Si les Regesta Imperii avaient déjà publié, de 1999 à 2021, les regestes des papes de 844 à 882, c’était en promettant de fournir aussi les regestes de 800 à 844, c’est-à-dire du couronnement de Charlemagne à la mort de Grégoire IV. C’est chose faite désormais, en commençant même le 26 décembre 795, date de l’élection, par le clergé et le peuple, du pape Léon III. Il n’est pas besoin, sans doute, d’insister ici sur la qualité du travail, issu de la meilleure tradition de l’érudition germanique: les informations sont précises et exhaustives, clairement présentées, assorties d’une liste des incipit des lettres pontificales, de tables de concordances (avec la deuxième et la troisième édition des Regesta pontificum Romanorum de Jaffé, les éditions de lettres dans les Monumenta Germaniae Historica, l’Italia, la Germania, la Bohemia-Moravia et la Galia pontificia), et bien sûr de la liste des sources manuscrites, la bibliographie et l’index des noms propres.

Le volume compte 722 regestes. Mais cela ne représente que 78 lettres pontificales conservées, dont 36 fausses et 5 douteuses. On relève quelques privilèges de confirmation générale, tel celui de Pascal Ier pour l’abbaye de Farfa en 817 (n° 460) ou celui, du même, pour l’église de Ravenne en 819 (478).

Plusieurs de ces lettres sont connues par une collection canonique (une liste de la tradition dans la canonistique est également jointe), comme par exemple un canon conciliaire pris par Pascal Ier imposant aux évêques de se consacrer à la lecture et à la prière, repris par Anselme de Lucques et Gratien (n° 437). On connaît aussi des lettres de concession du pallium, au profit par exemple de l’archevêque de Salzbourg (57, et 59 à ses suffragants) ou de celui de Vienne (471, en 817), une telle concession pouvant aussi, dans le cas d’York ou de Canterbury, être mentionnée dans une chronique (45, 276). La concession à l’archevêque de Salzbourg Liupramm en 837 précise quels jours il portera le pallium: Pâques, la fête des apôtres (29 juin), celle de saint Jean (24 juin sans doute), l’Assomption, Noël, les fêtes propres au diocèse et l’anniversaire de la consécration de l’archevêque (693). Il y a aussi des correspondances diplomatiques, notamment avec Charlemagne (voir par exemple n° 174, une contestation, malheureusement imprécise, par Léon III d’un capitulum carolingien), mais aussi avec les empereurs byzantins (n° 552, en 826, au sujet de la querelle iconoclaste) ou le roi de Mercie (192).

Mais la principale source de ces regestes est le Liber pontificalis, qui procure, selon V. U., la moitié des informations recueillies. Il s’agit alors d’informations biographiques sur les papes: leur élection, leur consécration, leur décès, mais aussi sur leur activité: entre autres, la fortification, par Grégoire IV, d’Ostie rebaptisée Gregoriopolis (711). Le voyage d’Étienne IV à Reims en 816 est détaillé: accueil par Louis le Pieux à un mille de Saint-Rémi (418), conduite du pape par l’empereur qui l’a aidé à monter à cheval (419), entrée dans l’abbaye (420), don par l’empereur de différents lieux en Italie (421) et d’un domaine en Francie (422), banquet solennel (423), dons à l’empereur et ses proches (424), accord entre les deux puissances (425), consécration et onction de l’empereur (426), départ (427), les informations venant tant du Liber pontificalis que des Annales regni Francorum. Mais on relève surtout, parce que le Liber pontificalis y est très attentif, les très nombreuses donations pontificales aux églises romaines et du Latium. Il s’agit de meubles, d’objets liturgiques. Prenons, à titre d’exemple, l’année allant de septembre 802 à août 803: Léon III offre des draps d’autel richement décorés à Saint-Clément de Velletri et 29 autres églises; à la basilique Saint-Pierre, 164 rideaux de soie, un crucifix en argent, six chandeliers et bien d’autres choses; à Saint-Paul-hors-les-Murs, 51 calices dorés, un baldaquin d’autel, une croix en or et à Sainte-Marie-Majeure des chandeliers en or, une croix en or, 47 rideaux … Il finance aussi la rénovation de Sant’Aurea à Ostie et de Saint-Marcel à Rome. C’est révélateur autant d’une richesse de la papauté que d’une politique de dons, dont on ne comprend pas nécessairement tous les éléments.

Enfin, il faut signaler les nombreux faux que l’on peut trouver parmi ces regestes. Il s’agit de fausses lettres pontificales, comme des privilèges de confirmation des biens des abbayes de Stavelot (232) ou de Sainte-Justine de Plaisance (593). Mais il y a aussi des mentions d’actions pontificales inventées, comme une consécration de l’église de San Vincenzo al Volturno (451) ou le dépôt de reliques d’une fictive dame Mathilde, veuve d’un duc de Limbourg, à Dirlau, avec consécration de la chapelle et concession de 70 années d’indulgence (269). Ces faux montrent que le souvenir de ces papes ne s’était pas perdu, et c’est un souvenir qu’il serait intéressant d’étudier.

On le voit, ce recueil de regestes n’est pas seulement un indispensable instrument de travail, c’est aussi, par la compilation et le rapprochement des informations, une source de réflexions et de recherches sur l’histoire de la papauté et de l’Église.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Benoît-Michel Tock, Rezension von/compte rendu de: J. F. Böhmer, Regesta Imperii, I. Die Regesten des Kaiserreiches unter den Karolingern 751–918 (987); 4: Papstregesten 800–911, Teil 1: 800 (795)–844. Erarbeitet von Veronika Unger, Wien, Köln (Böhlau Verlag) 2023, 343 S. , ISBN 978-3-412-52954-3, EUR 65,00., in: Francia-Recensio 2024/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2024.2.104936