Les deux décennies du règne d’Henri V manquent encore au corpus des actes impériaux édifié avec détermination par les Monumenta Germaniae Historica. La préparation de l’édition, grossie des actes de l’impératrice Mathilde, confiée par Peter Acht à Matthias Thiel en 1984 et assurée par ce dernier jusqu’à son décès en 2015, semble désormais en bonne voie. Selon la tradition des MGH, les études critiques préparatoires, surtout quand elles ont quelque longueur, ou appellent des examens collectifs, par dossier ou par fonds, n’ont pas vocation à introduire les actes édités, ni à se disperser entre une série de revues et de volumes collectifs, mais à nourrir une publication préparatoire, qui accompagne ensuite la consultation de l’édition.

Certains volumes, par leur taille, par leur profondeur de champ, sont devenus presque des traités – il suffira ici de citer les »Études mérovingiennes« de Carlrichard Brühl et de Theo Kölzer. D’autres, plus modestes, plus ponctuels, comme c’est le cas du volume sous recension, gardent tout leur intérêt si, négligeant le contexte précis qui leur fait traiter de tel acte, on les lit comme des exercices de méthode et de critique ou comme des recueils d’exempla.

La première contribution du volume est aussi la plus nourrie. Par-delà la mise au point très argumentée de l’itinéraire du souverain lors de ses deux descentes en Italie, elle met en regard les modes d’expression de la date sous la plume des différents rédacteurs de chancellerie: occasion d’établir et de mesurer les micro-variations qu’introduisent un notaire en cours d’exercice ou son successeur, aussi bien que le cataclysme suscité par un autre (Heinrich, à compter de 1119), qui modifie radicalement les usages, abandonnant l’année d’empire au bénéfice de l’année de l’Incarnation et de l’indiction, cependant que des relevés serrés prouvent que l’innovation (pas si méprisée par les chancelleries) peut venir du seul rédacteur et se voir sanctionnée par l’inertie des gouvernants.

Cette riche étude de chronologie est comme naturellement prolongée dans une mise au point érudite de l’itinéraire du souverain en 1106–1107 et durant la première descente en Italie (1110–1111) – occasion chemin faisant de tenter un décryptage du monogramme, sévèrement opposé aux lectures de Peter Rück et où l’auteur propose de lire quintus, ordinal qui manque dans la suscription de l’acte, ce qui là encore soulève des questions de fond sur le rythme de la vie et de l’évolution des artefacts de chancellerie.

La seconde section, plus mince, accueille les études de détail: on en profitera plus encore quand l’édition sera disponible, à tout le moins pour les actes stricto sensu, dont le texte n’est pas reproduit, mais elles n’en sont pas moins toutes suggestives. Sont ainsi passés en revue un acte pour Sankt Georgen im Schwarzwald, à la genèse et à la tradition tourmentées; une falsification pour Bamberg; une lettre de l’empereur à l’abbé Pons de Cluny, écrite de la main du chancelier Adalbert; un accord passé avec le pape Calixte II en 1119; un état préparatoire du concordat de Worms; une lettre de l’empereur à l’abbé Pierre de Cluny en 1122. On voit donc qu’il y a beaucoup à glaner dans ce petit volume soigneusement préparé, muni de concordances et d’un index, comme de sept planches.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Olivier Guyotjeannin, Rezension von/compte rendu de: Matthias Thiel, Studien zu den Urkunden Heinrichs V. Herausgegeben von Martina Hartmann, unter Mitarbeit von Sarah Ewerling und Anna Claudia Nierhoff, Wiesbaden (Harrassowitz Verlag) 2017, XII–140 S., 1 Tab., 7 farb. Abb. (Monumenta Germaniae Historica. Studien und Texte, 63), ISBN 978-3-447-10860-7, EUR 40,00., in: Francia-Recensio 2019/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.1.59842