En 2017, les éditions La Nuée bleue sortaient leur nouvel ouvrage »Bourges« paru dans la célèbre collection »La grâce d’une cathédrale«, préfacée et dirigée par l’archevêque de Bourges lui-même, Mgr Armand Maillard. Conçu à partir de la même maquette que les volumes précédents, il réunit les collaborations des spécialistes les plus éminents sur le sujet: historiens, historiens de l’art, archéologues et experts. C’est ainsi avec plaisir que l’on redécouvre la cathédrale de Bourges dans un livre dont la richesse iconographique égale la grande qualité des contributions scientifiques.
Divisé comme à son habitude en trois parties, le volume propose une première section sur l’histoire de la construction de la cathédrale de sa fondation jusqu’aux restaurations actuelles, une deuxième sur les décors et les éléments de mobiliers qui l’ornent et une troisième sur l’histoire de la cathédrale et du diocèse de Bourges.
C’est par un article sur l’archevêché de Bourges que commence la première partie (Olivier Nauleau). L’auteur y explique très clairement le rôle politique et religieux de Bourges en tant que primatie et patriarcat et reprend son histoire de ses origines jusqu’au XVe siècle. Il est suivi d’un article sur la pensée et les avis théologiques des commanditaires que l’on peut encore lire à travers l’analyse des vitraux (Emmanuel Audat). On entre dans le vif du sujet avec l’importante collaboration de Dany Sandron sur la (re)construction de la cathédrale à partir de la fin du XIIe siècle, et dans laquelle il est question non seulement des matériaux employés, de la chronologie des travaux et de l’analyse des élévations mais aussi du rôle de chacun – clergé, noblesse, architectes.
On apprécie le point qui est fait sur la cathédrale romane redécouverte en 1760 (pour la crypte) et sur l’influence qu’a eu l’architecture de Saint-Étienne de Bourges sur les constructions ultérieures. Par ailleurs, nous avons conservé plusieurs épures du XIVe siècle gravées sur les dalles et représentant une rosace et des baies (Béatrice de Chancel-Bardelot et Philippe Bardelot). La cathédrale possédait également un jubé, élevé au XIIIe siècle, et sculpté en haut relief de représentations des douze apôtres qui ne sont pas sans rappeler ceux de la Sainte-Chapelle de Paris (Fabienne Joubert).
Surtout, on apprend que l’édifice était constamment en chantier: des travaux de consolidation ont été nécessaires avant l’édification de nouvelles chapelles à la fin du XIVe siècle. S’en sont suivis l’érection d’une sacristie capitulaire et d’une chapelle funéraire grâce à la générosité de Jacques Cœur au XVe siècle puis d’une nouvelle tour nord entre 1508 et 1542 (Étienne Hamon). Philippe Bardelot nous présente des éléments moins connus comme le pélican du XVIe siècle installé en haut de la tour nord, la sacristie capitulaire et d’autres pièces non visibles. Plus tard, au XVIIIe siècle, les évolutions de la pratique liturgique entraînèrent la modification des aménagements du chœur dont subsistent le maître-autel et le pavement (Matthieu Lours). Après s’être concentré sur l’édifice même, c’est au cloître de la cathédrale que l’on s’intéresse, de sa première configuration au XIIe siècle à ses aménagements au XXe siècle en passant par ses composantes: maisons canoniales et palais archiépiscopal (Philippe Goldman). Cette première partie s’achève par l’historique des restaurations qu’a connu l’édifice entre les XIIIe et XXIe siècles (Patrick Ponsot) – les plus récentes ont pu bénéficier de l’appui de techniques de pointe comme la numérisation laser (Andrew Tallon) – ainsi que par un mot du président du conseil départemental du Cher (Michel Autissier) et du président de la Région Centre-Val de Loire (François Bonneau).
La deuxième partie de l’ouvrage met en valeur les riches décors et le mobilier de la cathédrale. Elle commence par la sculpture monumentale. Les deux portails latéraux de la cathédrale, bien qu’élevés dans le deuxième quart du XIIIe siècle, sont en réalité constitués d’éléments remployés des anciens portails romans du XIIe siècle – chapiteaux historiés, statues-colonnes, Vierge à l’Enfant et Christ en gloire (Philippe Plagnieux). La façade, quant à elle, est rythmée de cinq portails sculptés d’un Jugement dernier, d’une glorification de la Vierge et, fait unique, des vies et miracles des saints Étienne, Ursin et Guillaume, chacun vénéré dans un portail et dont les visages sculptés révèlent autant de diversité que d’expressions (Fabienne Joubert). Dans les détails de ces sculptures, et notamment des soubassements, on retrouve tout un programme iconographique mettant en valeur le peuple juif et que l’on devrait à Guillaume de Bourges, juif converti et membre du chapitre (Laurence Brugger).
Les concepteurs de la cathédrale ont eu à cœur de bâtir un édifice lumineux, chose rendue possible notamment par l’échelonnement des nefs et par la construction d’élévation en »arc de viaduc« (Nicolas Reveyron) – un système secondé par tout un dispositif de luminaires également accessoires de la liturgie (Philippe Bardelot). La multitude des baies ainsi percées dans toute la cathédrale conserve une des plus grandes collections de vitraux médiévaux, dont ceux contemporains à la construction de la cathédrale du XIIIe siècle sont encore en place dans le chœur et dans les niveaux supérieurs de la nef (Karine Boulanger).
D’autres séries de vitraux vinrent compléter ce panorama: ceux des XIVe et XVe siècles installés lorsque furent construites, entre autres, la Sainte-Chapelle par le duc de Berry et la chapelle de Jacques Cœur (Brigitte Kurmann-Schwarz); ceux du XVIe siècle réalisés par l’atelier de Jean Lécuyer pour la chapelle fondée par Denis de Bar, évêque de Tulle; et ceux du XVIIe siècle installés dans l’ancienne chapelle d’axe et dans la chapelle Montigny (Laurence Riviale). La cathédrale est ornée d’une trentaine de tableaux des XIXe et XXe siècles à l’exception d’une »Adoration des bergers« de 1610 (Béatrice de Chancel-Bardelot et Philippe Bardelot).
L’édifice accueille également une monumentale »Mise au tombeau« sculptée vers 1530–1540 et commandée par le chanoine Jacques du Breuil (Philippe Bardelot). Après la destruction de la Sainte-Chapelle, l’ensemble de son décor a été dispersé dans la cathédrale comme ce fut le cas du gisant du duc de Berry (Béatrice de Chancel-Bardelot). La chapelle du Breuil (Béatrice de Chancel-Bardelot) ainsi que celle du Saint-Sacrement (Anne-Isabelle Berchon) conservent également de riches décors et objets d’art: des vitraux et des peintures murales du XVe siècle pour la première; un autel, un retable, des vitraux, des peintures murales, de la statuaire et des boiseries néogothiques pour la seconde.
Deux orgues complètent cette collection: le grand orgue du XVIIe siècle restauré à plusieurs reprises et l’orgue du chœur construit en 1855 et reconstruit en 1952 (Olivier Salandini). Enfin, comme toute cathédrale, Saint-Étienne de Bourges possède un trésor constitué de pièces d’orfèvrerie et de vêtements liturgiques datant des XIe–XIXe siècles (Philippe Bardelot et Irène Jourd’heuil) mais conserve également un diptyque consulaire (Isabelle Bardiès-Fronty). Cette deuxième partie s’achève sur une présentation des cloches et de l’horloge astronomique de 1424 (Philippe Bardelot) ainsi que sur un article évoquant la faune vivant à l’abri de la cathédrale (Michèle Lemaire).
La troisième et dernière partie se concentre sur l’histoire du siège épiscopal de Bourges. La date de fondation du siège épiscopal demeure incertaine de même que les premiers évêques qui furent à sa tête. Le maillage paroissial de l’évêché de Bourges s’est progressivement stabilisé à partir de l’époque carolingienne avant de se développer encore au XIe siècle autour de quelques nouvelles seigneuries (Jacques Péricard).
Une partie de ces connaissances sur l’épiscopat de Bourges se trouve dans les archives qui étaient conservées à la cathédrale: terriers, titres de propriété, privilèges, inventaires, etc. (Xavier Laurent). Au XIe siècle, la réforme grégorienne donne une nouvelle dimension aux institutions ecclésiales, désormais davantage autonomes. À Bourges, le pouvoir de l’archevêque se renforce, soutenu par le pouvoir royal dont il dépend ainsi que par la papauté. L’épiscopat connaît de belles heures au XIIIe siècle sous les gouvernances de Guillaume du Donjon, futur saint Guillaume, et de Philippe Berruyer et demeure un solide soutien de la monarchie française encore jusqu’au XVe siècle (Olivier Nauleau).
Parmi les riches possessions des évêques de Bourges, on remarquera le château de Cornusse (Philippe Goldman) et la résidence de Turly (Anne-Isabelle Berchon). Plus tard, la cathédrale eut à subir les violences des guerres de Religion: les sculptures des portails et du jubé sont mutilées, les reliques et les tombeaux sont profanés, le tout dans un esprit d’épuration afin de transformer l’édifice en temple (Mathieu Lours). Cet épisode protestant reste éphémère et rapidement la possession du siège de Bourges redevient un enjeu politique et pastoral de premier ordre pour les grandes familles nobles des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles (Mathieu Lours). La vie de la cathédrale, des clercs, des hommes et des femmes qui la fréquentent à cette période est racontée dans un article de Benoît Quatre.
Après les destructions et les pillages de la Révolution, la cathédrale bénéficie de nouveaux aménagements liturgiques et d’une restauration de ses vitraux dès le début du XIXe siècle (Marc du Pouget). La cathédrale traverse le XXe siècle et ses guerres mondiales non sans blessures mais a pu compter sur la détermination de grandes figures comme Mgr Lefebvre, archevêque de 1943 à 1969 (Xavier Laurent).
Aujourd’hui, la cathédrale de Bourges peut s’enorgueillir d’une histoire et d’un patrimoine riche également sur le plan musical (Marie-Reine Renon). Classée parmi les plus belles cathédrales gothiques de France (Joël Massip), elle se voit dotée d’un nouvel aménagement liturgique (Emmanuel Audat). Le volume s’achève par un mot du président de l’association des Amis de la cathédrale (Bernard Brossard).
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Marie-Laure Caze, Rezension von/compte rendu de: Armand Maillard (dir.), Bourges, Strasbourg, Paris (La Nuée bleue) 2017, 432 p., 460 ill. (La grâce d’une cathédrale), ISBN 978-2-8099-1455-9, EUR 85,00., in: Francia-Recensio 2019/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.1.59851