Édité par Harm von Seggern, l’inventaire analytique des villes de résidence (Residenzstädte) du nord-ouest du Saint-Empire entre 1300 et 1800 fait suite à une première partie (publiée en 2018) consacrée aux villes du Nord-Est.1 L’ensemble du projet de la première section du Handbuch der Residenzstädte prévoit quatre parties. Au final, il est destiné à fournir un inventaire analytique complet de toutes les villes de résidence du Saint-Empire de 1300 à 1800. L’espace géographique retenu pour ce deuxième volume obéit de nouveau à des critères pragmatiques. Cette fois, il s’agit des villes de résidence du Cercle d’Empire du Bas-Rhin-Westphalie (Niederrheinisch-westfälischer Reichskreis), du Cercle d’Empire sous domination des princes-électeurs rhénans (Kurrheinischer Reichskreis) et de celles du Cercle d’Empire de Bourgogne (Burgundischer Reichskreis). En fonction de leur appartenance au Saint-Empire, le choix des exemples comprend donc également les différentes résidences des ducs de Bourgogne aux Pays-Bas bourguignons dont Bruxelles, Den Haag, Mons, Namur et Le Quesnoy, ainsi que les villes épiscopales de Cambrai, Utrecht, Liège et des territoires et seigneuries indépendantes dans la région frontalière entre Gueldre, Brabant et Utrecht (IX).

La liste des villes choisies compte 130 lieux traités par 96 auteurs. Le volume s’est fixé le but de résumer l’état de la recherche actuelle et de servir de point de départ pour des études futures. Conçu à la manière d’un dictionnaire raisonné, il se voit comme complément et enrichissement d’informations fournies par d’autres ouvrages comme le Deutsches Städtebuch, le Handbuch kultureller Zentren ou le Handbuch Höfe und Residenzen im spätmittelalterlichen Reich (ce dernier inclut également des châteaux). Un but scientifique important est d’analyser l’interaction et la communication entre la cour et la ville. L’éditeur se démarque de la perspective traditionnelle de l’historiographie ancienne, de l’hypothèse d’une opposition de principe permanente entre la cour et la ville, entre noblesse et bourgeoisie urbaine naissante. Pour lui, entre ces groupes sociaux, la coopération et le conflit coexistent: la ville peut profiter de la présence d’une cour et de son seigneur – ou en souffrir et devenir victime d’ingérences dans son autonomie. La ville de résidence est une zone de contact (Begegnungsraum, p. IX) entre deux mondes, entre la cour et la ville. Cependant cette perspective ne nie pas la présence de conflits parfois violents et de phases d’une concurrence aiguë. Les articles posent la question des conséquences spécifiques de la présence d’une cour sur le développement urbain.

La grille analytique adoptée est la même qu’au premier volume. Les villes de résidence sont définies en fonction de deux critères essentiels: »Sont considérées comme villes de résidence les localités qui étaient à la fois une ville (au sens juridique et en ce qui concerne son organisation économique) et le lieu d’implantation d’une cour d’un seigneur (Herrschaftsträger) largement indépendant«.2 Pour être retenue, une ville devait remplir les six critères suivants:

1. Une présence régulière (mais pas nécessairement continuelle) de son seigneur. Ceci vaut également pour des résidences secondaires/résidences d’été/résidences de veuves (Witwensitze). Les résidences de chasse, celles d’apanagistes et de branches cadettes ou d’officiers de moindre rang (c’est-à-dire sans compétence sur l’intégralité du territoire en question) ne sont pas retenues.

2. La présence du seigneur doit avoir une certaine durée, au moins d’environ une génération/30 ans. Cette durée d’ensemble pouvait être répartie entre plusieurs détenteurs du pouvoir (appartenant à des générations ou à des dynasties différentes, par exemple dans le cas de résidences de veuves).

3. L’exercice d’un pouvoir réel par le seigneur en question sur la ville (qui se traduit par exemple par des ingérences dans la constitution urbaine/les élections/la nomination des officiers urbains; compétences juridictionnelles).

4. Un statut juridique plus important que celui du simple village. Pour tenir compte du rôle particulier des petites villes qui ne possédaient pas nécessairement un droit urbain dans le plein sens du terme, il fallait posséder au moins un statut de Weichbild, Wigbold, marché (Markt), vallée (Tal), franchise (Freiheit) etc. – et posséder certains éléments caractéristiques d’une agglomération urbaine (existence de corporations de métier, débuts d’une organisation institutionnelle par exemple d’un conseil ou des échevins; existence d’officiers urbains; tenue de registres, participation aux états régionaux/à des ligues urbaines; existence d’une certaine autonomie administrative).

5. Critères économiques: existence d’un marché, développement d’un artisanat/d’une production artisanale; présence d’un commerce d’exportation/de marchands, minimum de rayonnement économique.

6. Disposition spatiale de l’ensemble formé par la ville et le château: taille, modalités d’accès au château, existence de fortifications, hôtel de ville, représentations héraldiques du seigneur et de la ville, etc.

En général, les articles consacrés aux différentes villes obéissent à un schéma de présentation uniforme en huit points:

1. Description topographique, situation géographique, fonction comme lieu de résidence;

2. Histoire urbaine au sens étroit (évolution des structures urbaines; agrandissements; existence d’immunités/d’exemptions; démographie urbaine, histoire constitutionnelle, institutions urbaines, corporations, juridiction, finances, conflits avec le seigneur, etc.);

3. Histoire ecclésiastique/religieuse (institutions et géographie ecclésiastiques; monastères, couvents, confréries, hôpitaux, œuvres charitables et autres fondations religieuses; répercussions de la réforme protestante/de la réintroduction du catholicisme; minorités religieuses, conséquences de changements de confession de la dynastie seigneuriale, etc.);

4. Forme urbaine (Stadtgestalt): utilisation de l’espace urbain, bâtiments marquants (hôtels de ville, châteaux, hôtels d’officiers et de nobles, maisons représentatives des citoyens), représentation du seigneur urbain et de la communauté urbaine; processions, fêtes, tournois, joyeuses entrées, premières représentations cartographiques et picturales des villes;

5. Insertion au niveau régional et suprarégional (participation à des ligues urbaines/la Hanse/aux états régionaux ou provinciaux); réseaux de commerce, foires, crédits, émission de rentes; fonction comme siège d’offices territoriaux, d’institutions et cours de justice, etc.

6. Résumé des résultats (particularités de la ville en question; événements marquants; conflits; controverses de la recherche);

7. Sources;

8. (Choix de) littérature secondaire.

La présentation des articles suit l’ordre alphabétique. Le livre contient des listes des villes et des principautés, dynasties, comtes et seigneurs ainsi que des auteurs des 130 entrées. La publication atteint très bien le but qu’elle s’est fixée: donner un résumé de l'état actuel de la recherche et servir de porte d’entrée à l’histoire des villes de résidence. Parmi ses plus grands mérites compte le fait de donner des informations sur les très nombreuses petites voire très petites villes de résidence. Elle met également en relief la coexistence parfois difficile de plusieurs confessions et les éventuelles conséquences dramatiques des changements de confession répétés des dynasties seigneuriales. Le choix d’étudier la longue durée (1300–1800) permet de suivre des évolutions pluriséculaires. Le livre intéressera donc aussi bien les médiévistes que les spécialistes des premiers Temps modernes.

1 Harm von Seggern (Hg.), Residenzstädte im Alten Reich (1300–1800). Ein Handbuch: Abteilung I: Analytisches Verzeichnis der Residenzstädte, Teil 1: Nordosten, Ostfildern 2018.
2 »Als Residenzstädte kommen diejenigen Orte in Betracht, die sowohl Stadt (im Rechtssinne und hinsichtlich ihrer ökonomischen Ausgestaltung) als auch Standort eines Hofes eines (weitgehend) selbständigen Herrschaftsträgers waren« (IX).

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Gisela Naegle, Rezension von/compte rendu de: Harm von Seggern (Hg.), Residenzstädte im Alten Reich (1300–1800). Ein Handbuch: Abteilung I: Analytisches Verzeichnis der Residenzstädte, Teil 2: Nordwesten, Ostfildern (Jan Thorbecke Verlag) 2022, 628 S. (Residenzenforschung. Neue Folge: Stadt und Hof, I, 2), ISBN 978-3-7995-4541-9, EUR 80,00., in: Francia-Recensio 2024/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2024.2.104939