En lien ou non avec le récent tricentenaire de sa mort, Louis XIV a éveillé l‘intérêt de plusieurs collègues allemands et la biographie écrite par Anuschka Tischer en est un très bon exemple. Il n’est sans doute pas facile de rendre compte à des lecteurs germanophones d’un long règne qui se confond presque avec une vie et a donné lieu à tant d’images contradictoires. Mais il faut tout de suite remarquer que le pari a été tenu. En environ 200 pages de texte dense, on trouvera ici une riche information tirée d’une large bibliographie polyglotte tout-à-fait à jour. Un index facilite la recherche de renseignements précis çà et là à travers l’ouvrage. Le format de la collection ne permettait pas une iconographie très abondante et celle-ci n’est qu’en noir et blanc, mais elle a été bien choisie et elle donne à voir des personnages de premier plan tout comme des moments importants du règne. Une carte du royaume et une généalogie du monarque seront aussi appréciées des étudiants peu familiers de l’histoire et de la géographie de la France.

C’est un ouvrage nourri de beaucoup de lectures, d’une longue réflexion et de pas mal de discussions avec d’autres éminents collègues, tels Klaus Malettke, Christoph Kampman ainsi qu’avec de jeunes chercheurs prometteurs, qu’Anuschka Tischer n’a garde d’oublier dans ses remerciements. Le propos est organisé en huit chapitres: après un premier introductif envisageant Louis par les différentes appellations qui lui furent données (Dieudonné, le Grand, le Roi-Soleil), le jeune roi est présenté entre guerre et paix jusqu’au début de son règne personnel, puis se trouvant lui-même en soleil de la France comme de l’Europe, animé d’un constant désir de gloire, roi très chrétien mais aussi terreur de l’Europe qui en vient à se coaliser contre lui. La mort du roi puis la mémoire de cette période exceptionnelle font enfin l’objet d’analyses spécifiques.

Anuschka Tischer n’a pas cherché à tout dire, mais elle a privilégié un angle d’approche qui lui permet à la fois de dire à ses lecteurs tout ce qui est indispensable à l’intelligence du sujet et mettre plus particulièrement l’accent sur tel ou tel aspect qu’une étude purement politique ou uniquement diplomatique ne saurait évoquer. Le traitement du mariage avec Marie-Thérèse ne se limite pas à la présentation classique de la conclusion dynastique de trente années de guerre franco-espagnole ou du début de la »prépondérance française« comme on aurait dit jadis. Une attention marquée est tout-à-coup portée à la première rencontre du roi et de l’Infante puis à la place de la nouvelle reine dans la cour de France. Ces effets conjoints d’arrêt sur image et de grossissement sont un des agréments de cette biographie. La conscience de soi du roi, par exemple son si vif désir de gloire, a été également traitée avec soin. Il est clair, dès le sommaire, qu’une grande attention a été portée aux relations entre Louis XIV et son environnement, familial, curial, étatique, religieux …

Les pages consacrées à Madame de Maintenon sont bien venues et rendent justice aussi bien à François d’Aubigné qu’à son royal époux dont la piété à ce moment de sa vie était réelle. On appréciera, par exemple, qu’Anuschka Tischer ait pris la peine de lire l’oraison funèbre du roi par Massillon qui, loin, d’être la condamnation sans risque d’un monarque défunt, vibre d’admiration et d’émotion.

Le public germanophone trouvera donc avec ce volume l’occasion de découvrir d’une manière originale et bien informée une histoire qui ne se réduit pas à la dévastation du Palatinat et à l’exil des huguenots, mais est rendue dans sa richesse et son épaisseur biographique.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Olivier Chaline: Anuschka Tischer, Ludwig XIV., Stuttgart (Kohlhammer) 2017, 243 S., 26 Abb., (Kohlhammer, Kenntnis und Können) ISBN 978-3-17-021892-5, EUR 29,00., in: Francia-Recensio 2018/1, Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2018.1.45735