La publication des regestes de l’empereur Frédéric III se poursuit! Petit à petit, volume après volume, cet instrument de travail se complète et s’enrichit. On en connaît le principe: donner une analyse de tous les actes donnés par ce personnage. Comme cela représente une masse documentaire énorme, chaque volume porte non sur une partie du règne, mais sur tous les documents conservés dans une région précise: en l’occurrence, dans ce volume, la Basse-Franconie. Concrètement, il s’agit surtout des archives du Land de Bavière à Wurtzbourg (Staatsarchiv Würzburg), le principal dépôt de la région. Mais certains documents se trouvent dans des archives municipales à Aschaffenburg, Dettelbach, Eibelstadt, Iphofen, Kitzingen, Schweinfurt, Volkach et Wurtzbourg ou d’autres archives publiques, voire dans des archives privées: celles du diocèse de Wurtzbourg, et surtout celles des princes de Linange-Dabo-Hardenbourg à Amorbach et celles des princes de et à Castell. La bibliographie ne comprend étonnamment, et malheureusement, pas de liste des sources manuscrites, ce qui ne permet pas bien de se rendre compte de l’importance de l’apport de chacun de ces fonds d’archives à la connaissance de Frédéric III. Quant aux destinataires, ils sont nombreux: les évêques de Wurtzbourg au premier rang, ainsi que les Linange (en particulier Schaffried, qui recourut à l’aide de l’empereur pour être libéré de la prison où le détenaient les Lichtenberg, et ensuite pour se venger d’eux). Du côté des villes, on citera avant tout Wurtzbourg et Schweinfurt; du côté des monastères, les cisterciens de l’abbaye impériale d’Ebrach.

Cet inventaire donne le regeste de 348 actes, et comme toujours, la lecture d’une telle collection de résumés d’actes, loin d’être fastidieuse, fait entrer le lecteur dans le (presque) quotidien de l’activité du héros; du moins, de son activité telle qu’elle s’exprime dans les actes qu’il a émis. Mais ce n’est pas seulement le personnage de l’empereur qui est éclairé par ces regestes, mais aussi la société germanique de la seconde moitié du XVe siècle. Car, si affaibli qu’il fût, l’empereur gardait une marge d’intervention, qui lui permettait de maintenir une certaine autorité et une certaine intégration du royaume, ainsi que d’aider au financement de ses activités. Ainsi voit-on Frédéric III intervenir en faveur d’individus, comme un certain Hans Zentgreve, quand il ordonne à l’abbaye de Bildhausen de lui confier une prébende (n° 139). En 1466 il informe la ville de Wurtzbourg qu’il a nommé Ulrich von Grafenegg au commandement de l’armée destinée à faire campagne contre les Turcs en Hongrie (n° 175). Frédéric III intervient aussi en 1448 dans le conflit entre l’ancien et le nouveau conseil de la ville de Schweinfurt (n° 77, 78, 79). Et c’est à lui que s’adressent, à de multiples reprises semble-t-il, les habitants de Nuremberg pour qu’il incite les autorités urbaines à lutter plus activement contre les voleurs de grand chemin et autres criminels (n° 259).

Les Turcs sont à nouveau mentionnés à d’autres moments, comme quand en 1471 la menace qu’ils représentent amène l’empereur à charger l’évêque d’Eichstätt et l’abbé de Kaisheim de négocier le soutien franconien contre cette menace (n° 226).

Les regestes forment un monde pour l’essentiel masculin, mais on relève tout de même qu’en 1444 une femme, Anna von Heusenstamm, a la capacité juridique d’acheter des biens (n° 42).

Puisqu’il est souvent question, implicitement, de finances, les juifs sont mentionnés également dans la mesure où l’impôt qui pèse sur eux est un revenu non négligeable. Mais auquel Frédéric peut renoncer: en 1472 il informe les villes d’Ulm et de Nördlingen que leurs juifs paieront désormais leur impôt spécifique au comte d’Oettingen (n° 235). La concession ou confirmation de droits de marché, par exemple en faveur de l’évêque de Wurtzbourg, est certainement une autre source de revenus (n° 280). C’est dans le même but financier sans doute que Frédéric III renouvelle le droit de cet évêque de disposer des biens de ceux qui se seront suicidés dans les territoires de l’église cathédrale (n° 294), ou qu’il autorise la ville de Kitzingen à construire un moulin sur le Main (n° 71). Les questions judiciaires le préoccupent également, et le »Kammergericht«, qui deviendra en 1495 le »Reichskammergericht«, connaît une très forte activité.

Le souverain sollicite parfois l’appui du pape: en 1468 il demande à Paul II d’approuver un tarif de tonlieu plus favorable à l’évêque de Wurtzbourg (n° 194), en 1473 il prie Sixte IV de l’autoriser à pourvoir à 300 bénéfices (n° 238). Après la mort de Charles le Téméraire les relations avec le roi de France Louis XI se détériorent, de sorte que l’empereur demande au roi de libérer l’évêque de Verdun et de restituer les biens pris aux habitants de Cambrai (n° 264).

Ce volume, comme tous ceux qui l’ont précédé, est donc d’une très grande richesse: sa lecture doit être recommandée à tous ceux qui s’intéressent à l’Allemagne du Moyen Âge tardif.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Benoît-Michel Tock, Rezension von/compte rendu de: Regesten Kaiser Friedrichs III. (1440–1493) nach Archiven und Bibliotheken geordnet, begr. von Heinrich Koller, hrsg. von Paul-Joachim Heinig, Johannes Helmrath und Christian Lackner, H. 38: Die Urkunden und Briefe aus den Archiven und Bibliotheken des Regierungsbezirks Unterfranken, bearbeitet von Paul-Joachim Heinig, nach Vorarbeiten von Sigrid Oehler-Klein und Petra Heinicker, Wien, Köln (Böhlau) 2024, 407 S. ([Regesta Imperii XIII], Heft 38), ISBN 978-3-205-21948-4, EUR 60,00., in: Francia-Recensio 2025/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2025.3.113174