Paru dans une collection consacrée aux personnalités importantes qui ont marqué la région Nouvelle-Aquitaine, née, le 1er janvier 2016, de la fusion des anciennes régions d’Aquitaine, de Limousin et de Poitou-Charentes, ce court ouvrage livre une synthèse utile sur le »Prince Noir«, Édouard de Woodstock (son lieu de naissance), fils aîné du roi d’Angleterre Édouard III (1327–1377). Né en 1330, il s’illustre à la bataille de Crécy, la première des grandes victoires anglaises de la guerre de Cent Ans, puis lors du siège de Calais (1346–1347). En 1355, la chevauchée qu’il conduit depuis Bordeaux ravage le Languedoc, sans que les Français ne trouvent la parade; l’année suivante, il remporte la bataille de Poitiers et fait prisonnier le roi de France, Jean le Bon (septembre 1356). Pour prix de sa liberté, celui-ci consent, lors du traité de Brétigny, à d’importantes concessions de territoires, qui permettent à Édouard III, en 1362, de faire de son fils aîné, déjà prince de Galles, le »prince d’Aquitaine« aux pouvoirs quasiment souverains. En 1367, il intervient dans la guerre qui oppose, pour la couronne de Castille, deux demi-frères, Pierre le Cruel, qu’il soutient, et son demi-frère Henri de Trastamare, appuyé par le roi de France: la bataille de Najera (3 avril 1367) est son deuxième grand succès militaire. À partir de 1369, toutefois, à la fois malade et paralysé par les difficultés financières, il ne parvient pas à s’opposer à l’offensive française, qui finit par redonner au roi de France les territoires abandonnés quelques années plus tôt. À la guerre de chevauchées menée par les Anglais, s’oppose la suite méthodique de sièges que conduisent Du Guesclin et les siens – ni l’une ni l’autre de ces formes de guerre ne paraît très chevaleresque. En 1372, avant de repartir pour l’Angleterre, E. de Woodstock préfère remettre sa principauté à son père – un geste assez inédit. S’il est bien connu des spécialistes de la guerre de Cent Ans, Édouard de Woodstock n’a pas bénéficié de synthèse récente en français, et le livre de M. Fauré comble un vide à cet égard, en donnant, de façon ramassée, la biographie d’un personnage-clé de la guerre de Cent Ans. Bien sûr, le format ne permet pas de développer tous les aspects, mais on y trouvera les principaux jalons exposés de façon claire et sûre: les faits de guerre, la participation à la création de l’ordre de la Jarretière, le mariage étonnant et tardif avec une de ses cousines, Jeanne de Kent, déjà deux fois veuve. Peut-être sera-t-on plus sceptique que M. Fauré sur les vertus chevaleresques du prince: certes revendiquée, sa »chevalerie« paraît fort pragmatique, et l’image assez négative laissée par le prince, que combat le présent ouvrage, n’était peut-être pas complètement imméritée. Un des aspects les plus intéressants de la vie d’Édouard concerne la principauté d’Aquitaine. Que serait devenue cette nouvelle entité politique, dotée de ses institutions propres et destinée à une pleine indépendance, vis-à-vis tant du royaume d’Angleterre que du royaume de France, si le prince avait vécu, s’il avait succédé à son père et qu’un de ses fils était devenu prince à sa suite? On peut se le demander, tout en reconnaissant que l’effondrement de la grande principauté fut si rapide qu’on peut douter de la viabilité d’une structure qui, au-delà de l’ancien duché d’Aquitaine, intégrait des territoires qui s’étaient de longue date habitués à l’autorité du roi de France. La mort du Prince Noir, en 1376, précède celle de son père, Édouard III, l’année suivante. C’est alors le jeune Richard II, fils du prince, qui monte sur le trône. Plus porté à la paix que ses prédécesseurs, Richard met en avant la réputation de son père, ce qui ne l’empêche pas d’être déposé et assassiné par son cousin, un autre petit-fils d’Édouard III, Henri de Lancastre. On peut signaler deux coquilles: le fameux Robert d’Artois n’est pas »comte d’Artois« (c’était bien là son drame); le connétable de France à la bataille de Poitiers est Gautier de Brienne et non Walter de Brienne. Vivant et bien écrit, émaillé d’encadrés qui concernent aussi bien l’origine du doigt d’honneur que les armoiries du prince, le livre de Marie Fauré sera fort utile pour les historiens de la guerre de Cent Ans.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Xavier Hélary, Rezension von/compte rendu de: Marie Fauré, Le prince noir. Édouard de Woodstock, un prince d'Aquitaine dans la guerre de Cent Ans, Bordeaux (Memoring Éditions) 2023, 120 p. (Figures de Nouvelle-Aquitaine, 14), ISBN 979-10-93661-42-1, EUR 13,00., in: Francia-Recensio 2024/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2024.2.104918