Parmi les trésors conservés de l’ordre de la Toison d’or, se trouve le linge de table, qui jusqu’à présent n’a pas été l’objet d’une étude de cette ampleur et qui fait l’objet de ce beau livre qui lui est consacré, publié par la fondation Abegg.

Mario Döberl a raison de parler de »redécouverte« à son sujet et il retrace l’histoire des principaux objets du trésor de l’ordre de la Toison d’or depuis le XVe siècle, objets qui se trouvaient dans les Pays-Bas et qui ont été transférés à Vienne à cause des conquêtes de la Révolution française. Il se penche ensuite sur le cérémonial de table lors des chapitres de l’ordre, d’après les »Livres de protocole« de l’ordre, les sources narratives et iconographiques et des pièces de couvert conservées (hanap de Philippe le Bon, couteaux). Les premières mentions d’archives sont celles dans l’inventaire dressé en 1477: cinq nappes de table, en aunes: une de 22 x 3 (15 x 2 m) et quatre de 18 x 4 (12,5 x 3 m), que l’on retrouve régulièrement dans les inventaires1. Vers 1527, l’empereur Charles Quint commanda du nouveau linge de table, c’est-à-dire une nappe de 24 x 4,25 aunes (17 x 3 m) pour la table de l’empereur, avec ses armes, saint André, saint Jacques (le Majeur), des fusils, le mot »Plus oultre« aux pointes, et 50 armes des chevaliers de l’ordre (ceux du chapitre de Barcelone en 1519) et 36 serviettes de 2 x 1,12 aunes (1,4 x 0,8 m) aux armes de l’empereur, une nappe de 9 x 4,25 aunes (6,3 x 3 m) pour les quatre officiers de l’ordre (chancelier, trésorier, greffier et héraut) et une nappe de 7,5 x 4,25 aunes (5 x 3 m) pour couvrir le buffet. Ce sont ces dernières nappes et serviettes qui sont l’objet de ce livre.

Selon les objets conservés, la grande nappe a été tissée selon la commande d’origine (aujourd’hui 17,25 x 3 m), de même que les serviettes, dont il en reste 34 (1,3 x 0,76 m); la nappe des officiers ne correspond pas à la commande, comme elle est réduite en longueur (auj. 5,5 x 3 m), ainsi que celle du buffet (auj. 4,5 x 3 m). Ce linge de table, qui porte la date de 1527, a été tissé par Jacob van Hoochboosch (mentionné dans les archives jusqu’en 1556), à Malines, lieu de résidence de la gouvernante des Pays-Bas, Marguerite d’Autriche, tante de Charles Quint. Il est fait de damas de lin, dont la fabrication est expliquée par Anna Jolly et Agnieszka Wos Jucker (p. 71–83).

Mario Döberl s’intéresse ensuite à la diffusion du mot »Plus oultre« et des emblèmes de la Toison d’or, ainsi qu’aux autres linges de table du trésor de la Toison d’or, à la devise de Charles Quint, dont il distingue deux modèles. Anna Jolly revient sur le travail de Jacob van Hoochboosch en le replaçant dans le contexte du tissage de la première moitié du XVIe siècle (p. 96–99).

Suivent les planches de reproduction, en teinte sépia afin d’en distinguer les détails: nappe de l’empereur, avec une identification de tous les chevaliers; nappe des officiers de l’ordre, avec leur identification; nappe du buffet avec les armes des chefs de l’ordre depuis sa fondation (Philippe le Bon, Charles le Téméraire, Maximilien d’Autriche, Philippe le Beau, Charles Quint). Dans les sources sont publiées les mentions d’archives et d’inventaires du linge de table, de 1477 à 1947, et la description des banquets de l’ordre de la Toison d’or de 1501 et 1546. Sont ensuite reproduites les armes de chaque chevalier, avec une copie en couleur extraite du manuscrit ÖNB, Cod. 2606 Han, et une description héraldique des armes. Une bibliographie et un index complètent le volume.

Il faut féliciter Mario Döberl et ses collaboratrices pour cette édition exemplaire en tout: leur travail sur le linge de table, la recherche originale dans les archives, l’identification des armes des chevaliers, la mise en contexte, le mode de fabrication des tissus, le tout présenté dans un beau livre.

1 Signalons une petite erreur de transcription dans le document H, S. 125: il faut lire »delivré« et non »delucre«.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jacques Paviot, Rezension von/compte rendu de: Mario Döberl (Hg.), Die Tafelwäsche des Ordens vom Goldenen Vlies. Mit Beiträgen von Anna Jolly, Daniela Sailer und Agnieszka Wos Jucker, Riggisberg (Abbegg-Stiftung) 2018, 167 S., 120 Abb., 1 Klapptaf., ISBN 978-3-905014-66-2, CHF 60,00, in: Francia-Recensio 2019/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.2.62794