La chevauchée du prince de Galles dit, plus tard, le Prince Noir, qui conduisit le 19 septembre 1356 à la victoire de Poitiers, est restée célèbre, mais elle avait été précédée par une première expédition menée en 1355 à travers le Languedoc jusqu’à Narbonne. C’est à la logistique de cette campagne qu’est consacré ce livre issu d’une thèse de doctorat. Les sources utilisées sont principalement les chroniques contemporaines et les comptes du trésorier du Prince Noir pour cette expédition, John Henxteworth; l’auteur comble par ailleurs le silence des documents en estimant sur une base quasi mathématique les provisions nécessaires pour le déplacement d’une telle armée, notamment en territoire hostile.

Le premier chapitre traite des préparatifs de l’expédition dont l’auteur considère, peut-être un peu rapidement, qu’elle était planifiée de longue date parce qu’Édouard III savait à l’avance que les négociations de paix de la fin 1354 allaient échouer; les provisions furent amassées grâce au système bien rôdé de la purveyance et amenées à Plymouth et Southampton où, selon les calculs de Craig Lambert, quelque 187 navires permirent de transporter environ 2200 hommes, 2000 chevaux et leurs provisions.

Dans un deuxième chapitre est étudié le recrutement des hommes: après présentation des chiffres plus ou moins concordants donnés tant par les chroniqueurs médiévaux que par les historiens contemporains, l’auteur retient un chiffre de 8000 à 9000 hommes dont 2000 à 3000 étaient des non-combattants; aux retenues anglaises du Prince Noir et des earls qui l’accompagnent en Guyenne s’étaient joints les contingents des seigneurs gascons fidèles au roi-duc. La procédure de recrutement de cette armée combine toujours à cette date la sélection d’archers par les commissions d’array et l’embauche d’hommes d’armes sur une base mixte de volontariat et de liens personnels, le tout formalisé par des contrats d’indenture dont la pratique est alors en cours de généralisation mais dont seul celui passé entre le roi et son fils aîné a été conservé pour cette expédition. L’armée du Prince Noir bénéficiait ainsi des qualités de cohésion et de professionnalisme qui font l’efficacité des troupes anglaises de l’époque 1340–1360.

Le troisième chapitre reconstitue au jour le jour la marche de l’armée du Prince Noir du départ de Bordeaux le 5 octobre à l’arrivée devant Narbonne le 8 novembre 1355, et il analyse la manière dont son ravitaillement a été effectué. Le quatrième chapitre se consacre à la marche de retour vers Bordeaux où le Prince Noir arrive le 9 décembre 1355. Un cinquième et dernier chapitre évoque la manière dont le Prince Noir gère le succès de sa chevauchée au cours des mois suivants; il consolide et élargit la Guyenne anglaise grâce à des raids menés par ses principaux lieutenants, et il prépare activement la nouvelle chevauchée qu’il lancera vers le nord le 4 août 1356. Trois appendices reconstituent la flotte réunie par le Prince Noir, la composition de son armée et l’itinéraire de la chevauchée. Ce livre ne changera sans doute pas notre vision de la guerre de Cent ans mais il remplit son objectif: reconstituer le plus minutieusement possible l’épisode militaire non négligeable que fut la chevauchée du Prince Noir en Languedoc en 1355.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jean-Marie Moeglin, Rezension von/compte rendu de: Mollie M. Madden, The Black Prince and the Grande Chevauchée of 1355, Woodbridge (The Boydell Press) 2018, XII–248 p., 1 map, 10 tabl. (Warfare in History, 45), ISBN 978-1-78327-356-0, GBP 60,00., in: Francia-Recensio 2019/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.1.59850