La publication des regestes de l’empereur Frédéric III se poursuit, selon le plan prévu au départ: non pas dans l’ordre chronologique, comme c’en est l’habitude depuis l’inventeur des regestes »à l’allemande«, Johann Friedrich Böhmer (1795–1863), mais par lieu de conservation. La masse de la documentation est telle qu’il est illusoire d’espérer établir un ordre chronologique général tant que l’ensemble des lieux de conservation n’aura pas été dépouillé. D’ailleurs ce seul volume contient 773 regestes! Il y a cependant une autre raison à la préférence pour la publication par lieu d’archivage: elle permet de mieux observer la cohérence des fonds d’archives.

En la matière cependant, le présent volume est un peu hors normes. Consacré à la circonscription (Regierungsbezirk) de Karlsruhe, il comprend essentiellement des regestes d’actes conservés au Generallandesarchiv du Bade-Wurtemberg à Karlsruhe. Ce dépôt a été organisé en 1806 par le nouveau souverain, le grand-duc de Bade, à partir de nombreux fonds d’archives épiscopaux ou seigneuriaux; les actes avaient été groupés selon un critère de lieu, mais nombre d’entre eux ont été extraits au fil des années. Déjà avant la constitution de ces archives, celles de l’électeur palatin du Rhin avaient été en bonne partie transférées à Munich en 1779, à la faveur du déménagement de l’électeur Karl Theodor (1724–1799). Pas toutes cependant, et si les archives de Karlsruhe se révèlent très riches en Fridericiana, c’est notamment dû au fait que les registres de la chancellerie électorale du XV^e siècle montrent combien l’électeur revendiquait un rôle à l’échelle du royaume: d’où des actes pour Lindau, Cologne ou Trèves, par exemple.

La très grande majorité des regestes concerne les actes conservés à Karlsruhe, mais il s’y ajoute quelques actes conservés à la bibliothèque de l’université de Heidelberg ou à la Badische Landesbibliothek de Karlsruhe, et même un mandement daté de 1487 toujours conservé dans les archives des descendants de ses destinataires, les seigneurs d’Adelsheim.

Les 773 regestes recensés apportent évidemment autant de regards sur la vie du royaume germanique dans la seconde moitié du XV^e siècle. On y rencontre au passage quelques célébrités, comme Guillaume Fillastre et Eneas Piccolomini (n° 242) ou le cardinal Bessarion (n° 298). On relève surtout quelle grande diversité d’affaires l’empereur, et ses services, avaient à gérer. On voit ainsi, par exemple, Frédéric III confirmer en 1441 les privilèges de l’abbaye de Gengenbach, et en 1452 ceux de la ville du même endroit (n° 22 et 219), concéder en 1445 deux marchés annuels à la ville de Waldshut (n° 145), s’excuser en 1446 auprès du margrave de Bade parce que la présence de troupes hongroises en Autriche et en Styrie l’a empêché de lui expédier, pour mariage, sa sœur (n° 158), accuser en 1461 le duc de Bavière-Landshut du crime de lèse-majesté (n° 318), confirmer en 1466 un jugement rendu par le tribunal impérial (Reichskammergericht) dans un litige entre le duc d’Autriche et la ville d’Überlingen (n° 393), inféoder en 1470 des biens au comte de Sulz (n° 445), convoquer en 1473 l’abbé de Gengenbach à Augsbourg pour une diète qui y discutera de la menace turque sur la deutsche Nation (n° 510), autoriser la ville de Nuremberg à proscrire les voleurs de grand chemin pour crime de lèse-majesté (n° 570), interdire à la ville d’Überlingen de rappeler le contingent qu’elle lui avait envoyé et dont, à Maastricht en 1488, il avait encore grand besoin (n° 702), ordonner en 1492 aux chevaliers de l’Ortenau de le rejoindre à Metz pour défendre l’Allemagne contre une invasion française…

Les regestes forment la partie principale de ce livre, mais, outre la liste des sources et des références bibliographiques ainsi que l’index des noms de lieux et de personnes, on peut souligner la présence d’une liste chronologique des regestes, très utile parce que donnant un court résumé de chacun de ceux-ci, et remplaçant donc assez largement l’absence d’index rerum.