En 2017, Jacques Paviot se lançait dans une critique qui se voulait érudite, mais qui était surtout futile, de l’édition du »Songe du Viel Pelerin« de Philippe de Mézières, critique qui avait amené les éditeurs à rédiger un droit de réponse1. On y avait noté que »plusieurs de ses remarques sont une sorte de dilution, de logorrhée interminable«. Six ans après Jacques Paviot »remet ça« dans un format plus réduit – heureusement, pourrait-on dire – et l’on y retrouve les mêmes déformations professionnelles, mais le ton est ici plus désagréable, voire carrément insultant.

Le compte rendu comprend un résumé (16 lignes) de la vie de Balue, sauf qu’à l’évidence il y manque la séquence de sa trahison, qui fait l’objet du procès édité. Il est suivi d’un résumé en trois lignes des cinquante pages de l’introduction consacrées au procès proprement dit du cardinal – nous y reviendrons plus loin –, puis de remarques sur l’édition (8 lignes). Sur ce dernier point, le commentaire de Jacques Paviot est déjà biaisé par une volonté de dénigrement flagrant. Il relève l’absence de description des manuscrits. Profitons-en pour rappeler qu’il ne s’agit pas de manuscrits au sens propre, mais de minutes, de pièces volantes pour la plupart, souvent retravaillées, comme le sont fréquemment les documents criminels du temps, et identifiées comme telles comme copies ou autographes dans le commentaire qui les introduit, avec souvent un renvoi aux volumes précédents des procès politiques dans lesquelles elles apparaissent aussi. Jacques Paviot s’inquiète du fait que les documents publiés ne le soient pas dans l’ordre chronologique, mais selon les manuscrits sources, »ce qui n’a guère d’intérêt historique«. Malheureusement pour lui, il n’a pas vu que les documents présentés selon les manuscrits sources suivent l’ordre chronologique! D’après Jacques Paviot, il aurait fallu rejeter l’apparat critique en fin, et les notes historiques en bas de page. Non, l’apparat critique est, d’après les usages des éditeurs, toujours en bas de page, et si les notes historiques sont après le texte, c’est parce que c’est le cadre choisi par l’éditeur dans les quatre volumes de procès déjà publiés. Rendons grâce à Jacques Paviot d’avoir malgré tout jugé que »l’édition elle-même est soignée«! N’est-ce pas le point essentiel sur lequel il aurait pu, il aurait dû insister, tant le travail de mise au net a été rendu difficile par l’indéchiffrable gribouillis d’un papier noirci de surcharges et de ratures. Le livre met en évidence le rôle éminent de leur rédacteur, Pierre d’Oriole, véritable bras droit de Louis XI et responsable majeur de sa communication, mais, de toute évidence, Jacques Paviot est indifférent aux stratégies éditoriales ludoviciennes. »La bibliographie est des plus succinctes« relève-t-il encore. Elle est évidemment sélective comme nous le signalons en note, et nous renvoyons à cet effet aux bibliographies des quatre autres volumes de procès. Quel intérêt de donner une liste complète des ouvrages consacrés au règne de Louis XI, au demeurant excellents, s’ils ne concernent pas la pratique judiciaire? On y trouve cités les ouvrages les plus récents et les mieux informés sur le sujet (Carbonnières, Leveleux-Texeira, Martin), en plus de ceux des juristes qui ont contribué au volume.

Autre critique infondée: parmi les documents édités par nos soins, sept sur dix-neuf sont inédits, et constituent un total de 88 pages sur 128, ce que se garde bien de relever Jacques Paviot, alléguant par contre le caractère fort peu original de notre travail, au titre que Forgeot, l’ancien biographe de Balue, »les connaissait tous (sic) ou les mentionnait«. Il oublie de dire que les textes publiés par Forgeot en 1895 l’ont été de façon négligée, qu’il ne s’agit pas d’une édition critique, que les mélectures sont légion. Il s’accorde avec nous sur un point: il relève que l’un des documents, inédit, publié par nos soins, est très intéressant et »devrait appeler des commentaires, la réflexion sur le crime de lèse-majesté par Oriole«. Une réserve, une fois de plus, inutile et gratuite. Le commentaire se trouve dans les pages de l’introduction, une vingtaine de pages (XXV–XLVI) consacrées au procès de Balue, aux interrogations juridiques, aux précédents, aux faiblesses de l’argumentation royale, au »cas privilégié«, aux questions d’ordre procédural, etc., qui font l’objet d’analyses fines, sur la base précisément du manuscrit Paris, BnF naf 1001, dont Jacques Paviot dénonce l’absence d’examen. Visiblement il n’a pas vraiment lu l’introduction.

Venons-en aux notes et à l’index, terrain de jeu privilégié de Jacques Paviot. 45% du compte rendu y est consacré, avec une très large majorité pour l’index. C’est là que le ton tourne à l’aigre, devient méchant, venimeux, voire diffamatoire. Admettons que les éditeurs n’aient pas reconnu dans »ceux du rosier« le cardinal Bernard de Rosier – faut-il pour autant que Jacques Paviot soit »éberlué«?, mais dans le second exemple – il y en a deux pointés par Jacques Paviot – il fait choux blanc: »page 93, l’évêque d’York exécuté est Richard le Scrope … une simple consultation d’une liste des évêques dans Gams, Eubel ou même Wikipédia, aurait donné le nom …« D’accord, sauf qu’à la note 60 page 159, et dans l’index, l’identification de Richard le Scrope est bien donnée par nous.

»L’index est souvent la partie que consultent en premier les lecteurs«. Au nom de qui Jacques Paviot, vrai index man, parle-t-il pour avancer une évidence aussi peu évidente? Il manque un index des noms de lieu, assène-t-il. C’est faux! Rappelons que, dans l’édition, les noms de lieu sont intégrés dans un index qui fait 35 pages, qui permet des entrées non seulement par nom (de lieu, de personne et de matière), mais également par sous-thématique pour s’y retrouver plus aisément entre les sources, ce qui n’est pas courant. Jacques Paviot assure qu’il y a des erreurs dans le classement – il en cite trois (sur un total de 429 entrées)! Sur les trois relevées, nous reconnaissons notre erreur pour deux. Mais la troisième n’en est pas une: l’auditeur de la Roue et Nicolo degli Ubaldi sont »deux personnages différents«. Manque de chance pour Jacques Paviot, ils sont bien différenciés dans l’index. L’a-t-il seulement lu? Il lui faut six lignes d’un commentaire vaseux pour arriver à un résultat nul et surtout pourquoi ajouter de manière fielleuse: »l’index n’est ni fait ni à faire«? La volonté d’éreinter – et ce sans argument valable – est si manifeste que la démarche de Jacques Paviot en deviendrait risible, si elle ne suscitait un certain écœurement.

La méthode de Jacques Paviot est bien connue et ses faiblesses ont été déjà dénoncées dans le précédent droit de réponse. C’est d’autant plus affligeant que ce livre est le produit du travail d’une équipe constituée, pour une grande part, de jeunes chercheurs, des juristes très expérimentés, qui méritaient plus de considération et d’égards. N’étant jamais à court de remarques humiliantes, Jacques Paviot en vient même à se demander »si les éditeurs ont une quelconque connaissance précise de l’histoire de la fin du Moyen Âge«. Le ton de magister qui est le sien n’a pas sa place dans le débat scientifique.

1 Joël Blanchard, Antoine Calvet, Du bon usage du compte rendu. Réponse à Jacques Paviot, dans Francia 44 (2017), p. 245–255, DOI: 10.11588/fr.2017.0.69011, le compte rendu ibid. p. 233–244, DOI: 10.11588/fr.2017.0.69010.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Joël Blanchard, Pierre-Anne Forcadet, Rezension von/compte rendu de: Réponse au compte rendu rédigé par Jacques Paviot de Joël Blanchard, Pierre-Anne Forcadet (dir.), Procès politiques au temps de Louis XI. Le cardinal Balue. Lèse-majesté en débat, Genève (Librairie Droz) 2022, publié dans Francia-Recensio 2023/3, DOI: 10.11588/frrec.2023.3.99784, in: Francia-Recensio 2023/4, Gegendarstellung und Kommentare/Droit de réponse et commentaires/Right of Reply and Comments , DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.4.101637