L’ouvrage, dont les auteurs sont des spécialistes reconnus de la Grande Guerre, se distingue des nombreuses publications à l’occasion du centenaire par la place accordée aux documents et aux illustrations. Il s’agit en effet d’une publication de documents (lettres, journaux intimes, proclamations, extraits de journaux, mémoires, rapports de police …), en partie inédits, précédés d’une introduction d’une cinquantaine de pages, qui illustre l’évolution du moral des troupes et, dans une moindre mesure, de la population allemande au cours de l’année 1918. On passe de l’espoir d’une paix proche avec la victoire sur la Russie à l’Est et la grande offensive »décisive« du printemps sur le front Ouest, à l’échec de cette offensive, puis à la défaite de l’armée allemande, à la révolution de novembre 1918 et à la fin de la monarchie.

L’introduction et le choix des documents insistent tout particulièrement sur les événements militaires à l’Ouest. Les documents montrent la mobilisation des énergies lors de la préparation de la grande offensive dans l’espoir d’une paix rapide et l’enthousiasme de la troupe au début de l’offensive en mars–avril, suivi des premiers doutes, de l’incompréhension des officiers supérieurs sur la stratégie de l’Oberste Heeresleitung (OHL), puis la prise de conscience de l’échec définitif de l’offensive à partir de juillet. Ils illustrent parfaitement la démoralisation progressive d’une armée allemande épuisée à partir d’août–septembre face à un adversaire à présent supérieur en nombre, utilisant massivement l’arme des tanks négligée par l’OHL.

Alors que l’offensive était plus meurtrière que la défensive jusqu’à présent, il n’en est plus de même avec les tanks, associés de plus à la supériorité aérienne des Alliés. Le choix des documents démontre l’inanité de la thèse d’une armée invaincue sur le champ de bataille et d’une défaite due exclusivement à l’effondrement du moral de la Heimat et à la propagande bolchevique, thèse dont les éléments sont distillés par l’OHL dès septembre 1918. L’évolution du moral de la Heimat est documentée par des correspondances et des journaux intimes, mais de manière plus rapide et plus superficielle. L’évolution de la situation matérielle, de la pénurie alimentaire, et son influence sur le moral de la population sont illustrées par quelques documents bien choisis, mais on peut regretter l’absence de documents sur le marché noir et son influence délétère sur la société.

Il manque, d’une manière générale, des documents sur l’économie de guerre et ses problèmes qui ont aussi une influence sur le moral et sur la bataille du matériel. La période révolutionnaire est particulièrement développée avec des documents montrant la commotion de la population face à une défaite dont on mesure mal la dimension, d’où l’incompréhension face à l’acceptation de conditions d’armistice qui s’apparentent à une capitulation. On garde cependant l’espoir d’une paix modérée accordée à une Allemagne démocratique, grâce en particulier à la médiation du président Wilson.

L’ouvrage est complété par une conclusion sur les conditions de la paix dictée, qui apparaît d’autant plus injuste qu’elle proclame la culpabilité de l’Allemagne dans une guerre perçue par la plus grande partie de la population comme défensive. Associée à une capitulation qui reste incompréhensible pour beaucoup d’Allemands, alors que les troupes allemandes occupaient encore de vastes territoires, cette paix suscite un sentiment d’injustice qui contribue à alimenter la recherche de responsables, permettant de préserver l’honneur de l’armée et de la nation allemande. La conclusion insiste sur les conditions défavorables de la fondation de la république et sur l’exploitation de la mémoire de guerre par les forces hostiles au nouveau régime, en particulier Adolf Hitler et les nazis.

La publication est complétée par une chronologie détaillée avant chaque chapitre, par des notices biographiques sur les auteurs des documents et par un index général. Le choix judicieux de documents, la qualité de l’introduction et de la conclusion font de cet ouvrage un instrument de travail utile, qui s’adresse aussi à un large public.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Christian Baechler, Rezension von/compte rendu de: Gerhard Hirschfeld, Gerd Krumeich, Irina Renz (Hg.), 1918. Die Deutschen zwischen Weltkrieg und Revolution, Berlin (Ch. Links) 2018, 312 S., ISBN 978-3-86153-990-2, EUR 25,00, in: Francia-Recensio 2019/2, 19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine, DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.2.62898