Michel Hébert, professeur émérite à l’université du Québec à Montréal et membre de l’Académie des arts, lettres et sciences du Canada, publie un livre intitulé »La voix du peuple. Une histoire des assemblées au Moyen Âge«. L’auteur dresse, en neuf chapitres, une figure du corps politique du bas Moyen Âge en esquissant les premières expériences de la représentation politique et de la démocratie.
Repoussant toute approche évolutionniste, l’auteur adopte une grille de lecture résolument pluridisciplinaire, convoquant pour son propos les écrits des théologiens, des juristes, des philosophes et les actes de la pratique. Le propos n’est pas cantonné à l’expérience française; l’auteur transporte également son lecteur en Angleterre, en Allemagne, mais aussi en Europe centrale (Hongrie), nordique (Suède, Islande) et méditerranéenne (Sardaigne, Sicile).
Le premier chapitre est consacré à la cour des grands. L’auteur y recherche les racines anciennes de la démocratie et décrit les plus anciennes formes d’assemblées attestées dans les sources. Les plaids carolingiens, les assemblées de l’an mil et les conciles occupent une place privilégiée dans une approche comparatiste avec la Scandinavie et l’Angleterre. Les assemblées, dans cette étape d’émergence, constituent »des espaces de négociation des grandes affaires d’intérêt public« où les grands seuls, tous seuls, représentent le peuple.
Le deuxième chapitre est consacré au pouvoir des chartes. On sent poindre dès le XIIe siècle une phase d’institutionnalisation des assemblées. Elles deviennent des lieux de confrontation entre les grands et les représentants du peuple où les intérêts divergents, notamment sur les questions de fiscalité. Des garanties, telle que le consentement à l’impôt, qui préfigurent l’état de droit, apparaissent. Le XIIIe siècle est marqué par la territorialisation progressive d’une représentation qui n’est plus fondée sur le seul critère de la relation féodale. En outre, une étude de la Magna Carta (1215) montre qu’elle constitue l’expression symbolique de la limitation du pouvoir royal en Angleterre.
Le troisième chapitre, consacré au moment parlementaire, puise dans le XIVe siècle des marqueurs du renouvellement de la représentation politique. Les assemblées deviennent alors ce que l’on appelle les communes. Un nouveau dialogue entre les princes et leurs sujets se met en place. Les conseils royaux ou princiers s’ouvrent à d’autres classes sociales qui cherchent à consolider leur privilège.
L’étude se poursuit au sein d’un quatrième chapitre consacré au conseil et au consentement. L’auteur s’intéresse aux fonctions que les assemblées jouent et à la convocation des représentants du peuple, lesquels sont chargés d’apporter leur consentement aux décisions du souverain. Les questions financières et militaires sont, pour cette époque, les grandes préoccupations des assemblées.
Dans un cinquième chapitre, l’auteur s’interroge sur la notion de souveraineté et aborde les sources de légitimation du pouvoir. Cela conduit également à s’intéresser à l’accès au pouvoir et à la destitution. La toute-puissance du prince, si elle vient de Dieu, découle également d’une volonté populaire.
Un chapitre sixième est consacré au peuple en lui-même, celui que les assemblées sont censées représentées. La notion est mouvante; elle représente tantôt la plèbe, tantôt des groupes politiques. Ces groupes sont, selon l’auteur, complémentaires. Le prince est la tête de ce corps politique, ce qui les unit consubstantiellement.
Un chapitre sept, plus descriptif, s’intéresse à la composition des assemblées et aux modalités de leur convocation. La légitimité de leurs membres repose soit sur l’autorité, soit sur l’élection. Les mandats varient. L’auteur s’interroge enfin sur l’effectivité de la représentation du peuple au sein de ces assemblées.
Le huitième chapitre est consacré à l’expression de la voix du peuple et plus particulièrement à la confrontation entre les idées des personnes dans l’assemblée et celle du prince. De cette confrontation ne peut naitre, dans la perception médiévale, que la vérité, l’indispensable concorde.
Enfin, le neuvième et dernier chapitre, également pragmatique, repose sur l’étude des supports par lesquels le peuple peut manifester sa volonté: cahiers de doléances, pétitions, requêtes et suppliques … L’intérêt du chapitre est de montrer le lien qui existe entre le Prince et ses sujets. Ces derniers doivent aussi lui obéir. Les contours de ces rapports, dont l’équilibre varie, mettent en exergue le poids de la volonté, tant du prince, que celle des peuples.
L’ouvrage est de bonne composition et apporte des éclairages complets sur l’origine, le fonctionnement et les ressorts intellectuels et pratiques des assemblées médiévales, l’histoire de la voix du peuple.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Laura Viaut, Rezension von/compte rendu de: Michel Hébert, La voix du peuple. Une histoire des assemblées au Moyen Âge, Paris (Presses universitaires de France) 2018, 299 p., ISBN 978-2-13-073611-0, EUR 22,00, in: Francia-Recensio 2019/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.2.62808