Depuis les travaux d’Ernst Pitz (1971), Hans-Henning Kortüm (1995) et Jochen Johrendt (2004), on sait que les impétrants pouvaient influencer la rédaction des actes pontificaux. Cette conclusion restait cependant limitée au texte de ces actes. L’idée de Judith Werner est de voir s’il en va de même des caractères externes. D’étudier, en fait, si les impétrants, parce qu’ils seraient plus ou moins sensibles à l’autorité pontificale, seraient plus ou moins sensibles à l’apparence extérieure et à la solennité de l’acte.

Pour étudier cette question, l’examen des actes originaux est indispensable. Judith Werner a fait le choix de retenir la période 819–1085: le terminus a quo correspond à la date du plus ancien acte pontifical original conservé, celui de Pascal Ier pour l’église de Ravenne; la date de 1085 correspond évidemment à la fin du pontificat de Grégoire VII. L’enquête a porté sur les provinces de Cologne, Lyon, Mayence, Reims et Trèves, ainsi que sur la Catalogne, la Toscane et l’Ombrie. Cela représente un total de 99 actes.

La méthode suivie est d’étudier l’un après l’autre chacun des principaux caractères externes: taille des actes, utilisation de la surface (part de la surface dévolue au texte), bulle et mode de scellement, écriture, symboles graphiques (invocation, rota, benevalete).

Cette étude pose de grands problèmes méthodologiques. 99 actes, dont la moitié (50) pour les seules Toscane et Ombrie, cela ne constitue pas des séries documentaires très importantes. Le choix de regrouper les impétrants par province ecclésiastique ou par région, même s’il n’empêche évidemment pas l’auteur de traiter chaque document en soi, instille l’idée, dès le début de la recherche, qu’il y a des politiques régionales. Il est par exemple un peu agaçant de lire que »die Diözesen Trier und Verdun stechen durch Privilegien hervor« (p. 104), alors que chacun de ces diocèses n’est représenté que par un seul acte. Judith Werner n’est évidemment pas responsable de l’état de conservation des actes pontificaux du haut Moyen Âge, mais elle aurait pu choisir un terrain d’étude plus pertinent: se concentrer sur la période 1049–1085, de Léon IX à Grégoire VII, et voir systématiquement tous les privilèges conservés pour cette période.

D’autres remarques peuvent être formulées. Le calcul de la partie de la surface de l’acte dévolue à l’écriture se fonde sur l’exclusion de la première ligne, de la date, des souscriptions, de la rota, du benevalete et de la komma. Il y a des raisons pour ce faire, mais c’est malgré tout exclure une partie du texte des actes. Surtout, il faudrait prendre en compte la longueur du texte; chiffrer l’interligne (qui est étudié, mais de manière imprécise).

En dehors d’un élément, le support utilisé pour l’impression de la bulle, parchemin ou soie essentiellement, pour lequel il est possible qu’il y ait dans certains cas une logique régionale, le travail de Judith Werner n’emporte donc pas la conviction. Le rôle éventuel des impétrants sur la mise en page et l’écriture des privilèges pontificaux n’est aucunement démontré.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Benoît-Michel Tock, Rezension von/compte rendu de: Judith Werner, Papsturkunden vom 9. bis ins 11. Jahrhundert. Untersuchungen zum Empfängereinfluss auf die äußere Urkundengestalt, Berlin, Boston, MA (De Gruyter) 2017, 548 S. (Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften zu Göttingen. Neue Folge, 43), ISBN 978-3-11-051666-1, EUR 99,95. , in: Francia-Recensio 2018/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2018.2.48333