Le gros volume publié dans la collection des archives municipales de Nuremberg est à la fois particulièrement stimulant et particulièrement frustrant. Commençons par la frustration: elle porte tout entière sur la forme de cette publication, qui avec un volume de texte à paraître constituera le reflet pérenne de la thèse de l’auteur. Composé de 2434 fiches biographiques et de 207 tableaux rassemblant les titulaires des différentes fonctions urbaines, ce lourd volume est le reflet d’une base de données qu’il n’est aujourd’hui (et depuis de nombreuses années déjà) plus acceptable de présenter sous format papier, qui restreint de façon drastique les possibilités de recherche, si riches que soient les annexes (tableaux, index …). Citons deux exemples de ce qu’une version en ligne aurait permis de faire et que sa version imprimée ne peut pas faire: on ne saura rien de la place des artisans et de leurs enfants dans le monde universitaire; il est difficile de reconstituer une vision évolutive du sujet traité: pour reconstituer la part des différentes universités dans les choix de destination des étudiants nurembergeois, il faudra retrouver à partir des entrées d’index de chacune d’elles les fiches de leurs étudiants et faire soi-même le travail statistique. Il n’est certes pas difficile de constater qu’une grande majorité des notices concerne la période postérieure à 1450, mais on aimerait (et devrait pouvoir) en savoir beaucoup plus. C’est d’autant plus regrettable que les archives municipales de Nuremberg n’ont pas encore découvert les vertus de l’open access, même pour les volumes les plus anciens de leurs différentes collections.
L’objet même de la thèse est pourtant stimulant. L’historiographie allemande s’est naturellement intéressée depuis très longtemps au parcours des étudiants de l’Empire médiéval dans les universités, celles d’Italie comme celles fondées plus tard dans l’Empire même. La publication des matricules universitaires et d’autres sources renseignant sur la présence des étudiants originaires de l’espace germanique en Italie permettaient d’accéder assez facilement aux données relatives à tel ou tel individu (on en retrouvera facilement les références dans la vaste bibliographie de l’ouvrage); pour qui veut étudier la place des universitaires (au sens large du terme) dans les sociétés dont ils sont issus ou dans les sociétés de leurs carrières ultérieures, les choses sont moins aisées, à moins d’avoir la patience de chercher par les index les ressortissants de telle ou telle ville, de telle ou telle principauté.
On dispose en ligne d’un outil capital, le »Repertorium Academicum Germanicum«1, avec plusieurs dizaines de milliers de fiches individuelles, mais l’interrogation en fonction du lieu d’origine ne donne pour Nuremberg même que 409 fiches, beaucoup moins que ce qui est cette fois publié. Encore faut-il bien comprendre le champ couvert par cette nouvelle base de données: y sont enregistrés »tous les étudiants nurembergeois des universités, mais aussi tous les étudiants universitaires qui se sont établis à Nuremberg«, même de façon provisoire: aux 2136 Nurembergeois s’ajoutent 298 autres originaires d’ailleurs et venus s’installer à Nuremberg après leurs études.
Le nombre de fiches que comporte l’ouvrage, même réparties sur près de 1000 pages, ne laisse à chacun que quelques lignes, rarement l’équivalent d’une page entière. On y trouve des grands noms de la société nurembergeoise, de l’humaniste Regiomontanus au réformateur Osiander, et bien sûr aux familles patriciennes de Nuremberg, Behaim, Pirckheimer, Paumgartner, Imhoff. La grande majorité, cependant, est constituée de noms plus obscurs pour lesquels on ne sait souvent guère plus qu’une date, celle de leur inscription dans telle ou telle université, associée dans les matricules à leur origine nurembergeoise: de Silfridus von Nürnberg, on ne saura rien de plus que son inscription en 1320 à l’université de Bologne.
On attendra donc la publication de l’autre volume prévu de l’auteur pour pouvoir tirer parti plus efficacement de ce travail considérable. La brève introduction, après un dispensable résumé de l’histoire des universités en Europe et de la culture à Nuremberg, donne quelques exemples d’exploitation statistique – pour n’en citer qu’un seul qui confirme l’intérêt de la démarche, l’auteur n’a pu trouver parmi les 2136 étudiants de Nuremberg que 437 personnes qui reviennent s’établir à Nuremberg après leurs études. C’est sans doute aussi le cas de beaucoup d’anciens étudiants qui ne laissent après leur retour pas de traces dans les sources, ce qui laisse après tout penser que les études ne suffisaient pas à faire une carrière notable, mais cela laisse aussi certainement entrevoir le large brassage que réalise le passage à l’université.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Dominique Adrian, Rezension von/compte rendu de: Thorsten Schlauwitz, Repertorium Academicum Norimbergense. Biogramme zu den Nürnberger Studenten und Gelehrten des späten Mittelalters (bis 1525). Mit einem Verzeichnis der lokalen Pfründeninhaber und Personen in ausgewählten Berufszweigen, Nürnberg (Selbstverlag des Stadtarchivs Nürnberg) 2023, 1047 S. (Quellen und Forschungen zur Geschichte und Kultur der Stadt Nürnberg, 42), ISBN 978-3-925002-42-7, EUR 36,00., in: Francia-Recensio 2024/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2024.1.103091