L’œuvre de Jean-Louis Bosc, »Montpellier et la médecine andalouse au Moyen Âge. Transfert des textes et des savoirs«, est le résultat des recherches doctorales dirigées par Daniel le Blévec. Préfacée par Lluís Cifuentes I Comamala, cette étude très documentée, publiée en 2016, analyse les rapports entretenus entre Montpellier et la Couronne d’Aragon, et plus particulièrement dans le domaine de la traduction et du transfert des textes médicaux andalous. En somme, il s’agit de savoir si l’on peut considérer Montpellier comme un centre de traduction au même titre que Salerne ou Tolède via cette interface. Ce questionnement a permis à Bosc d’émettre deux hypothèses:

»1. Les œuvres montpelliéraines reflètent dans les autorictates qu’elles citent la proximité avec les territoires de l’ancienne Andalus. 2. Les auteurs montpelliérains ont trouvé la matière de leurs citations d’œuvres andalouses dans les traductions réalisées par leurs collègues, contemporains ou prédécesseurs« (p. 14).

L’ouvrage est composé de trois parties, d’annexes très détaillées et indispensables qui précisent la pensée de l’auteur et qui rendent pleinement le travail de recherches effectué par Bosc. Il est complété par une bibliographie, un glossaire, un index nominum, un index locorum, la liste des tableaux, la table des graphiques et enfin la table des cartes.

La première partie de l’ouvrage intitulée »L’écrit médical montpelliérain« (p. 23–80) s’intéresse exclusivement à »l’aire montpelliéraine« que l’auteur établit comme suit: »Elle est définie comme le premier cercle d’activité des auteurs médicaux montpelliérains, celui où s’exercent le plus souvent leurs fonctions enseignantes, celui où ils trouvent le plus souvent leur clientèle, dont la plus illustre, celui enfin où ils sont le plus souvent amenés à résider hors de Montpellier« (p. 23).

Bosc réalise un vaste travail de recension qui lui permet de définir un corpus bien particulier composé de 442 textes qu’il liste en annexe. Dans cette partie, il réalise un travail bio-bibliographique des auteurs montpelliérains qui ont contribué au transfert des textes andalous, en les classant par ordre chronologique, et tout en mettant en avant les liens entre littérature florissante et proximité avec les pouvoirs politiques. Et, à partir de ces 442 items, Bosc classe les œuvres montpelliéraines en différenciant trois catégories: les textes ne faisant aucune mention des auteurs andalous, ceux qui citent »des auteurs autres qu’andalous« et, enfin, ceux qui évoquent des auteurs andalous (p. 77). Cette catégorisation a permis de réduire encore ce corpus à 119 textes.

Cette méthode de classification lui permet d’établir des statistiques très précises sur l’abondante littérature médicale montpelliéraine (p. 64). Pour ce qui concerne les citations des auteurs andalous, sur les 119 textes montpelliérains, on ne retrouve que 28 œuvres de neuf auteurs, avec une prépondérance des mentions faites à Ibn Rušd (p. 79–80).

Dans la deuxième partie, Bosc change de point de vue et se consacre au versant andalou. Intitulée »Apud Arabes: les autorictates andalouses« (p. 83–173), il s’attache à contextualiser »les œuvres andalouses citées chez les auteurs montpelliérains« (p. 83). Après un bref rappel du cadre historique et géographique et du contexte du développement des sciences médicales de »l’Occident arabe«, Bosc s’attarde une fois de plus sur les bio-bibliographies des neufs auteurs andalous évoqués dans les œuvres montpelliéraines en replaçant chaque auteur dans son contexte politique et scientifique afin »d’éclairer les conditions dans lesquelles s’est développée son œuvre médicale« (p. 90). Il s’appuie dans la conclusion du chapitre 3 sur la proximité des auteurs andalous et du pouvoir en exercice (p. 158–159) surtout pour justifier l’intérêt des auteurs montpelliérains pour ces neuf auteurs andalous.

Cet intérêt se manifeste par les traductions réalisées dans l’»aire montpelliéraine«. 25 traductions de 20 œuvres des neuf auteurs ont fait l’objet de traductions en latin, en catalan ou en hébreu. Toutefois, Bosc s’attache essentiellement à reconstituer les réseaux de transfert et de traduction des textes andalous. Si les commandes faites par les maîtres de l’université de Montpellier et par les princes passent par la voie aragonaise, une autre voie de transfert et de traduction fait l’objet d’une analyse pour son caractère particulier. Les traductions d’Ibn Maymūm ne dépendent pas du territoire aragonais précédemment cité mais elles sont l’apanage de la voie »judéo-montpelliéraine« représentée par »la diaspora andalouse de confession juive«.

La troisième partie titrée »Le recours aux auteurs andalous« (p. 177–289) correspond à la convergence des données récoltées dans les parties précédentes. Après avoir délimité le corpus de textes montpelliérains et évoquant les auteurs et œuvres andalous, et après avoir fait l’inventaire des traductions réalisées au sein de l’»aire montpelliéraine«, Bosc, en s’appuyant sur des compétences linguistiques étendues – latin, catalan et arabe –, s’applique à approfondir son étude en analysant le contenu de ces citations afin de déterminer s’il existe bel et bien une troisième voie de transfert et de traduction montpelliéraine, après Salerne et Tolède. Oui pour seulement »7% du total des citations d’œuvres médicales andalouses« (p. 289). Elles permettent à ces auteurs de faire partie des auctoritates et de contribuer à la formation des médecins de l’université de Montpellier, mais seulement de manière marginale.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Ouidad Hamitri, Rezension von/compte rendu de: Jean-Louis Bosc, Montpellier et la médecine andalouse au Moyen Âge. Transfert des textes et des savoirs. Préface de Lluiís Cifuentes i Comamala, Montpellier (Presses universitaires de la Méditerranée) 2016, 510 p. (Histoires et sociétés), ISBN 978-2-36781-193-2, EUR 44,00., in: Francia-Recensio 2018/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2018.4.57352