Ce recueil de neuf communications est issu de deux rencontres organisées à Lyon en 2017 et 2019 par Bruno Galland et Xavier Hélary: il était temps de s’intéresser à nouveau aux Beaujeu, depuis le livre de Mathieu Méras, Le Beaujolais au Moyen Âge (1956), version imprimée de sa thèse de l’École des chartes. Les contributions ont été rassemblées en trois parties.

Dans la première, »Les Beaujeu et leurs voisins«, Olivier Bruand s’intéresse à l’émergence et à l’affirmation du lignage des Beaujeu aux Xe et XIe siècles (7–25). Le premier seigneur reconnu est Bérard († 967), qui serait lié aux vicomtes de Lyon-Forez. Son épouse Wandalmode est, elle, à rattacher aux seigneurs de Salins et aux comtes de Mâcon, ce qui explique l’implantation entre Mâcon, Lyon et le Forez, et les liens avec Cluny. L’affirmation est accomplie avec leur fils Humbert Ier (967–av.1016), mais ses successeurs Guichard Ier et Guichard II ont eu à défendre leurs droits seigneuriaux contre Cluny et Saint-Vincent de Mâcon.

La première rencontre entre Beaujeu et Capétiens, objet de la contribution de Xavier Hélary (27–61) eut lieu à Mozac (dép. Puy-de-Dôme, non loin de Clermont-Ferrand) en 1095, Humbert II étant le (dernier) témoin d’une donation du roi Philippe Ier à Cluny. Cinquante ans plus tard, Humbert III a peut-être suivi Louis VII en Terre sainte. Les deux dynasties se rapprochent avec le mariage de Guichard IV avec Sibylle1 de Hainaut en 1196–1198. Avec lui commence le service au roi de France: Guichard IV avec l’expédition du futur Louis VIII en Angleterre, Humbert V connétable de France et participation à la croisade de Louis IX (service qui entraîna la mort à tous les deux). On revient à des espaces plus proches avec Florentin Briffaz qui étudie la complexité du gouvernement et des rapports entre Beaujeu, Thoire-Villars (jusqu’en 1402) et Savoie dans l’éco-système de la Dombes, au-delà de la Saône, dans l’Empire (63–94). De son côté, Daniela Cereia traite des relations entre les sires de Beaujeu et les comtes de Savoie (95–106), relations fondées sur des alliances et des mariages au milieu du XIIIe siècle, mais se transformant en conflits sans solutions au XIVe siècle, entre France et Empire, entre Dauphiné et Savoie, entre Thoire-Villars et Beaujeu, sans oublier l’archevêque de Lyon.

Dans un deuxième temps, sont présentées des »Figures de la famille de Beaujeu«. Jacques Berlioz s’attache à la personne de Sibylle de Beaujeu (109–128), plus exactement Sibylle de Hainaut-Flandre fille de Baudouin VIII de Flandre et V de Hainaut et de Marguerite de Flandre, qui fut mariée vers 1196–1198 à Guichard IV de Beaujeu et qui mourut en 1217. Elle donna des informations à l’inquisiteur lyonnais Étienne de Bourbon, mais orientées négativement sur Marie de Champagne, épouse de son frère Baudouin, et sur Philippe Auguste, dont sa sœur aînée Isabelle fut la première épouse. Alain Demurger rattache résolument Guillaume de Beaujeu, grand maître de l’ordre du Temple de 1253 à 1291, au lignage des seigneurs de Beaujeu, tout en retraçant sa carrière en France et en Orient à partir de 1261 jusqu’à sa mort à la perte d’Acre (129–143). Jean-François Lassalmonie s’attache au couple emblématique d’Anne de France et Pierre de Bourbon, dame et sire de Beaujeu (145–167): Anne de France est en fait connue par le titre porté alors par Pierre de Bourbon lors de leur mariage en 1474 et l’auteur rappelle leur rôle politique de Louis XI à Louis XII en passant la régence de Charles VIII.

Dans »Monuments et documents«, Jean-Michel Poisson présente les fragments sculptés provenant du cloître et des monuments funéraires des Beaujeu dans l’église Notre-Dame de Belleville (édifiée entre 1168 et 1179), trouvés lors de travaux en 1987–1989: morceaux de chapiteaux, modillons, fragments d’anges, objets qui devraient être exposés dans un musée (171–186). Bruno Galland souligne la richesse du fonds du chapitre Notre-Dame de Beaujeu déposé aux Archives départementales du Rhône (187–195), déjà exploité et en partie publié et progressivement classé par les archivistes et les érudits locaux depuis le XIXe siècle.

En conclusion (197–201), X. Hélary résume les acquis de ce volume et invite à une nouvelle histoire du Beaujolais et des sires de Beaujeu. Suivent les index. Sans doute aurait-il fallu insérer un arbre généalogique pour rappeler au lecteur la descendance de Bérard et de Wandalmode jusqu’à la mort de Guichard V en 1265, puis celle de sa sœur Isabelle et de Renaud de Forez jusqu’à la mort d’Édouard II en 1400, enfin l’héritage par les ducs de Bourbon, le titre étant donné soit à l’aîné soit à un cadet.

Un tel ouvrage, bien illustré, montre l’intérêt et la vitalité de l’histoire régionale par des universitaires et la nécessité de renouvellement des études déjà anciennes.

1 Curieusement, dans tout l’ouvrage, le prénom Sibylle est orthographié Sybille ; cela vient sans doute du livre de Mathieu Méras.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jacques Paviot, Rezension von/compte rendu de: Xavier Hélary (dir.), Les seigneurs de Beaujeu. Xe–XVe siècle, Lyon (CIHAM-Éditions) 2024, 220 p. (Collection Mondes médiévaux, 11), ISBN 978-2-9585809-0-2, EUR 26,00., in: Francia-Recensio 2025/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2025.2.111094