Si les lois de la Scandinavie médiévale ont fait l’objet de plusieurs éditions et traductions en danois, suédois ou norvégien modernes, elles restent le plus souvent difficiles d’accès aux chercheurs qui auraient souhaité en prendre connaissance sans maîtriser ces langues. Ceux-ci pourront désormais se référer à la traduction anglaise des lois provinciales de Danemark, publiée chez Routledge en 2016 par Ditlev Tamm et Helle Vogt, respectivement professeur et professeure associée d’histoire du droit à l’université de Copenhague.

En guise d’introduction, les auteurs brossent un tableau synthétique de la société danoise vers 1200: c’est à cette époque, qui court des années 1170 aux années 1240 et qu’il est coutume d’appeler l’»ère des Valdemar«, qu’ont été produits la majorité des textes ici traduits. Cet aperçu est aussi l’occasion d’une première courte présentation du corpus des lois danoises, des problèmes de méthode que pose leur étude et leur édition, ainsi que des choix éditoriaux que les traducteurs ont été amenés à faire. De manière générale, ceux-ci se sont efforcés de coller au texte autant que possible afin d’en restituer le style, les nuances mais aussi les ambiguïtés.

Si certaines particularités syntaxiques ont dû être abandonnées, le lexique juridique danois – dont une grande partie fut créée en combinant des mots du quotidien ou en les enrichissant d’un sens nouveau – a le plus souvent donné lieu à une traduction littérale, lindebot devenant par exemple belt-fine (littéralement: »amende de la ceinture«). Une partie de ces termes, dont la signification est rarement transparente, sont expliqués dans les vingt dernières pages de l’introduction, qui présente les principaux traits caractéristiques du droit danois médiéval dans les domaines processuel, civil et pénal. Pour le reste, le lecteur se référera au très utile »glossaire annoté« qui figure à la fin de l’ouvrage et répertorie l’essentiel de ces notions et concepts (p. 300–316).

Viennent ensuite les lois elles-mêmes. Laissant de côté les législations urbaines, bien trop nombreuses et variées pour tenir dans un volume de cette ambition, les traducteurs se sont concentrés sur celles des trois provinces de Danemark: la Scanie, le Sjælland et le Jutland. Chacune de ces provinces fait l’objet d’une section à part comprenant une introduction et une bibliographie spécifiques, ainsi qu’une traduction anglaise des principaux codes et textes de lois en vigueur. Pour la Scanie, il s’agit de la loi ecclésiastique de Scanie, de la loi de Scanie, ainsi que de trois ordonnances royales qui y sont souvent associées dans la tradition manuscrite: celle de Knud VI sur l’homicide, celle sur les compensations et celle sur l’ordalie par le fer rouge. Suivent la loi de Valdemar pour le Sjælland, la loi d’Erik pour le Sjælland, et enfin la loi du Jutland. Il convient de préciser que certains textes ont été écartés, comme les »Articles de Thord«, compilés vers 1300 et figurant dans certains manuscrits sous forme de compléments à la loi du Jutland: ce texte n’est mentionné que de manière fugitive (p. 239). Quant à la paraphrase latine de la loi de Scanie par l’archevêque Anders Sunesen (1201–1223), elle fait l’objet d’une édition à part, publiée l'année dernière par Ditlev Tamm chez le même éditeur.

Chacune de ces traductions est introduite par une brève présentation des manuscrits utilisés et des questions relatives à leur datation, souvent problématique. Les éditeurs, qui ont eu à choisir parmi une grande quantité de traditions différentes, ont résolu de se tenir rigoureusement à un seul manuscrit par texte – généralement le plus ancien – plutôt que de se lancer dans une compilation hasardeuse et potentiellement déroutante pour le lecteur. Ils font toutefois une exception pour certains chapitres de la loi de Scanie, consacrés au déroulement des ordalies (§ 154–156): quoiqu’absents dans le manuscrit retenu pour la traduction, ces chapitres ont été jugés de tradition suffisamment ancienne et importante pour être retenus malgré tout. Pour ne pas multiplier les appels de note, les traducteurs ont par ailleurs pris le parti de n’indiquer qu’un petit nombre de variantes qui leur ont paru particulièrement significatives.

La clarté du résultat donne raison à tous ces choix: la lecture est dans l’ensemble assez fluide et le texte original – ou parfois une traduction littérale – figure en bas de page lorsque les traducteurs n’ont pas su en restituer toutes les nuances. Pour le reste, l’apparat critique accompagnant les textes demeure assez discret: les notes, quoique nombreuses, sont le plus souvent courtes et portent pour l’essentiel sur des questions de traduction et de clarté du texte. Le lecteur intéressé par les questions d’intertextualité est donc renvoyé vers les »Danmarks gamle Landskabslove med Kirkelovene« pour des commentaires plus détaillés: publiées de 1933 à 1961, ces éditions plus exhaustives demeurent des outils indispensables à toute étude approfondie des lois provinciales danoises.

Pourtant, la traduction proposée par Ditlev Tamm et Helle Vogt représente bien plus qu’une brève introduction aux lois médiévales danoises: elle constitue une synthèse non seulement très à jour, en ce qu’elle s’appuie sur les recherches les plus récentes, mais aussi très maniable, grâce à son index et à son »glossaire ancien danois-anglais«, qui mâche le travail à quiconque serait amené à réfléchir à la traduction en langue moderne de concepts juridiques médiévaux. C’est, en somme, un livre que spécialistes comme non-spécialistes gagneront à consulter.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Tobias Boestad, Rezension von/compte rendu de: Ditlev Tamm, Helle Vogt (ed.), The Danish Medieval Laws. The Laws of Scania, Zealand and Jutland, London, New York (Routledge) 2016, XIV–349 p., 3 maps (Medieval Nordic Laws), ISBN 978-11-3895-135-8, GBP 92,00., in: Francia-Recensio 2019/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.1.59844