Le Codex Udalrici s’est gagné dès longtemps la réputation d’être une source précieuse sur l’histoire culturelle et politique de l’Empire, spécialement à la charnière de la fin du XIe et du début du XIIe siècle, tout en ménageant des zones d’ombre persistantes sur son auteur, son assemblage, sa fonction, sa transmission. La bibliographie est déjà fournie, la source reconnue, les éditions d’extraits nombreuses et anciennes, depuis 1611, prolongées en 1723 par Johann Georg Eccard, secrétaire de Leibniz, puis par Philipp Jaffé en 1869; tous essais très imparfaits, grevés de lourdes coupes, qui déterminèrent en 1924 les MGH à lancer la première édition critique – un projet qui aboutit aujourd’hui, aux soins inspirés de Klaus Nass, que l’on ne saurait trop féliciter de l’acuité et de la clarté de sa copieuse introduction, comme de la qualité et de la maniabilité de son édition.
La première phase de compilation est balisée par une courte dédicace à l’évêque Gebhard de Würzburg (1125); elle contient déjà des textes de toute nature, actes, lettres, poèmes (surtout des épitaphes), vade-mecum rédactionnels (ainsi du recueil de »salutationes«, qui englobent suscriptions et adresses, no 23), et pièces de circonstance, certains communs avec d’autres compilations … Une seconde version, puissamment augmentée, est produite vers 1134. Le recueil est copieux (395 textes, dont 228 lettres, 113 actes, 22 poésies, 32 varia), le succès médiocre: deux manuscrits complets (connus par des copies de la seconde moitié et de la fin du XIIe siècle), et cinq partiels se regroupent en deux familles.
Trop partielle et trop éclatée pour pencher du côté du cartulaire, la compilation semble, de près, s’organiser par dossiers, dont le principe de classement est parfois topographique, parfois modelé sur un classement archivistique, mais toutes ces observations sont balayées, à haute altitude, par une répartition typologique des genres textuels, nette malgré plusieurs perturbations, et qui distille à la première approche une saveur scolaire, cependant que la variété des pièces et l’épaisseur chronologique du recueil, qui lorgne souvent vers les actes carolingiens, excluent la qualification simple de manuel de dictamen ou de formulaire (dont il suit les principes d’abrègement des textes – lettres et actes confondus).
Ces fonctions, certes, seront reconnues par les monastères cisterciens amateurs de belles-lettres, qui ont largement contribué à la transmission de l’œuvre, et par la chancellerie impériale dont l’on semble d’ailleurs avoir exagéré le recours à la compilation; elles n’enferment pourtant pas le texte dans une catégorie simple, car il y a de tout cela dans le Codex, et plus encore: le compilateur est à l’évidence captivé par les textes d’actualité autant que par les préceptes de Charlemagne, quand l’étendue géographique de ses intérêts se trouvait nettement bornée (une carte serait sans doute utile pour préciser l’analyse). En sorte que le recueil a ratissé large tout en visant des finalités multiples et pas forcément exclusives l’une de l’autre: apprentissage, aide à la rédaction, défense des intérêts locaux, faire-valoir, documentation historique, etc.
Accès aux archives, souci pédagogique (même au sens large) permettent de restreindre le champ des recherches d’identification de l’auteur, Bavenbergensis alumpnus, Bavenbergensis membrum ecclesie, même s’il faut renoncer à une certitude absolue: Klaus Nass plaide, avec autant de prudence que de bons arguments pour le dossier d’Udalrich, membre et dignitaire du chapitre cathédral de Bamberg en sa qualité de trésorier (custos), issu d’un lignage noble.
L’éditeur rend justice à l’intérêt insigne du recueil: visant l’état augmenté de 1134 ca., il a soigneusement recherché les éditions, les versions des autres manuscrits (dont les variantes sont notées), et encore les traditions extérieures – pièces essentielles d’une appréhension de l’intense circulation des textes et des emprunts entre recueils. Le tout se clôt par une généreuse série d’annexes, pièces justificatives éditées et photographiées, tables des incipit, des concordances entre éditions, des auteurs et destinataires, des manuscrits, des citations, des noms propres.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Olivier Guyotjeannin, Rezension von/compte rendu de: Klaus Nass (Hg.), Codex Udalrici. 2 Teilbände, Wiesbaden (Harrassowitz Verlag) 2017, CXXXVI–748 S., 3 farb. Abb. (Monumenta Germaniae Historica. Die Briefe der deutschen Kaiserzeit, 10), ISBN 978-3-447-10946-8, EUR 198,00., in: Francia-Recensio 2018/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2018.4.57399