture est vivement recommandée. Il aurait certainement été encore plus stimulant si tous les auteurs s’étaient penchés sur la question de l’école écologique de Vienne et si un plus grand aperçu de cette thématique avait également été intégré dans le traitement littéraire.

Mais ces souhaits mineurs doivent plutôt être compris comme des suggestions pour des recherches ultérieures d’un volume globalement très réussi et bien conçu.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Ludolf Pelizaeus, Rezension von/compte rendu de: Márta Fata, Melioration und Migration. Wasser und Gesellschaft in Mittel- und Ostmitteleuropa vom 17. bis Mitte des 19. Jahrhunderts, Stuttgart (Franz Steiner Verlag) 2022, 346 S., 49 Abb. (Schriftenreihe des Instituts für donauschwäbische Geschichte und Landeskunde, 25), ISBN 978-3-515-13145-2, EUR 68,00., in: Francia-Recensio 2023/4, Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.4.101514