Sous le titre »Outils de l’historien«, imposé par la publication de volumes analogues pour les trois autres grandes périodes historiques, se trouve en fait une présentation des sciences auxiliaires de l’histoire du Moyen Âge, tant ces sciences restent à la base du travail du médiéviste: le livre hésite d’ailleurs entre l’expression de »sciences auxiliaires« (Hilfswissenschaften) et »sciences fondamentales« (Grundwissenschaften). Cet ouvrage entend prendre la succession de celui publié en 1958 par Ahasver von Brandt sous un titre presque identique (les historiennes n’étaient pas mentionnées), et constamment réédité depuis.

Le changement dans le titre n’est pas le seul. Là où von Brandt, qui était archiviste, s’adressait en fait par le terme »Historiker« aux seuls médiévistes et, dans une faible mesure, modernistes, l’éditeur a choisi de publier un volume pour chacune des périodes historiques. Et, bien sûr, la liste des sciences auxiliaires traitées a évolué. On y retrouve sans surprise, dans une première partie consacrée aux disciplines d’étude de documents, diplomatique, épigraphie, numismatique, sigillographie, héraldique et cartographie, et, nouvelles venues, la codicologie et l’incunablologie. Chacune de ces sciences fait l’objet d’un chapitre spécifique, rédigé par une ou un spécialiste du sujet: Anja Thaller pour la diplomatique, Thom Gobbitt pour la codicologie, Dorett Elodie Werhahn-Piorkowski pour l’incunablologie, Franz-Albrecht Bornschlegel pour l’épigraphie, Sebastian Steinbach pour la numismatique, Markus Späth pour la sigillographie, Christof Rolker pour l’héraldique et Felicitas Schmieder pour la cartographie.

La seconde partie réunit des chapitres qui portent non sur des genres documentaires, mais sur des méthodes d’analyse. Y sont traitées la paléographie (Colleen M. Curran), la fragmentologie (Veronika Drescher), la chronologie (Thomas Wozniak), la généalogie et la prosopographie (Alexander Maul), l’histoire génétique (Jörg Feuchter) et la médiévistique numérique (Georg Vogeler). On peut s’étonner que la fragmentologie, qui étudie les membra disiecta de manuscrits, et dans une moindre mesure la paléographie ne soient pas dans la première partie, mais ce n’est pas l’essentiel.

Impossible ici de présenter chacun de ces chapitres, ce qui supposerait d’ailleurs une compétence que le recenseur ne possède pas. Les contributions partagent en tout cas, dans la mesure où la diversité des sujets le permet, un plan identique, comprenant une définition de la discipline, un bilan historiographique, une présentation des objectifs et des méthodes. Une bibliographie, nécessairement succincte, termine chaque chapitre, avec des ouvrages généraux, quelques travaux spécialisés et d’abondantes sitographies; si les publications allemandes y sont, logiquement, nombreuses, les références en anglais ou en français (mais pas en italien!) n’y sont pas rares. De nombreuses illustrations permettent de visualiser des exemples. Malheureusement, elles sont de format réduit et en noir et blanc, afin de maintenir le plus bas possible le prix de l’ouvrage, avant tout destiné aux étudiantes et aux étudiants.

Les chapitres les plus novateurs sont évidemment ceux qui portent sur l’histoire génétique et sur la médiévistique numérique. Pour la première, J. Feuchter raconte l’évolution de la recherche sur l’ADN jusqu’à ›la révolution de l’aADN‹, et présente ensuite quelques domaines dans lesquels nos connaissances ont été bouleversées par celle-ci: l’histoire des épidémies (des phoques auraient transporté en Amérique des bactéries de la tuberculose dès le XIIIe siècle), celle des migrations (mais dont les résultats sont fragiles et suscitent encore des débats), et l’histoire du parchemin. Pour la médiévistique numérique, G. Vogeler explique quelles sont les principales structures actuelles, ainsi que l’intérêt pour l’édition de textes, la recherche lexicale, la gestion de données et l’analyse de réseaux.

Quelques auteurs fournissent des informations très pratiques, potentiellement utiles pour tout un chacun: schéma d’une peau animale avec représentation des parties les plus fines (53), règles d’édition des inscriptions (107–109), règles de description d’une monnaie (123), éléments d’analyse d’une écriture (219), types de fragments de manuscrits (231), tableau des symboles utilisés en généalogie avec leur Unicode (257), liste latine/allemande des liens de parenté (265–266).

L’ouvrage se termine par un index des choses, malheureusement trop sélectif, et un index des noms propres.

Présenter en quelque 300 pages l’ensemble des sciences auxiliaires relève de la gageure, quand on pense que déjà la rédaction d’un manuel consacré à une seule de ces sciences impose des choix douloureux et injustes. Pour de probables futures rééditions, on pourrait suggérer de multiplier les exemples illustrés par le renvoi à des reproductions commentées sur des sites internet et d’ajouter un chapitre sur le latin médiéval avec une ouverture, au moins bibliographique, sur les principales langues vernaculaires. Quoi qu’il en soit, le défi de remplacer le vieux manuel de von Brandt est amplement réussi, et ce livre rendra de très grands services aux étudiants, ainsi d’ailleurs qu’aux chercheurs désireux de se confronter à d’autres sources, d’autres disciplines, que celles auxquelles ils sont habitués.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Benoît-Michel Tock, Rezension von/compte rendu de: Thomas Wozniak (Hg.), Werkzeuge der Historiker:innen. Mittelalter, Stuttgart (Kohlhammer) 2024, 320 S., 34 Abb., 4 Tab. (Werkzeuge der Historiker:innen, 2), ISBN 978-3-17-040954-5, EUR 28,00., in: Francia-Recensio 2025/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2025.1.109390