Ce volume est le pendant, pour la fin du Moyen Âge, de celui, au titre similaire, The Expansion of the Faith. Crusading on the Frontiers of Latin Christendom in the High Middle Ages, dirigé par les mêmes éditeurs et publié aussi chez Brepols en 2022. Ces deux volumes sont issus du colloque »Crusading and the Crusader Movement in the Peripheries of the Christian West, 1100–1500«, tenu à Marburg du 5 au 7 octobre 2017 (cf. 26–29.)

Dans son introduction, »Crusading on the Periphery in the Later Middle Ages« (33–64), P. Srodecki rappelle les différentes expéditions après le concile de Lyon II (1274), les recherches sur le sujet depuis le XIXe siècle, les objectifs et les nouvelles approches présentées dans le volume, qui est divisé en quatre parties.

Dans la première, »Campaigning and Recruiting«, Norman Housley s’intéresse à la communication entre le centre (pluriel: les conciles de Constance, de Bâle, les diètes impériales) et la périphérie (Hongrie, Pologne, Lituanie, Teutoniques, qui ne parlaient pas d’une seule voix) au XVe siècle (67–80), la communication consistant en un nouveau discours, celui de l’antemurale Christianitatis en Europe orientale. Marianne P. Ritsema van Eck emmène le lecteur dans une frontière lointaine, celle de la Terre sainte, en étudiant les campagnes en faveur d’une croisade menées par les franciscains de l’Observance, établis sur le mont Sion depuis 1333: auprès du duc de Bourgogne Philippe le Bon ou des Rois catholiques, aussi au moyen de la chevalerie du Saint-Sépulcre, de traités, de cartes (81–94). Nous passons ensuite en Aragon et Castille, pour lesquels Maria Bonet Donato étudie le rôle des ordres militaires, devenus plus politiques et chargés de la défense des frontières, notamment dans la bataille du détroit de Gibraltar dans les années 1330–1340 et contre Grenade, avant que les monarques ne s’emparassent de leurs juridictions (95–112). Au début du XVIe siècle, le prince de Valachie Neagoe Basarab, bien que tributaire du sultan ottoman Sélim Ier, incita le pape Léon X à lancer une croisade contre celui-ci, ce qui est traité par Mihai-D. Grigore (113–124).

La deuxième partie est intitulée »Chivalry and Nobility« et est centrée sur l’Europe du Nord-Est. Dalibor Janiš présente la noblesse de Bohême-Moravie qui a participé aux croisades baltiques sous le règne d’Ottokar II (r. 1253–1278) qui a organisé deux croisades en Prusse et de Jean de Luxembourg (r. 1310–1346), qui a participé à trois expéditions (127–139). De son côté, Benjámin Borbás se penche sur le soutien financier anglais à l’ordre Teutonique (141–154). À l’inverse, Darius Baronas met en lumière la mutation lituanienne: de subir la croisade à y participer, notamment contre les »Sarrasins« du Nord dans un long XVe siècle (155–170).

La troisième partie peut être vue comme le cœur du livre: »From Expansion to Defence«. Deux études sont consacrées aux suites de la bataille de Nicopolis (1396). P. Srodecki rappelle les événements qui l’ont précédée, son déroulement, la défaite des forces occidentales,1 et présente l’image déformée des Turcs qui a suivi (173–197). D’autre part, Attila Bárány étudie la politique de défense hongroise sous Sigismond, de 1396 à 1437: États-tampons, système de châteaux de frontière, des opérations de petite envergure, fondées sur une armée soldée (199–218). Nevyan Mitev interprète les dernières croisades dans les Balkans à partir de 1443–1444 comme une union de l’Europe centrale et sud-orientale contre l’invasion ottomane, en se focalisant sur la grande campagne de 1443–1444 et la croisade de Varna en 1444 (219–236). Emir O. Filipović montre combien l’image des Bosniaques hérétiques diffusée par les Hongrois au XIIIe siècle a été une entrave qui les a exclus de la chrétienté latine; la situation a changé avec l’avancée ottomane, mais seuls le roi et l’élite ont accepté de se convertir, le peuple ne suivant pas, et la rhétorique pontificale ne fut d’aucune aide contre les Ottomans (237–252). Nous revenons au Nord-Est de l’Europe. Pour la Lituanie Rimvydas Petrauskas se pose la question de savoir si elle était la destination ou le point de départ des expéditions de croisade de la fin du XIVe au début du XVIe siècle (253–265). Adam Szweda étudie les relations entre la Pologne et l’ordre Teutonique après la seconde paix de Thorn (1466) dans leur lutte contre les païens (267–279).

La quatrième et dernière partie regroupe des textes sur la légitimation et la propagande. Les trois premiers concernent la Pologne. Andrzej Marzec montre comment les rois de Pologne ont utilisé la croisade au XIVe siècle dans le but d’obtenir une couronne royale (Ladislas Ier en 1320), de renforcer leur position face à l’ordre Teutonique, de présenter une image de roi-chevalier chrétien, l’assemblée des souverains d’Europe centrale à Cracovie en 1364 traduisant ce nouvel état de fait (283–293). Sven Jaros expose comment l’idée de croisade fut utilisée de manière ambivalente lors de l’intégration de la Ruthénie dans le royaume dans la seconde moitié du XIVe siècle (295–312). Paul Srodecki intervient à nouveau pour rechercher les références rhétoriques à l’Outre-mer et aux croisades ibériques dans le conflit entre la Pologne et l’ordre Teutonique au début du XVe siècle (313–338). Sergey Polekhov offre une page d’histoire diplomatique avec l’étude de la politique d’alliances du grand-duc de Lituanie Vitold (Vytautas), de 1392 à 1430, justifiée par la rhétorique de croisade (339–360). Enfin, Pavel Soukup démontre comment les guerres contre les Hussites ont été légitimées et justifiées dans les domaines religieux et moral d’une part et diplomatique d’autre part (361–375). Un index clôt le volume (377–407).

Les contributions rassemblées dans ce volume montrent la vitalité d’un champ d’études défriché depuis la fin du XIXe siècle par notamment Nicolae Iorga puis Oskar Halecki, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, et elles donnent l’envie de mieux connaître les travaux des différents auteurs.

1 Parmi les sources (189, n. 50), je me permets d’indiquer l’édition récente de: Marie-Gaëtane Anton, Giovanni Palumbo, Jacques Paviot, Relation de la croisade de Nicopolis, Paris 2021.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jacques Paviot, Rezension von/compte rendu de: Paul Srodecki, Norbert Kersken (ed.), The Defence of the Faith. Crusading in the Frontiers of Latin Christendom in the Late Middle Ages, Turnhout (Brepols) 2024, 407 p., 26 b/w fig., 3 b/w tables, ISBN 978-2-503-58882-7, EUR 95,00., in: Francia-Recensio 2024/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2024.4.108160