Cet ouvrage collectif, placé sous la direction de deux spécialistes de l’histoire de l’Empire colonial allemand, Horst Gründer et Hermann Hiery, fait le point sur l’historiographie allemande consacrée à la question. Cette histoire est relativement récente. Après la Seconde Guerre mondiale, ces études ont marqué le pas, les préoccupations sont autres: le pays est divisé et le passé nazi obère toute recherche. Il faut attendre la fin des années 1960 pour retrouver des travaux allemands, en RFA mais aussi en RDA, mentionnant l’empire colonial. Prolongeant ceux de l’entre-deux-guerres, ils ne portent pas sur la colonisation mais sur l’impact politique et économique de la perte de l’empire.
Cet ouvrage vise à combler en partie le retard accumulé. Abondamment illustré, il comporte des annexes intéressantes, des cartes, un index et, ce qui est précieux, la liste des sources et celle de la bibliographie utilisées par les auteurs. On peut néanmoins leur reprocher de ne pas avoir tenu compte des travaux récents publiés dans les pays anglo-saxons, en France et surtout dans les pays africains et de n’avoir mentionné que les ouvrages allemands1.
Onze auteurs allemands exposent, dans ce livre de 320 pages, les grandes étapes de l’histoire de cet empire colonial qui n’a eu qu’une brève existence: 35 ans entre 1884 et 1919. S’étendant sur plusieurs continents: l’Afrique, l’Asie et l’Océanie, il a été confisqué par les vainqueurs lors de la signature du traité de Versailles. Ils ont choisi un prétexte »fallacieux«: l’Allemagne, en tant que puissance coloniale, aurait maltraité les populations autochtones de son empire. Cet ouvrage collectif met en lumière le contexte et les développements de la politique coloniale allemande, mais n’aborde bien évidemment pas tous les aspects du sujet, c’était mission impossible.
Les communications sont rassemblées autour de quatre axes. Le premier évoque la préhistoire de cette colonisation dans un chapitre intitulé »le long chemin vers la constitution d’un empire colonial«. Ulrich van der Heyden rappelle le rôle précurseur de la société commerciale brandebourgeoise-prussienne Großfriedrichsburg. Elle avait été fondée en 1683 sur la côte ouest du continent africain (l’actuel Ghana). Comme les autres États européens, la Prusse pratiquait la traite transatlantique des esclaves2. Otto von Bismarck tergiversa longtemps avant d’accepter la fondation d’un empire colonial, note Winfried Baumgart. Le premier territoire à passer sous domination allemande fut, le 24 avril 1884, le Sud-Ouest africain allemand. Et, quand Bismarck quitta la chancellerie, l’empire allemand représentait cinq fois la superficie du territoire européen de l’Allemagne.
Le second axe évoque les composantes de cet empire colonial: sa partie africaine, dans l’article de Winfried Speitkamp, où est mentionné rapidement le massacre des Herero; sa partie océanique, rarement abordée, dans celui de Hermann Hiery; sa partie asiatique avec Tsingtau en Chine, un modèle de colonisation étudiée par Horst Gründer. Ces communications abordent de nombreux aspects du sujet: le développement et les particularismes de ces territoires coloniaux, les défis, les problèmes rencontrés par l’administration coloniale, la violence mais aussi le rôle des missions. Il devient clair, à lire ces spécialistes, que le colonialisme allemand présentait des aspects différents de celui des autres puissances coloniales.
C’est probablement à cet endroit qu’il aurait fallu placer une communication sur les violences commises contre les Hereros, les Namas et les Maji Maji, sujet que l’on trouve dans la partie consacrée à l’héritage de la colonisation. Le bilan économique est analysé par Markus Denzel. Il n’est en fait pas très positif et Bernhard Dernburg, le premier ministre des Colonies s’en était inquiété. Horst Gründer termine cette partie en évoquant l’après-guerre, mais il ne mentionne ni les travaux pionniers de Jost Dülffer, ni les travaux français sur le sujet3.
Le troisième axe est consacré à un aspect de la colonisation qui a, jusqu’à présent essentiellement fait l’objet de travaux allemands ou africains: la vie quotidienne au sein de cet empire. Les auteurs analysent finement les relations entre les autochtones et les Allemands, font le point sur les débats actuels, s’interrogent sur la façon dont on vivait dans les colonies et abordent plusieurs aspects: le rôle de l’administration, de la justice, de l’armée, des missions surtout évangéliques et l’action des femmes allemandes.
La dernière partie aborde l’héritage colonial à travers l’article de Joachim Zeller consacré au délicat problème du souvenir de la colonisation; il en est l’un des spécialistes avec Ulrich van der Heyden. Hermann Hiery et Horst Gründer achèvent cet intéressant recueil d’articles en évoquant les séquelles de la colonisation en Allemagne4 , mais en occultant le point de vue africain, qui à lui seul peut faire le sujet d’un autre volume.
Le sujet est loin d’être épuisé et le succès de l’exposition »Deutscher Kolonialismus. Fragmente seiner Geschichte und Gegenwart« qui s’est tenue, en 2017, au Deutsches Historisches Museum de Berlin sous la direction d’Arnulf Scriba, prouve que les jeunes générations s’intéressent aussi au passé colonial de leur pays.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Chantal Metzger, Rezension von/compte rendu de: Horst Gründer, Hermann Hiery (Hg.), Die Deutschen und ihre Kolonien. Ein Überblick, Berlin (be.bra Verlag), 352 S., zahlr. s/w Abb, 1 farb. Kt., ISBN 978-3-89809-137-4, EUR 24,00. , in: Francia-Recensio 2018/2, 19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine, DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2018.2.48474