L’auteure commence son exposé en présentant l’état de la recherche. Elle est d’avis que les travaux consacrés aux images dans les églises luthériennes ont réduit le rôle des images. Elles ne seraient qu’une illustration de la Parole [de Dieu] à des fns pédagogiques. La Parole est placée au-dessus de l’image (p. 14). Il faut éviter le sentimentalisme. Mais, selon Susanne Wegmann, le rôle de l’image n’est pas seulement didactique. Elle rappelle que Luther admirait le »voir«. Le visuel doit conforter et toucher l’affectivité (p. 20). Il faut unir le voir et le croire. »Le spectateur doit être conduit vers la foi de manière affective« (p. 23). »Comme la Parole, l’image doit effrayer, exhorter et consoler« (p. 201).
L’auteur expose par ailleurs la manière dont l’image exprime l’identité luthérienne. Elle est une arme dans le combat contre d’autres conceptions, telles que celle des réformés au sujet de la cène, comme le montre une illustration reproduite à la page 302. Mais, plus largement, les images dans les églises luthériennes contribuent à visualiser de manière positive, et pas nécessairement polémique, l’identité luthérienne. Elles sont un commentaire des cérémonies cultuelles (p. 48, 76). Elles sont même »un discours sur la présence réelle du Christ et sur la doctrine luthérienne de l’ubiquité« (p. 57). Mais, si les images dans les églises représentent l’histoire du salut et rendent proche la grâce du Christ (p. 200), elles ne transmettent pas, à la différence des sacrements, la présence du Christ.
Le troisième chapitre du livre est consacré aux créateurs d’images, c’està-dire les artistes, et aux donateurs qui ont commandé les images. En un premier temps, les artistes s’inquiétaient des mouvements iconoclastes qui accompagnaient souvent les débuts de la Réforme, et qu’on trouve d’ailleurs dès le Moyen Âge. L’auteur avait déjà évoqué dans le chapitre précédent la « plainte » des images en proie à la destruction (p. 37 et suiv.). Cette plainte sera bientôt sans fondement, comme le montre ce troisième chapitre. Dans l’espace luthérien, les images dans les églises seront considérées comme un fruit légitime de la foi et une contribution au bien-être de la communauté. Mais les donations n’ont pas de caractère méritoire. Les épitaphes créées à la fn du Moyen Âge reliaient les vivants aux défunts (p. 100) en incitant les fdèles à prier pour ces derniers ou en sollicitant leur aide. Une telle perspective ne se retrouve plus dans l’approche luthérienne. Celle-ci privilégie le souvenir des défunts et la reconnaissance à leur égard (p. 162). L’auteur écarte l’idée que les images dans les églises luthériennes exprimeraient aussi les convictions religieuses personnelles des artistes (p. 151). Cela ne serait le cas qu’à la fn du XVIe siècle.
L’un des mérites du présent ouvrage est de se fonder sur une présentation et une analyse d’un ensemble d’images, de retables et d’autres expressions visuelles présentes dans un certain nombre d’églises luthériennes, surtout en Allemagne de l’est. On appréciera les riches parties de la fn de l’ouvrage. Les pages 238 à 314 reproduisent toutes sortes de tableaux, d’épitaphes et autres illustrations dont une belle vingtaine en couleur. Une abondante bibliographie, presque exhaustive, clôt le volume (p. 323–364).
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Marc Lienhard, Rezension von/compte rendu de: Susanne Wegmann, Der sichtbare Glaube. Das Bild in den lutherischen Kirchen des 16.Jahrhunderts, Tübingen (Mohr Siebeck) 2016, X–370 S. (Spätmittelalter, Humanismus, Reformation. Studies in the Late Middle Ages, Humanism and the Reformation, 93), ISBN 978-3-16-154665-5, EUR 99,00., in: Francia-Recensio 2017/4, Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2017.4.43389