Pierre-Anne Forcadet, maître de conférences en histoire du droit à l’université d’Orléans, a publié un ouvrage, tiré de sa thèse de doctorat, sur le recours au roi d’après les arrêts du parlement de Paris entre 1223 et 1285.

L’auteur s’intéresse au déploiement de la justice royale au siècle de Saint Louis et démontre avec une grande clarté le fonctionnement de la cour du roi dans toute sa complexité. L’appareil judiciaire est particulièrement hiérarchisé et emploie beaucoup de maîtres formés dans les universités du royaume. De nombreuses réformes sont mises en place afin d’affermir la justice royale et de permettre aux justiciables d’y avoir facilement accès.

L’ouvrage met en lumière la volonté royale de superviser, au XIIIe siècle, la structure judiciaire du royaume. Le roi cherche à marquer la singularité et surtout la supériorité de sa justice. Par l’existence de voies extraordinaires qui permettent au justiciable de s’en remettre au monarque, il se place comme le seul juge suprême et souverain.

L’auteur démontre que les appels sont adressés contre le roi ou ses agents lorsqu’ils commettent des exactions. Le roi a tout d’abord veillé à ce que ses juridictions soient compétentes pour tous les litiges qui ont trait à sa personne, son domaine, ses vassaux ou ses actes. Seul le roi peut juger le roi.

Ce dernier a également incité la population à former des recours auprès de ses tribunaux pour des litiges autres que ceux qui le concernent. Concurrent des autres formes de justice, le tribunal royal a su attirer la population en faisant valoir l’intérêt du justiciable; le roi place sa justice sous l’égide de l’impartialité, de sa rapidité, de son efficacité dans l’exécution des décisions et dans son coût financier, plus bas que celui des juridictions concurrentes. L’attractivité de la justice royale doit beaucoup à la personnalité de Saint Louis.

Par ailleurs, la justice royale, chargée de surveiller l’activité de juridictions concurrentes, apparaît comme un régulateur des relations féodales.

Mais selon l’auteur, et c’est là un grand apport de l’ouvrage, l’appel est bien plus qu’une simple voie de droit. C’est un levier de l’état de droit qui a permis de faire émerger une compétence universelle de la justice royale et de définir la structuration institutionnelle du royaume. C’est aussi par les voies de recours que la souveraineté royale s’est construite. Il ne s’agit pas que d’un cadre théorique, mais d’une évolution qui repose sur des ressorts également pratiques. C’est en accueillant des recours très divers que le parlement s’est formé.

Un tel travail repose sur une étude minutieuse et rigoureuse des sources, les »Olim« du parlement. La lectrice ou le lecteur pourra trouver dans un appendice particulièrement riche un catalogue des arrêts restés inédits de la Cour du roi produits à l’époque ici étudiée.

Il faut nul doute que cet ouvrage constitue, dans la même lignée des travaux de Vincent Martin, professeur à l’université de Rouen, et de Liem Tuttle, maître de conférences à l’université de Bourgogne, une formidable approche du fonctionnent de la justice royale, des rouages de l’appareil judiciaire, des ressorts juridiques et sociaux que l’ont conçu et du personnel qui en assure l’administration au bas Moyen Âge.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Laura Viaut, Rezension von/compte rendu de: Pierre-Anne Forcadet, Conquestus fuit domino regi. Le recours au roi d’après les arrêts du parlement de Paris (1223–1285), Paris (De Boccard) 2018, 812 p. (Romanité et modernité du droit), ISBN 978-2-7018-0445-3, EUR 79,00., in: Francia-Recensio 2019/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.3.66328