Sous un nouveau titre, Ludwig Biewer et Eckart Henning présentent la 20e édition d’un manuel standard de l’héraldique germanophone. Le changement de titre indique que cette révision mise sur une présentation plus moderne et attrayante aux éditions Böhlau. Ainsi, le nom un peu désuet »Wappenfibel« (manuel des armoiries) a été remplacé par simplement »Wappen«, mais conserve le même sous-titre (»Handbuch der Heraldik«). La première édition de l’ouvrage a paru en 1887. Le livre a été amplement augmenté et révisé par Jürgen Arndt en 1967 (15e édition) et constitue ainsi une longue tradition dans l’héraldique allemande. Il est édité par l’association d’héraldique HEROLD, ce qui se reflète dans le contenu et la sélection des matériaux. Compte tenu du fait que la dernière édition était épuisée, il faut saluer cette nouvelle disponibilité. Il convient cependant de rappeler que les éditeurs (Bearbeiter) ont conservé en grande partie, comme dans les éditions précédentes, le texte et les images de la 15e édition et par conséquent l’état de la recherche de 1967.
Comparé à la 19e édition de 1998, publiée dans la maison d’édition spécialisée en généalogie, Degener, un changement évident est le nombre de pages: 382 contre 247, ce qui se manifeste dans un poids d’environ 400 grammes de plus. Cela n’est pas dû tant aux aménagements qu’à la composition et une mise en page plus claire et généreuse. La taille des caractères et l’interligne plus grande permettent en général une meilleure lisibilité. Certaines listes, énumérations et citations de sources sont plus spécifiquement signalées par une mise en blocs marron. Sur les 84 illustrations, huit sont nouvelles (p. 18, 38, 195, 254–258, dont sept en couleurs) alors que cinq de la dernière édition ont été remplacées ou supprimées (19e éd.: p. 113–114, 151, 178). La numérotation des illustrations est devenue plus conséquente et les descriptions d’images ont été mises directement en-dessous des illustrations. Toutefois, une table des illustrations avec toutes les sources iconographiques manque toujours.
En ce qui concerne la structure, les éditeurs ont renoncé à l’arrangement peu structuré de 48 chapitres associés avec l’organisation systématique de la discipline héraldique proposée par J. Arndt, dont la table est pourtant réimprimée sur les pages 20–24. Les matières ont été regroupées en cinq grands chapitres: »Wappenkunde« (Héraldique), »Wappenkunst« (Art héraldique), »Wappengebrauch« (Usage de l’héraldique), »Nachbargebiete« (Disciplines voisines), »Anhang« (Annexe). Une grande bibliographie à la fin du livre remplace les références bibliographiques au début de chaque chapitre et rassemble les publications surtout allemandes jusqu’à l’an 2015. Cette mise à jour est positive, mais souligne en même temps la contradiction entre l’état de recherche présenté dans la bibliographie et l’état de recherche présenté dans le texte.
Des ajouts essentiels se trouvent dans le chapitre 1.5 »Bestandsaufnahme der Sammlungen« (Inventaire des collections): il offre un aperçu des collections des armoiries et des bases de données, suivi d’une liste de liens de sites internet et de bases de données en ligne, dont l’impression risque bien sûr une obsolescence rapide. Les contributions du HEROLD ont été renforcées par l’intégration d’un article sur la Wappenbilderkartei (fichier ordonné des armoiries) incluant un registre exhaustif alphabétique (p. 59–80) ainsi que la »Berliner Erklärung« (déclaration de Berlin) des principes de conception héraldique du HEROLD (2e chapitre, p. 158–160). Une brève présentation du HEROLD en tant qu’éditeur figure à la fin du livre, dans l’annexe. À côté du HEROLD, les associations héraldiques sont désormais représentées par l’Académie internationale d’héraldique (p. 319–332).
Les modifications les plus substantielles apportées aux textes concernent la question de la transmissibilité des armoiries par les femmes, qui est désormais affirmée. Des passages qui avaient constaté les armoiries comme transmissible exclusivement par la ligne agnatique ont donc été adaptés, du moins pour les armoiries »nouvellement adoptées« (chap. 3.4.2, cf. aussi p. 149). Cette légère libéralisation s’explique d’une part par le fait que l’on voit le droit de port des armoiries être rattaché au nom de la personne, qui adopte initialement des armoiries (Wappenstifter), et au nom de la lignée (Namensstamm), d’autre part par les changements du droit du nom en Allemagne depuis 1976.
Les passages historiques, notamment dans le résumé de l’histoire des armoiries, des tournois et des hérauts n’ont été qu’à peine modifiés, modifications qui seraient toutefois nécessaires. Par exemple, l’évocation de modifications dans l’armement militaire et la nécessité qui en résulte de la différenciation des combattants sur le champ de bataille comme raison unique de l’apparition de l’héraldique ne correspond plus au niveau de la recherche actuelle, qui propose un point de vue bien plus nuancé1. La comparaison très problématique dans ce contexte avec le besoin des signes de reconnaissance dans les divisions de chars de la Seconde Guerre mondiale et la »solution« des signes de reconnaissance de la Wehrmacht »dans le temps le plus récent«, qui confirmait »de manière évidente l’explication des origines des armoiries« (p. 25)2, aurait dû être annoté de façon critique et historique si l’on décide de le réimprimer. Dans d’autres chapitres et paragraphes aussi, le contenu est contesté par l’état de la recherche actuelle, ainsi l’identification des hérauts d’armes comme auteurs les plus récurrents des armoriaux, livres des tournois et autres manuscrits héraldiques (ce qui est notamment problématique par rapport à la liste suivante des armoriaux et à ce que nous savons ou plutôt ne savons pas de leurs auteurs/compilateurs), ou les explications données à propos des origines des Hausmarken (marques de la maison) dans le chapitre 4.23.
En résumé, cette 20e édition offre un manuel standard pour la pratique héraldique en langue allemande dans un design plus attrayant et moderne. La restructuration des éditeurs convainc par une organisation plus claire et permet aux lecteurs un meilleur accès aux matières. Dans l’intégration des liens ou dans l’adaptation des passages consacrés au droit aux armoiries, des efforts ont été faits pour que le manuel corresponde mieux aux réalités héraldiques contemporaines. Dans leur préface, les éditeurs regrettent une diminution des connaissances des sources primaires et des sciences auxiliaires par rapport aux »moderne Trends« (modes actuelles) dont les sciences historiques ne manqueraient pas (p. 9). C’était une de leurs motivations principales pour rendre ce manuel disponible dans une nouvelle édition. On peut toutefois douter que cette affirmation d’une opposition entre une science auxiliaire ›solide et proche des sources‹ et des tendances de la recherche historique ›abstraites et éphémères‹ indique une voie pleine d’avenir. Au contraire, la recherche française, dès les années 1970, et les tendances actuelles de la recherche historique allemande en héraldique montrent le dynamisme fécond d’un rapprochement. De ce point de vue, on aurait souhaité une révision plus conséquente des matières historiques. Il reste à espérer que la 21e édition du livre reflétera plus l’état de recherche héraldique du XXIe siècle à cet égard.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Aaron Jochim, Rezension von/compte rendu de: Ludwig Biewer, Eckart Henning (Bearb.), Wappen. Handbuch der Heraldik. Als »Wappenfibel« begründet von Adolf Matthias Hildebrandt, zuletzt weitergeführt von Jürgen Arndt. 20., aktualisierte und neugestaltete Auflage, Köln, Weimar, Wien (Böhlau) 2017, 382 S., 84 farb. und s/w Abb., ISBN 978-3-412-50372-7, EUR 39,99. , in: Francia-Recensio 2018/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2018.1.45541