Le présent recueil, tout comme le grand projet ANR »ACTÉPI - Les actes épiscopaux français du Moyen Âge: édition multimodale et exploitation« (2019–2024), est issu d’un colloque qui s’est tenu en 2016 à Cerisy-la-Salle et qui s’est donné pour mission d’étudier les actes épiscopaux les moins explorés et édités de la France du Nord et de l’Ouest (en particulier du XIe au XIIIe siècle). Dans leur court avant-propos (7–8) ainsi que dans les introductions respectives aux trois sections du volume (19–24, 167–169, 261–264), les éditeurs Grégory Combalbert et Chantal Senséby soulignent le double objectif de ce projet, à savoir de commencer une collection d’actes épiscopaux français comparable aux English Episcopal Acta, et d’y inclure des écrits et actes qui ne sont pas directement commandés par l’évêque, mais aussi par d’autres acteurs dans l’environnement social, religieux et politique de la cathédrale. En accord avec la devise »écrire à l’ombre des cathédrales« les éditeurs parlent d’un »[é]crit cathédral, et pas seulement épiscopal« (7) pour prendre en considération toute une constellation d’acteurs: les chapitres, les dignitaires capitulaires, les doyens, les archidiacres, l’official ou les officiaux, les vicaires, les chapelains, le magister scholarum et d’autres magistri, mais aussi les bénéficiaires des actes, tant du côté des laïcs que de celui des religieux (surtout des moines et des chanoines). Les contributions sont introduites par un article d’Olivier Guyotjeannin (9–16), qui résume principalement l’état de la recherche, notamment dans la perspective de la diplomatique, et trace les grandes lignes historiques dans lesquelles s’inscrivent les études individuelles suivantes: les XIe–XIIIe siècles comme une »période classique d’expansion« de l’acte épiscopal (9) et le XIIIe siècle marqué par »la diversification et la judiciarisation des actes« (16).

Le volume n’est pas divisé selon des critères géographiques, mais selon des étapes historiques: La première partie (19–163) étudie l’émergence de »chancelleries« cathédrales pendant le XIIe siècle. La deuxième partie (167–258) s’intéresse à l’augmentation du nombre des producteurs et des institutions productrices d’écrits en lien avec les cathédrales pendant les XIIe et XIIIe siècles. La troisième partie (261–361) analyse quant à elle la tendance croissante de préservation, transcription et archivage des actes à partir des XIIe et XIIIe siècles. Ainsi, l’ouvrage aboutit à un bon équilibre entre les perspectives micro et macro, permettant au lecteur de comprendre les développements qui dépassent le cadre régional. Il convient d’ailleurs de noter que les (villes) cathédrales qui ne font pas partie de la France actuelle, mais du réseau culturel anglo-normand médiéval, ont été expressément incluses dans le projet: Par exemple Hereford et Salisbury (Julia Barrow, 171‑178), Exeter (Francisco Álvarez López, Julia Crick et Lois Lane, 265‑278), Worcester et Cantorbéry (Francesca Tinti, 279–295) ainsi que Lincoln (Philippa Hoskin, 297–310).

Une liste des sources citées (369–374), une bibliographie sélective qui aide à trouver les titres les plus souvent utilisés (375‑386), l’index nominum comprenant les offices et titulatures des personnes (387–393), l’index locorum (395–400), de brèves notices biographiques sur les différents auteurs du volume (401‑403) et une »table des documents« (c’est-à-dire des illustrations, 405‑407) concluent le volume. Ces nombreuses illustrations, en noir et blanc ou en couleur, aident à comprendre les analyses et les transcriptions par extraits; on peut citer par exemple l’analyse détaillée et précisément illustrée de documents du chapitre de Notre-Dame de Paris effectuée par Lucie Tryoen Laloum (239‑258). Les tableaux, comme les tableaux des écolâtres, chanceliers et autres officiaux mentionnés dans les actes et de leur titulature latine (Thierry Kouamé, 155, tabl. 1; Emmanuel Grélois, 184, tabl. 1, 191, tabl. 3 et 192, tabl. 4) et les très utiles cartes géographiques (par exemple les cartes diocésaines dans les articles de Grégory Combalbert, 72, fig. 1, et de Caroline Simonet, 213, carte 1) méritent également d’être signalés.

Le volume a été rédigé avec soin et rassemble un grand nombre de travaux individuels détaillés et de haute qualité scientifique. Le souhait formulé dans les introductions d’élargir la perspective en prenant en compte l’»ombre« de la cathédrale est réussi dans la plupart des cas. Pour ne citer qu’un exemple, Elma Brenner montre comment l’obituaire de l’Hôtel-Dieu de Rouen du XVe siècle (Rouen, BM, Y 42) et ses prédécesseurs, perdus, laissent apparaître une communauté de chanoines augustins en lien avec la cathédrale qui dépendait de la chancellerie de celle-ci dans ses pratiques d’archivage, mais qui présentait aussi »une identité distinctive, celle d’un prieuré augustin qui soignait des malades« (361). Les contributions de ce recueil illustrent de manière impressionnante le phénomène que Véronique Gazeau résume dans sa concise conclusion (363–368) par la simple formule »l’acte écrit à l’ombre de la cathédrale est divers« (363) et que cette diversité des témoignages écrits est le reflet de la complexité des circonstances historiques.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jonas Narchi, Rezension von/compte rendu de: Grégory Combalbert, Chantal Senséby (dir.), Écrire à l’ombre des cathédrales. Espace anglo-normand et France de l’Ouest, XIe–XIIIe siècle, Rennes (Presses universitaires de Rennes) 2024, 411 p., cartes, fac-sim., ill. (Histoire), ISBN 978-2-7535-9435-7, DOI 10.4000/12jxo, EUR 28,00., in: Francia-Recensio 2025/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2025.1.109366