La collection de documents médiévaux conservés aux archives de Paris se caractérise par une grande diversité, ce qui est souligné à la fois par Philippe Contamine dans sa préface (p. 11–15) et par Ghislain Brunel et Romain Tardy dans l’introduction générale (p. 19–29). Elle est née de la recherche patiente de Marius Barroux, archiviste du département de la Seine de 1889 à 1927, qui a voulu pallier par différents modes d’acquisition (donation ou achat) la disparition des archives de l’Hôtel de Ville lors de l’incendie du 24 mai 1871. Jusqu’en 1992, ses successeurs ont continué cette politique qui a permis de rassembler 350 textes délivrés entre 1112 et 1516, échantillon représentatif de la production diplomatique parisienne et objet de la présente édition.

Majoritairement intégrés dans la série AZ, au titre des documents entrés par voie extraordinaire, c’est-à-dire par acquisition auprès de libraires ou de particuliers, ils sont considérés par les archivistes comme des documents privés, même s’ils ont souvent été produits par des institutions »publiques« comme le châtelet de Paris, les chambres des comptes du roi ou du duc d’Orléans. Ils ont été insérés dans le cadre de classement des archives départementales et communales dans les quatre premières sous-séries (1AZ à 4AZ). Ainsi, le plus ancien acte (no 80), datant de 1112 et provenant du fonds de Saint-Denis, est à la fois identifé comme »D. H1« et »1AZ65, pièce 5«. Ces documents médiévaux représentent 4% de la série AZ qui en compte 8883. Comme ce sont principalement des actes scellés et des expéditions d’actes notariés, ils sont écrits pour la très grande majorité sur parchemin. En effet, seuls 15 d’entre eux sont sur papier, soit 4,3% de l’ensemble. Parmi eux, le français est dominant: 79,4% soit 278 pièces sont en langue vernaculaire à partir de 1288–1289; 16,3% en latin pour les actes les plus anciens ou ceux émanant d’évêques; 4,3% en latin et en français. Dans ce dernier cas, il s’agit surtout de vidimus. Leur répartition chronologique suit une courbe ascendante, assez fdèle aux taux de production et de conservation de l’écrit tout au long du Moyen Âge: 2% d’entre eux sont du XIIe siècle, 8,6% du XIIIe siècle, 34,6% du XIVe siècle, 49% du XVe siècle et 5,8% des années 1500–1516. L’augmentation observée aux XIVe et XVe siècles est liée au recours de plus en plus massif des administrations naissantes et des usagers à l’écrit, à la multiplication des types d’actes en matière fnancière et comptable, mais aussi à l’emploi de plus en plus courant des vidimus qui représentent 12,6% du corpus. Ces documents anciens, dont certains étaient très abîmés, ont bénéfcié d’une campagne de restauration entre mars et septembre 2011.

Dans la publication, les documents ont été distribués en cinq parties: la première concernant les églises et institutions ecclésiastiques du diocèse de Paris (p. 35–233) rassemble 153 actes; la deuxième (»Le roi et l’administration royale«, p. 235–313) en compte 77; la troisième (»Les ducs d’Orléans«, p. 315–352) en totalise 66; la quatrième (»Finances et corporations de la ville de Paris«, p. 353–361) est la plus courte avec seulement neuf documents et la dernière (»Familles et seigneuries«, p. 363–433) en réunit 45. Chacune de ces parties est précédée d’une courte introduction qui rappelle rapidement le contexte de production. En outre, 113 illustrations de belle qualité, réparties en 80 planches (p. I–LXXX), sont disponibles et permettent de se faire une idée des écritures et de la mise en page. L’ensemble se termine sur un lexique et glossaire (p. 435–446), un index des noms de lieux de personnes (p. 447–516), un index des métiers et fonctions (p. 517–530) et un tableau de concordance des actes édités (p. 531–540), ainsi que d’une bibliographie indicative. L’ouvrage est enfn pourvu d’une carte de Paris au milieu du XVe siècle, fort utile pour localiser les institutions qui sont citées.

Un des objectifs de ce livre est de limiter au strict nécessaire la communication des documents en salle de lecture. Fort heureusement, le travail d’édition en lui-même est soigné et rigoureux. Les analyses qui précèdent chacun des textes sont précises et permettent de saisir rapidement quels en sont le contenu et les enjeux. En comparant texte et image, quand cela est possible comme pour l’acte no 87 (illustrations 72 et 73, p.XLII–XLIII), la transcription se révèle minutieuse et la plus propre à faciliter la lecture et la compréhension, même s’il aurait été souhaitable de mettre en évidence les abréviations pour mieux apprécier les compétences graphiques des rédacteurs des documents. L’attention portée à toutes les mentions hors-teneurs, ainsi qu’aux notes dorsales médiévales et modernes montre tout le sérieux des deux auteurs et leur souci de délivrer aux chercheurs les sources les plus complètes possibles. Enfn, parmi les illustrations, un soin tout particulier a été accordé aux seings et signatures de notaires (illustrations 4 à 30), ainsi qu’aux ornementations (illustrations 33 à 47), ce qui fournit de nombreux exemples pour nourrir les dossiers de ceux et celles qui s’intéressent à ces sujets.

Ainsi, par toutes ses qualités aussi bien scientifques qu’esthétiques, »Paris, l’Église et le roi (1112–1516)« est sans contestation possible un ouvrage qui deviendra une référence incontournable pour les recherches sur Paris au Moyen Âge.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Marlène Helias-Baron, Rezension von/compte rendu de: Ghislain Brunel, Romain Tardy (dir.), Documents médiévaux des archives de Paris (1112–1519). Paris, l’Église et le roi. Un siècle d’acquisitions de documents médiévaux (1892–1992). Préface de Philippe Contamine, membre de l’Institut. Avec la collaboration des Archives nationales, Paris (Archives de Paris) 2016, 559 p., 113 ill. en coul., 1 plan, ISBN 978-2-86075-026-4, EUR 25,00., in: Francia-Recensio 2017/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2017.4.43271