Ancien professeur de lycée et chargé de cours à l’université catholique de l’Ouest, Hervé Le Goff, un des meilleurs spécialistes de la Bretagne au XVIe siècle, entreprend d’étudier le rôle, entre 1510 et 1570, du duché de Bretagne dans l’Auld Alliance (1295) qui unit, de manière discontinue, le royaume de France au royaume d’Écosse. Pour cela, il part du constat que la Manche orientale n’est pas un espace où domine franchement la marine française. Avec le mariage d’Anne de Bretagne et de Charles VIII, l’ancien duché qui s’est trouvé indépendant est arrimé en 1491 au royaume de France. Il offre une option plus sure pour rejoindre l’Écosse soit par le canal Saint-Georges soit par l’ouest de l’Irlande. Le travail est divisé en deux grandes parties, l’une étudie les opérations liées à la guerre d’Écosse, la seconde, s’intéresse à l’intégration de la Bretagne au royaume.

Cette nouvelle configuration stratégique fait de la Bretagne le point de départ de la plupart des expéditions maritimes vers l’Écosse, voire d’aide ponctuelle vers l’Irlande, dont l’auteur détaille le contexte, les préparatifs aussi bien que les résultats. Ce n’est pas sans conséquence pour l’ancien duché qui doit faire face à la flotte anglaise ainsi qu’aux descentes qui en découlent. Celles-ci sont aussi le fait des Espagnols, des Flamands ou des Impériaux car la Bretagne est un front de guerre qui s’inscrit dans la politique générale du royaume. Même si les expéditions italiennes retiennent le plus l’attention, les rois de France qui se succèdent n’en perdent pas pour autant de vue la nécessité de défendre un duché qui devient une partie intégrée à leur domaine en 1532.

Cette nouvelle configuration se traduit par des transformations dans le paysage breton. Brest, déjà port ducal d’importance, s’affirme comme l’un des principaux ports militaires du royaume, la ville et le goulet qui précèdent le port voient leurs fortifications créées ou renforcées alors que la ville devient le point de départ de la plupart des expéditions vers l’Écosse. Il n’est pas le seul. Nantes devient le lieu de stationnement habituel des galères déployées pour protéger la presqu’île bretonne. D’autres ports comme Concarneau ou Morlaix, victime d’une descente anglaise en 1522, sont l’objet de la construction de nouvelles fortifications. De plus, la plupart des ports de Bretagne fournissent navires, marins et gens de guerre pour armer les expéditions royales.

De fait, c’est toute la Bretagne qui se mobilise: ban, arrière-ban, francs archers, légion et même plus, ne serait-ce que pour assurer la défense des côtes alors que les troupes d’ordonnances du roi et les bandes de mercenaires recrutés, pour les besoins des expéditions ou de défense, parcourent une bonne partie de la Bretagne au grand dam de ces habitants qui sont largement mis à contribution par le roi ou ses lieutenants sur leurs deniers et leurs productions d’où de vastes manœuvres pour obtenir des dégrèvements voire, pour certaines communautés, l’obtention d’exemptions pures et simples.

Malgré cela, il ne semble pas que tous ces évènements aient remis en cause la réunion définitive de la Bretagne à la France bien que les marins bretons aient des liens avec la Cornouailles voire les autres régions celtiques. Une certaine nostalgie peut se faire jour lorsque la pression royale se fait un peu trop sentir pouvant donner lieu à quelques mouvements d’humeurs liés vite réprimés. Les rois de France savent se montrer prudents. Les impôts prélevés en Bretagne sont dépensés, au départ, en Bretagne. Au moins deux souverains lui rendent visite.

À coté de cela, la Bretagne profite sous la forme de paiement du ravitaillement produit localement, des dépenses réalisées pour les fortifications, des soldes des marins ou des militaires qu’ils soient ou non de la petite noblesse pour servir en Bretagne ou ailleurs. Au total, même si le roi ne paie pas toujours ce qu’il doit, le pouvoir royal en profite car tous ces mouvements contribuent à l’amélioration de son administration et que les Bretons engrangent des profits qui conduiront à l’âge d’or de la Bretagne et ce malgré les guerres de religion.

Au total, l’auteur a réalisé un travail solide et détaillé. L’ouvrage a toutes les qualités d’un travail scientifique, table des abréviations, notes de bas de pages, index, catalogue des sources, bibliographie. Ces derniers éléments, comme les notes de bas de pages, indiquent un travail d’autant plus solide qu’il a utilisé aussi bien les sources françaises que les sources étrangères que souligne la préface de Davis Potter, professeur à l’université du Kent, à Canterbury.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Éric Barré, Rezension von/compte rendu de: Hervé Le Goff, La Bretagne et la guerre d’Écosse, Rennes (Presses universitaires de Rennes) 2024, 430 p. (Histoire), ISBN 978-2-7535-9329-9, EUR 28,00., in: Francia-Recensio 2024/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2024.3.106300