L’abbaye de Saint-Pierremont a été fondée en 1095 dans le Nord-Ouest du diocèse de Metz, près des limites des diocèses de Verdun et de Trèves, par une charte donnée par Mathilde de Toscane, dame du lieu, à la demande de deux clercs messins. C’était une abbaye de chanoines réguliers, indépendante, dont le patrimoine se trouvait pour l’essentiel à proximité du monastère, mais comprenait aussi des possessions plus excentrées, notamment dans la région viticole d’Ars-sur-Moselle ou dans le centre de production de sel de Vic-sur-Seille. D’importance moyenne (elle comptait semble-t-il une vingtaine de chanoines), elle n’en était pas moins régie par plusieurs officiers (vestiaire, pitancier, trésorier, sacristain, aumônier, infirmier, aumônier).

L’abbaye était masculine, mais jusqu’à ce qu’un privilège d’Alexandre III vienne y mettre bon ordre en 1181, de jeunes converses fréquentaient le monastère, y compris dans l’enceinte monastique: le pape interdit en tout cas à l’abbaye de recevoir encore des converses de moins de 50 ans, et leur interdit l’accès à la clôture. L’abbaye disposait d’un prieuré, et exerçait son patronage sur 13 paroisses, mais en confiait la cura animarum à des prêtres séculiers.

Le cartulaire de cette abbaye était inédit; Yoric Schleef et Natacha Helas, qui en avaient assuré la transcription dans un mémoire de DEA (diplôme d’études approfondies) réalisé en 2000, ont repris le travail et l’ont mené jusqu’à la publication. Ils ont travaillé à partir du ms. Paris, B.N.F., n. acq. lat. 1608, qui contient également un livre foncier dont Yoric Schleef avait donné une édition en 2013.

Ce cartulaire a été commencé en 1292 selon la volonté de l’abbé Jacques (1284–1299). Il y a en réalité deux cartulaires de Saint-Pierremont réalisés dans les dernières années du XIIIe siècle, l’autre étant également conservé à la B.N.F., sous la cote lat. 12866. Yoric Schleef et Natacha Helas constatent que le ms. lat. 12866 a été réalisé de manière beaucoup moins soignée que le ms. n.a.l. 1608: ils en déduisent que le premier est un exemplaire de travail et de consultation, le second un exemplaire de conservation. Ils montrent aussi (mais sans avoir fait, semble-t-il, de collation exhaustive) que le 12866 ne peut être une copie du 1608. On ne sait cependant pas avec certitude si le second a été copié sur le premier, ou si tous deux ont été réalisés à partir des originaux. Très rares sont les originaux conservés.

Les actes sont de genre très divers: il y a des lettres pontificales, des chartes concédées par exemple par les évêques, mais aussi des actes plus informels. Beaucoup d’actes sont de simples notices, pour lesquelles il est même impossible d’affirmer qu’il n’y ait jamais eu d’original, et qui ont pu être transcrites dans un premier temps dans une sorte de Liber traditionum avant d’être copiées dans le cartulaire.

Il faut toujours se réjouir de la parution d’une édition de textes anciens. La publication du cartulaire de Saint-Pierremont permettra de mieux étudier cette abbaye, et surtout de mettre à la disposition des chercheurs le texte de quelque 250 actes des XIIe et XIIIe siècles. On en sera donc reconnaissant aux auteurs, de même qu’on leur saura gré d’avoir repris, presque vingt ans après, un travail d’étudiants. D’autant que, et c’est un élément essentiel, les transcriptions sont pour l’essentiel de grande qualité (même si la ponctuation est parfois erratique).

Le recenseur regrette cependant de devoir relever que l’édition du cartulaire de Saint-Pierremont ne correspond pas aux standards de qualité actuellement requis. Le choix même de publier un seul cartulaire de l’abbaye, sans prise en compte des (rarissimes) originaux, ni surtout de l’autre cartulaire (sans compter d’autres copies éparses et éditions anciennes, correctement signalées mais non collationnées) est très problématique. Il est vrai que les auteurs ont choisi de publier en annexe le texte des originaux ou des copies revêtues de signes de validité (vidimus?), mais cela fait une double transcription d’un même acte. Les carences de la liste chronologique des actes (qui n’indique par exemple pas les auteurs) empêche une bonne utilisation du recueil. Les analyses, très brèves, doivent absolument être complétées par la lecture des actes.

L’index rerum et l’index des noms propres en revanche sont bien faits, même si le dernier eût été plus utile encore s’il avait été mis en français moderne.

Dans l’ensemble on saluera le travail de Yoric Schleef et Natacha Helas et on profitera autant que possible de leur travail, en regrettant seulement qu’un peu plus d’exigence n’ait pas permis d’arriver à un résultat meilleur, et donc être encore plus utile.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Benoît-Michel Tock, Rezension von/compte rendu de: Yoric Schleef, Natacha Helas (éd.), Cartulaire de l’abbaye de Saint-Pierremont (1095–1297). Édition d’après le manuscrit de la Bibliothèque nationale de France, nouvelles acquisitions latines, 1608, Turnhout (Brepols) 2019, 375 p., 2 ill. (Atelier de recherche sur les textes médiévaux, 25), ISBN 978-2-503-58084-5, EUR 85,00., in: Francia-Recensio 2019/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.3.66349