Le prieuré gilbertin d’Alvingham fut fondé entre 1131 et 1155, à l’initiative d’un groupe de nobles locaux, dans le Lincolnshire. Comme bien des maisons de l’ordre de Sempringham, c’était un prieuré double, dont le cœur était la maison des femmes, la partie masculine étant là pour servir, du point de vue matériel comme du point de vue liturgique, la partie féminine. Le nombre de religieux n’est connu que pour l’année 1377, quand il y avait 8 chanoines, 39 religieuses et 11 sœurs laïques. Le prieuré était usuellement dirigé par un prieur, mais peut-être en 1377, certainement lors de la suppression du monastère par Henri VIII, il l’était par une prieure. La vie interne du prieuré, celle des hommes et des femmes qui y ont vécu, leurs convictions et leurs pratiques religieuses par exemple, sont malheureusement presque totalement absentes du cartulaire. Tout juste sait-on que quelques donateurs se souciaient de l’approvisionnement du prieuré en cierges, ou demandaient à entrer dans la confraternité du prieuré, ou à être enterrés dans l’enceinte du monastère.

Les actes copiés dans le cartulaire concernent presque exclusivement, comme c’est habituellement la règle, le patrimoine immobilier. Celui-ci consistait en quelques églises (neuf au total, la dernière étant acquise en 1275), une petite dizaine de granges, deux carrières, des droits de pêche, sept ou huit moulins, le droit d’extraire de la tourbe, tout à fait indispensable pour alimenter en combustible les poêles à sel du prieuré, quelques implantations urbaines, en particulier dans la ville épiscopale, Lincoln.

Le cartulaire (Oxford, Bodleian Libr., Laud Misc. ms. 642) fut composé à peu près entre 1253 et 1264, sur 169 feuillets de parchemin, par trois scribes successifs. Il fut prolongé jusqu’à la suppression du prieuré, la dernière note datant de 1537. Il fut relié tardivement, sans doute seulement dans la seconde moitié du XVe siècle. Le cartulaire comprend un inventaire (no 282), malheureusement non daté. Les actes sont, nous dit l’introduction, en latin, en anglo-normand et en anglais, mais il y aussi quelques actes hébreux, malheureusement non identifiés par cette édition. Peut-être s’agit-il du dossier impliquant les débiteurs du juif Issac, fils d’Ursel (no 974, 975, 977–981).

L’édition consiste en réalité surtout en une publication de regestes du cartulaire. Seule une minorité, non dénombrée, d’actes fait l’objet d’une édition, sans que l’éditrice ne s’explique sur ses choix, ni même n’annonce le caractère partiel de cette publication. Reste que les dimensions même du document (1310 actes!) justifient amplement, même si on peut le regretter, ce choix d’une édition partielle. Il est vrai que les analyses sont bien détaillées. L’index a été fait de très bonne manière, et le volume est augmenté d’une carte et de plusieurs tableaux généalogiques fort utiles.

Malgré les carences de cette édition partielle, on peut se réjouir de cette publication; maintenant que les principaux personnages, lieux et actions cités dans le cartulaire ont été identifiés, la mise en ligne d’une reproduction numérique du cartulaire permettrait de mieux encore en exploiter le contenu.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Benoît-Michel Tock, Rezension von/compte rendu de: Jill Redford (ed.), The Cartulary of Alvingham Priory, Woodbridge, Suffolk (The Boydell Press) 2018, L–580 p. (Kathleen Major Series of Medieval Records, 2), ISBN 978-1-91065-304-3, GBP 60,00., in: Francia-Recensio 2019/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.1.59856