Comme le signale son avant-propos, ce bel ouvrage est le fruit de recherches collégiales menées dans le cadre d’un séminaire universitaire d’histoire médiévale à Tübingen. Le volume tient en 105 pages denses, portées par le souci permanent d’exposer avec soin et rigueur les données nécessaires à la compréhension des enjeux de ces Annales.

Qu’il nous soit permis, pour commencer, de donner ici au lecteur un rapide aperçu du contenu de l’ouvrage: le volume s’ouvre, après la liste des abréviations, sur une bibliographie riche et serrée (XI–XIV), distinguant sources et littérature critique (XII, pour l’entrée BOUQUET, comprendre »Recueil«, au lieu de »Receuil«). La page des sigles précède ce que nous tenons pour une introduction (1–48), menée de passionnante manière, offrant des mises au point traitant successivement de l’œuvre et de son titre (1–4), des questions, complexes, de datation, de localisation et de ce qui relève de la focalisation (5–11), des modèles suivis (11–18), de la réception (18–27), de la transmission (manuscrits et éditions, 27–30) et de l’analyse méticuleuse et scrupuleuse de cette dernière s’achevant sur la proposition d’un stemma (31–45), avant, comme il se doit, d’apporter un éclairage sur les principes d’édition adoptés dans le volume (46–48). Quant à l’édition, modèle du genre, elle est dotée d’une traduction allemande très utile (50–91). Dûment et soigneusement annotée, cette traduction, pour autant qu’une francophone puisse légitimement se prononcer en la matière, est minutieuse et fort attentive aux éléments formulaires qui étayent le cas échéant les différentes entrées (qu’il nous soit toutefois permis de plaider pour l’uniformisation de la traduction d’une structure comme sine hoste, rendue, pour les entrées 740 (59) et 750 (63), par »ohne Kriegszug«, mais par »ohne Heereszug«, pour les entrées 781 (77) et 786 (79). De précieux Indices (personnages, lieux, vocables) apportent une touche finale bienvenue à l’ensemble.

Le résultat de ces enquêtes est en tous points remarquable et l’exposé de l’investigation que fournit la riche introduction est, en soi, un modèle de manuductio permettant au lecteur de progressivement s’approprier les données, souvent puissamment imbriquées, de la mise en œuvre de cette écriture annalistique, en jetant un éclairage nouveau sur les questions de réception, infirmant à bon droit des rapprochements indus, en particulier avec les Annales du royaume des Francs (22–26). La présente recension n’a, par conséquent, d’autre ambition que de souligner, en résumant, voire reprenant, avec l’espoir de ne pas le déformer, le propos des éditeurs, certains points saillants qui ont suscité l’intérêt de l’autrice du présent compte-rendu.

Les Annales Petaviani, qui, dans leur appellation convenue, renvoient à Alexandre Petau, possesseur de l’un des trois manuscrits actuellement connus qui les transmettent, constituent une voie d’accès privilégiée aux années 708–799, non sans offrir de prime abord deux pans distincts. Le premier, jusqu’à l’entrée 771, repose sur une écriture de la brièveté, puissamment apparentée (selon des modalités qui ne sont pas sans soulever d’épineuses questions fort bien présentées en pages 11–18 de l’introduction) aux Annales Sancti Amandi et aux Annales Laureshamenses, comme le montre éloquemment l’édition proposée. Le second, ensuite, avance des modalités rédactionnelles résolument différentes en ce qu’elles prennent également quelque distance avec le caractère lapidaire initial.

À lire le très utile historique raisonné des différentes éditions de ces Annales jusqu’à la dernière édition de référence en date, celle de Georg Heinrich Pertz (1826) en MGH SS 1, assortie de compléments accessibles en MGH SS 3, on comprend aisément que la présente édition s’imposait. Elle prend notamment en considération les trois manuscrits – Genève, Bibliothèque de Genève, Ms. lat. 50, fol. 1v–3r, IXe siècle, ca. 825; Paris, BnF, lat. 4995, fol. 1r–8v, Xe siècle; Città del Vaticano, BAV, Reg. lat. 520, fol. 104r–108v, mi-IXe siècle – en choisissant comme manuscrit de base celui du Vatican – possession d’Alexandre Petau – pour des raisons légitimes et rigoureusement explicitées. Pour les entrées jusqu’à celle de 713, les auteurs examinent également l’édition de Pithou de 1588, fondée sur un manuscrit désormais perdu, ou s’autorisent à interroger la réception de cette écriture annalistique dans le Chronicon Sancti Benigni Divionensis. Il n’est que de lire en détail le complet étagement des apparats critiques de la présente édition pour mesurer le soin apporté à la réalisation de ce travail à nouveaux frais.

Rétives à toute tentative de datation ou de localisation exacte, ces Annales, fruit d’une compilation (non sans approximation le cas échéant) pour la tranche 708–771, adoptent, en leur second volet, des modalités rédactionnelles qui ne permettent cependant point de trancher entre écriture par phases ou réécriture d’une seule traite après 799. Les éditeurs, relevant 771 comme terminus post quem, et rappelant que le plus ancien manuscrit, celui de Genève, remonte à 825, signalent que, pour différentes raisons, l’entrée 799, peut avec prudence être pensée comme point final des Annales, et que l’ensemble doit avoir été rédigé avant la date de la mort de Charles le Jeune, fils de Charlemagne (4 décembre 811). Quant à l’instance de rédaction, férue d’intertexte scripturaire, sensible aux données militaires et à la question de l’évangélisation des Saxons, elle est peut-être à débusquer dans l’entourage du souverain.

La nouvelle édition des Annales Petaviani, assortie d’une traduction annotée, était indispensable: on ne peut qu’être reconnaissant envers les éditeurs du présent ouvrage d’avoir eu à cœur d’offrir aux chercheurs historiens et philologues qui s’intéressent à l’écriture annalistique au haut Moyen Âge un ouvrage qui, n’en doutons point, fera désormais office d’édition de référence.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Christiane Veyrard-Cosme, Rezension von/compte rendu de: Gabriel Anhegger, Steffen Patzold, Louisa Schulz, Erik Waschek, Die Annales Petaviani. Kritische Edition und Übersetzung, Wiesbaden (Harrassowitz Verlag) 2024, XV–105 S., 1 Abb., 7 Tab. (Monumenta Germaniae Historica. Studien und Texte, Band 71), ISBN 978-3-447-12213-9, EUR 40,00., in: Francia-Recensio 2025/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2025.3.113160