Le groupe épiscopal de la ville du Puy-en-Velay (Haute-Loire) a fait l’objet ces dernières années de nombreuses études qui permettent aujourd’hui de mieux appréhender sa configuration au moment de sa création durant l’Antiquité tardive et son évolution au cours des siècles jusqu’à nos jours. Après la publication de Xavier Barral i Altet consacrée à la cathédrale, parue en 20001, cette nouvelle contribution sous la direction d’Anne-Bénédicte Mérel-Brandenburg met en lumière le cas du baptistère Saint-Jean. Elle vient rejoindre les précédents volumes consacrés au groupe épiscopal de Fréjus, par Michel Fixot, en 20122, et au baptistère Saint-Jean de Poitiers, par Brigitte Boissavit-Camus, en 20143, au sein de la collection de la »Bibliothèque de l’Antiquité tardive« où elles constituent un apport majeur à la connaissance des groupes épiscopaux paléochrétiens et haut médiévaux de Gaule, et particulièrement des trois baptistères encore conservés en élévation.
L’ouvrage qui nous intéresse ici comprend les contributions de 26 chercheurs et chercheuses d’une équipe pluridisciplinaire rassemblant archivistes, historiens et historiennes, archéologues, historiens et historiennes de l’art et de l’architecture, qui se sont réunis au sein d’un programme collectif de recherches (PCR) monté autour de l’étude du baptistère à l’occasion d’un projet de restauration du monument, préalable à sa réouverture et remise en fonction. Celui-ci, implanté au nord-est de la cathédrale du Puy-en-Velay, est exceptionnel à tous points de vue: ses élévations, ornées d’arcatures plaquées aveugles, et son plan originel, comprenant une nef unique et une abside semi-circulaire (datés avant le début de l’étude des IXe–Xe siècles) sont encore en grande partie conservés; et sa fonction baptismale est attestée dans les sources textuelles entre le XIIIe siècle et la Révolution.
Des questions se posaient ainsi sur l’ancienneté de ce parti architectural, peu commun pour un baptistère, ainsi que sur ses fonctions au moment de sa construction. Les objectifs du PCR étaient ainsi clairement déterminés: en plus d’apporter des informations nécessaires à la restauration prévue, il était indispensable de revoir la datation des parties anciennes du monument, d’en étudier les évolutions, tant architecturales que liturgiques, et de replacer l’ensemble au sein de l’histoire du groupe épiscopal et de la ville du Puy-en-Velay, problématiques clairement rappelées par Anne-Bénédicte Mérel-Brandenburg en prologue.
Les résultats de ces travaux sont présentés en cinq grandes parties, complétées par des annexes cataloguant l’ensemble de la documentation rassemblée: sources iconographiques, mobilier archéologique, lapidaire, étude des matériaux; une matière première riche et complète est mise ainsi à disposition des chercheurs.
Une présentation des occupations antiques du site par Sophie Liegard et Élise Nectoux nous amène ainsi dans un premier temps à la découverte de l’agglomération romaine d’Anicium et du sanctuaire qu’il est possible de restituer à l’emplacement du futur site épiscopal, ainsi qu’à la transition progressive de ce quartier au moment de la christianisation. L’approche mêle la relecture des fouilles anciennes aux nouvelles données issues des travaux menés à l’emplacement du baptistère.
L’étude historique du monument a ensuite été menée en deux volets, distinguant d’un côté l’apport des sources écrites pour les époques médiévales et modernes (par Martin de Framond) et de l’autre, une étude des travaux sur le monument depuis le XVIIIe siècle, à partir des sources iconographiques et des différentes publications et archives liées aux restaurations (par Bernard Gallant, Élise Nectoux et Anne-Bénédicte Mérel-Brandenburg). L’absence de sources écrites avant le XIIIe siècle se trouve confirmée mais les recherches effectuées permettent de mettre en valeur les différents acteurs ayant joué un rôle dans la gestion du monument (le prévôt de la cathédrale, le prieur de Saint-Jean et les chanoines dits de paupérie), des informations importantes pour la compréhension par la suite de certains aménagements. Autre point clé qui ressort: le rôle joué par le baptistère au XVIIIe siècle dans la liturgie et le culte marial se développant dans la cathédrale.
Le troisième chapitre met en lumière les principaux apports des recherches du PCR menées au sein du baptistère: Sophie Liegard et Alain Fourvel présentent la chronologie relative du monument, issue des fouilles archéologiques menées en 2007–2008, comprenant sept principaux états, entre la construction du baptistère dont la datation est remontée entre la fin du Ve et le début du VIe siècle, et la dernière restauration majeure par la compagnie Vialet en 1910–1912. L’apport principal de cette campagne reste l’identification au cœur de la nef de la cuve baptismale octogonale, retrouvée arasée, associée au premier état du bâtiment.
La contribution suivante de Christian Sapin, portant sur l’étude des élévations, permet d’enrichir les connaissances de ce premier baptistère, reliant à ce premier état plusieurs portions de murs, de 3 à 6 m de hauteur dans l’abside et la paroi nord de la nef, caractérisés par des parements en petits moellons de brèche bien équarris, liés au mortier de chaux, et rythmés par des arcatures aveugles en plein cintre retombant sur des colonnettes à chapiteaux de marbre ou d’arkose sculptés dont l’étude par Anne-Bénédicte Mérel-Brandenburg et Bernard Galland permet de confirmer l’homogénéité et la datation par comparaison avec les autres ensembles connus de la fin de l’Antiquité tardive, entre le IVe et le Ve siècle.
Les phases suivantes du monument ne sont pas oubliées et la confrontation entre les résultats des fouilles archéologiques, de l’étude des élévations et des décors sculptés et peints permettent de faire ressortir une phase d’embellissement à l’aide de vitraux colorés, de décors peints et stuqués probablement à l’époque carolingienne, une autre marquée par la mise en place de nouvelles arcades aveugles romanes, ainsi notamment que différents aménagements portant sur l’entrée occidentale, avec l’installation d’une tribune haute qui connaîtra plusieurs états, et sur les dispositifs liturgiques.
Les dernières parties de la publication, par Christian Sapin, Pascale Chevalier et Charles Bonnet, permettent de remettre en perspective l’ensemble des informations issues des nouvelles recherches, en regard avec les connaissances actuelles sur les groupes épiscopaux et baptistères, et leurs fonctions. Si la chronologie relative et les caractéristiques de la construction et des décors du baptistère se retrouvent dans des exemples comparables des Ve–VIe siècles en Gaule (La Daurade, Poitiers, Saint-Pierre de Vienne), le parti pris architectural en plan reste unique. La configuration de la piscine permet également de restituer le déroulement d’un rituel mixte mêlant immersion partielle et affusion. Son évolution au fil des siècles, avec son abandon aux alentours de l’an mil, et son remplacement par des fonts baptismaux correspondent aux données connues sur l’évolution du rituel du baptême.
L’élargissement du point de vue du chercheur aux données connues sur l’ensemble du quartier épiscopal dans les dernières pages permettent à Charles Bonnet d’envisager l’hypothèse d’un projet de cathédrale double au début du Moyen Âge, avec deux églises autour du baptistère, reliés par des portiques, dans une configuration proche de celles connues dans certains groupes épiscopaux du sud-est de la Gaule comme Genève, Lyon ou encore Grenoble. La deuxième cathédrale nord est envisagée à l’emplacement de l’église Saint-Pierre-Le-Vieux, une perspective de recherche à confirmer à l’avenir par une étude poussée de ce monument.
Les recherches récentes menées au baptistère du Puy-en-Velay illustrent une nouvelle fois l’intérêt des approches pluridisciplinaires dans la réévaluation des dossiers anciens, ayant permis ici de remonter la datation du monument de plusieurs siècles. La publication de cette étude de tout premier plan auprès de la communauté des chercheurs et de l’ensemble des données qui en sont issues vient heureusement compléter les autres travaux récents menés sur les baptistères des premiers groupes épiscopaux de la Gaule.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Cécile Coulangeon, Rezension von/compte rendu de: Anne-Bénédicte Mérel-Brandenburg (dir.), Le baptistère Saint-Jean au sein du groupe épiscopal du Puy-en-Velay (Haute-Loire), Turnhout (Brepols) 2018, 351 p., nombr. ill. (Bibliothèqe de l’Antiquité tardive, 34), ISBN 978-2-503-57028-0, EUR 85,00., in: Francia-Recensio 2019/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.2.62817