Le titre de ce gros volume qui ouvre la nouvelle série historique consacrée à la collégiale de Saint-Victor de Xanten est trompeur, »le livre des statuts de la collégiale de Xanten«. Le lecteur, historien ou liturgiste, pense avoir sous la main la publication de statuts élaborés par le chapitre. On se trouve en fait en présence d’une compilation réalisée par son doyen en 1490. L’auteur reconnaît explicitement le fait, le manuscrit n’est-il pas lui-même qualifié de »Repertorium Decani«.
Conservé aux archives du chapitre de Xanten sous la cote H 2, ce manuscrit est l’œuvre d’un homme, le doyen Arnold Heymerick, appartenant à une famille d’officiers du duché de Clèves, bien enracinée dans la société et la vie publique locale, avec un frère recteur d’un couvent de Dordrecht, un oncle chanoine de Xanten. Sa date de naissance est inconnue, peut-être vers 1424. Il est écolier à Deventer, puis on le retrouve à l’université de Cologne. Il est à Rome en 1447, secrétaire de Nicolas de Cues, puis en 1456 abbreviator litterarum apostolicarum et familier du pape, fréquentant le cercle des humanistes qui gravitent autour de Pie II. Il va cumuler les bénéfices, chanoine de Coblence, Deventer, Kronenburg, Saint-Siméon de Trèves, Utrecht où il est aussi vicaire de la cathédrale, doyen de Xanten. En 1459, il quitte Rome pour Xanten, où il meurt après le 31 juillet 1491 et est inhumé dans la collégiale. Il est l’auteur de plusieurs œuvres demeurées alors inédites, »De rosa aurea narratio« (Leiden, Universitätbibl. BPL 191 .M.), »Persuasio de cappata religione non ineunda ante puberos annos« (Deventer, Atheneumbibl. SAB: 101 D 15 BKl), mais aussi d’un recueil de statuts du chapitre de Xanten, en 1461 (Berlin, Staatsbibliothek, Cod. Boruss. fol. 297), présenté dans l’introduction (p. 113–140). Sur la fin de sa vie, en 1490, il rédige une compilation des différents statuts du chapitre: »Compilatio sive reductio statutorum, consuetudinorum, jurium, privilegiorum, exempcionum, computorum et aliarum scripturarum ecclesie Xanctensis ex variis ecclesie libris […], videlicet Repertorium Decani«. »Repertorium Decani«, tel est le véritable titre de l’ouvrage publié ici.
Arnold Heymerick a soigneusement noté les sources de sa compilation, une dizaine de textes »Liber rubeus«, »Liber albus«, »Liber cellerarie, summarium ex vetusto libro memoriarum et festorum« …, dont une partie est aujourd’hui perdue, et les références sont données avec précision, »libri rubei folio primo«, »ex antiquo libro cellerarie«,»folio III«, »ex libro albo«,»folio LXIII«, etc. Mais Arnaud ne s’est pas contenté de reproduire les textes qu’il jugeait utiles, il les a aussi abrégés, comme on peut s’en rendre compte lorsque les originaux sont conservés dans les archives du chapitre (»Liber ruber«, B 1, »Liber albus«, B 2).
Après un assez court prologue, le »Repertorium« s’ouvre donc avec une table analytique du volume (f. IIv–IVv, sur deux colonnes), avec renvoi aux feuillets du manuscrit mais aussi aux manuscrits utilisés. Une longue préface (avec une grande initiale »I« s’allongeant sur un tiers de la page) suit cette table aux f. Vv (titre), puis 1r–5r: »Arnoldi Heymericii Clivensis decani Xanctensis prefationes in repertorium eius sive librum statutorum iuriumque eiusdem ecclesie«. Vient, du f. 5r au f. 153r, le texte du »Repertorium«, en latin, avec parfois des passages en bas allemand (imprimés en italiques), en particulier dans les registres de biens qui terminent le »Repertorium«.
La première moitié du texte reste très normative, s’apparentant aux statuts traditionnels, si ce n’est pour chaque titre la synthèse des livres blancs, rouge et de la cellérie, les f. 1–26 étant pour l’essentiel consacrés aux officiers du chapitre et à leur charge et les f. 27–52 aux chanoines et à leurs prébendes mais aussi aux usages liturgiques, comme la fête de la translation de saint Victor en 1286, ou la commémoration de sainte Hélène. Certaines prescriptions décidées au concile de Bâle, auquel assista Heymerick, sont également prises en compte.
Suit, toujours tiré des même sources, ce qui à trait aux bénéfices dépendant du chapitre.
À partir du f. 66v, l’auteur revient sur le »Liber rubeus«, en donnant l’analyse des
actes qu’il renferme, puis fait la même chose pour le »Liber albus« à partir du f. 84v,
en commençant avec les obits et commémorations, suivis des fêtes, et à noter aux f.
89r–92r les pages concernant les distributions de nourriture. Au f. LII du ms. originel
(f. 92v) vient le sommaire de l’ordinaire, »Incipit o
Avec ce volume de taille moyenne, 158 feuillets au total, le doyen avait facilement sous la main l’ensemble de la documentation normative et juridique nécessaire pour une bonne gestion du chapitre, avec une table et le renvoi aux feuillets des anciens recueils pour pouvoir recourir aux textes originaux le cas échéant, comme un »digest« en quelque sorte.
L’édition suit feuillet par feuillet (indiqués en marge) le texte du »Repertorium«. Les nombreuses notes infrapaginales (numérotées en continu de 1 à 3107!) sont essentiellement des renvois au »Liber albus« (B 2) et au »Liber rubeus« (B 1) en particulier ou la reprise des titres dans le manuscrit. Quelques identifications de lieux (pas systématiques) sont données dans les notes qui ont pris la place d’un apparat critique, par lettres. On remarque, au fil du texte, des formes latines qui surprennent, notamment des absences et surtout des inversions de lettres (comme odinarius, pertinetibus, littere paples, poratrii pour portarii, eletcionis pour electionis, eccelsie etc.), le lecteur rectifie facilement mais, soit il s’agit de fautes de lecture ou d’impression, soit il s’agit des graphies propres du copiste et dans ce cas il eut été utile de l’indiquer, soit dans un apparat critique, soit simplement en mettant sic dans la mesure où il s’agit d’un manuscrit unique.
Trois index, renvoyant aux feuillets du manuscrit, facilitent l’usage du »Repertorium«: noms de personne (p. 671–685), noms de lieu (p. 686–694), matières (p. 694–696), ce dernier, très sommaire, laissant quelque peu l’utilisateur sur sa faim. L’ouvrage s’achève avec le relevé des sources et une bibliographie. Un plan de la collégiale et du cloître est reproduit à la page 178.
On regrettera que la description du manuscrit, comme celle des statuts de 1460, n’ait pas été accompagnée de quelques reproductions photographiques. Le f. 1r avec sa grande lettrineIet sa bordure a certes été reproduit, en couleurs même, mais sur la couverture et de format très réduit (65 × 85 mm) soit au tiers de l’original (200 × 300 mm), ce qui n’en permet pas l’utilisation. De même, une carte localisant les bénéfices dépendant du chapitre eut été utile pour les lecteurs qui ne sont pas familiers de la topographie locale.
Indépendamment même de l’histoire de Saint-Victor de Xanten, la publication de ce texte assez complexe, qui est bien éloigné des statuts capitulaires auxquels sont habitués les historiens des chapitres, qu’ils soient canoniaux ou monastiques, est particulièrement utile à la fois en raison de son contenu mais aussi par la manière dont un doyen a conçu ce recueil, pour son usage certes, mais sans doute aussi pour ses successeurs et pour les aider dans leur charge, surtout s’ils étaient comme lui titulaires de multiples bénéfices.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Jean-Loup Lemaitre, Rezension von/compte rendu de: Katharina Hülscher, Das Statutenbuch des Stiftes Xanten, Münster (Aschendorff) 2018, 710 S. (Die Stiftskirche des heiligen Viktor zu Xanten. Neue Folge, 1), ISBN 978-3-402-13254-8, EUR 86,00., in: Francia-Recensio 2018/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2018.4.57384