L’auteur y poursuit un double objectif: il s’agit d’une part de faire état des recherches actuelles consacrées à la dénonciation et à la répression des excès dans le clergé et chez les laïcs, faits attestés à partir du XIIe siècle. Il s’agit d’autre part, et c’est là toute l’originalité de l’œuvre, de mettre la situation contemporaine en regard du contexte du Moyen Âge. L’auteur souligne qu’aujourd’hui, sur le Vieux Continent, mais aussi en Amérique du Nord, l’Église ne parvient plus à modeler les comportements ni à susciter l’adhésion à son dogme. Notre époque s’oppose donc aux derniers siècles du Moyen Âge, ceux pour lesquels l’Église était au faîte de sa puissance et où son idéologie triomphait. L’auteur démontre que l’écart entre les deux périodes est particulièrement saisissant, notamment par son caractère historiquement inédit. Cet essai, outre son apport historique, offre de nouvelles pistes de réflexion pour analyser la situation actuelle. L’auteur se demande si un aggiornamento de l’Église serait ou non la bonne réponse à son déclin et si l’Église catholique pourrait ou non transiger sur la doctrine.

Un prologue consacré aux problèmes actuels que rencontre l’Église dans la correction des abus commis par ses clercs marque l’entrée en matière de l’ouvrage. L’auteur y définit, dans une grande clarté, les moyens dont le pape dispose pour corriger ces excès en comparant la situation actuelle à celle, plus propice, du Moyen Âge.

L’auteur explique ensuite la notion d’excès et sa conception dans l’Antiquité tardive. L’Église a toujours dénoncé les excès, mais c’est véritablement sous Alexandre III, au XIIe siècle, que le nombre de dénonciations décolle. Tout au long de ce siècle, mais aussi du suivant, les papes successifs vont dénoncer les excès du clergé, des religieux, mais également des laïcs. Le gouvernement même de l’Église reposait alors sur cette volonté de corriger les excès, notamment car il était perçu que »la malice croît chez les clercs comme chez les laïcs«.

Il existe trois modes de répression des excès: les enquêtes, les dénonciations et les accusations. Dès le milieu du XIIe siècle, les enquêtes chez les hauts dignitaires ecclésiastiques se multiplient et les dénonciations deviennent judiciaires.

Les principaux excès concernent la dilapidation des biens et les inconduites sexuelles. Ces excès sont évidemment attestés dans les sources depuis l’Antiquité tardive, mais ils sont davantage réprimés à compter du XIIe siècle sous l’impulsion de la réforme grégorienne et de la conjoncture économique qui place l’Église dans une situation de difficultés de gestion de son patrimoine. L’évêque est la clef de voûte de cet édifice répressif, mais leur négligence, considérée comme un excès grave, est parfois palpable et durement réprimandée.

Le tableau global est précis et saisissant. Il laisse entrevoir, grâce à une fine analyse de l’auteur, que la situation actuelle est inverse: nous assistons au recul inédit de l’Église catholique romaine dans son aire de domination multiséculaire. Si au XIIIe siècle, l’Église combattait les excès du clergé, elle combat aujourd’hui son déclin. L’auteur conclut, devant l’exhortation pontificale Amoris Laetitia, en pensant qu’un aggiornamento serait une réponse pour la redynamiser.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Laura Viaut, Rezension von/compte rendu de: Bruno Lemesle, Quand l’Église corrigeait les excès du clergé. La punition des délits ecclésiastiques au Moyen Âge, Dijon (Éditions universitaires de Dijon) 2018, 107 p., ISBN 978-2-36441-264-4, EUR 9,00., in: Francia-Recensio 2019/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.3.66340