Ce volume, paru en février 2019 et édité par Laura J. Whatley de l’université de l’Illinois, est un recueil de 15 articles (introduction comprise) qui se veut transdisciplinaire. Il traite ainsi de différents aspects des sceaux médiévaux: matérialité, historiographie, usage, iconographie, culture visuelle, inventaire ou encore conservation, grâce aux contributions d’auteurs (spécialistes d’histoire, d’histoire de l’art, de numismatique, d’archéologie, de restauration) exerçant tant comme enseignants que comme conservateurs ou restaurateurs dans des institutions patrimoniales ou des laboratoires de recherche.

Cette diversité dans la formation et la profession des contributeurs est une richesse qui permet de mettre en lumière différents aspects des sceaux, faisant de ce livre collectif un ouvrage transversal, véritable outil de développement de la recherche en sigillographie. Comme le suggère sa portée chronologique, géographique, sociale, l’étude des sceaux médiévaux nécessite l’effort de tous et une approche pluridisciplinaire, ainsi qu’une méthodologie de pointe, dont rendent compte plusieurs contributions exposant des projets développés par les institutions patrimoniales.

Après une ample introduction due à l’éditrice, insistant une fois de plus sur l’intérêt de développer la recherche en sigillographie, notamment pour la Méditerranée orientale et le monde islamique, les 14 contributions analysent la création du sceau et sa production, sa signification, son usage, ainsi que sa réception. Elles sont surtout centrées sur l’Europe, en particulier la Grande-Bretagne, dans une fourchette chronologique embrassant la période allant du XIe au XVe siècle.

Les contributions sont organisées de manière thématique en différentes parties. La première partie, particulièrement passionnante et novatrice, aborde la matérialité des sceaux. Les deux premières études sont dues à Elke Cwiertnia, Adrian Ailes et Paul Dryburgh, l’une sur les sceaux royaux et de gouvernement (avec un focus sur le grand sceau royal), éclairant, grâce à un texte clair et de nombreux tableaux, les pratiques de la chancellerie anglaise entre 1100 et 1300, l’autre sur les sceaux des barons appendus à la supplique au pape de 1301. Dans ces articles comme dans celui de John McEwan sur des dimensions des sceaux anglais et gallois, la taille des sceaux, leurs couleurs, leurs modes d’attache, sont examinés avec minutie et les résultats laissent ouvertes de nombreuses pistes de recherche, notamment sur les liens entre les couleurs de la cire et des attaches, domaine passionnant qui attend encore son historien.

La seconde partie, tout aussi passionnante, expose de manière critique, grâce à la contribution d’Oliver Harris, l’historiographie de la sigillographie, discipline ancienne notamment en Angleterre, ainsi que de passionnants travaux de recensement et de catalogage menés pour les sceaux héraldiques aux Archives nationales du Royaume-Uni, exposés par Adrian Ailes.

La troisième partie insiste sur le rôle des sceaux en tant qu’instruments d’exercice du pouvoir, montrant avec brio que sigillographie et diplomatique sont des disciplines intimement liées. Outre un détour bienvenu par les bulles byzantines avec Jonathan Shea, ce chapitre offre aussi à lire la passionnante enquête de Philippa Hoskin sur les sceaux des évêques anglais du XIe au XIIIe siècle et de s’interroger avec elle sur l’augmentation inédite du nombre d’actes validés et les pratiques des chancelleries épiscopales.

La quatrième partie est dédiée à la représentation de la personne et du pouvoir de celle-ci à travers les sceaux et donne l’occasion de s’éloigner quelque peu des îles Britanniques. L’étude d’Angelina Volkoff traite des sceaux personnels à Byzance, éclairant combien, dans l’empire d’Orient, les sceaux sont l’illustration des complexes relations de pouvoir dans la société. Celle d’Andreas Lehnertz présente les deux sceaux de Moshe ben Yehiel, dit Muskinus, financier de l’archevêque de Trêves. Ils sont représentatifs du statut social et personnel des juifs dans l’Europe médiévale et des particularités des modes de représentation choisis, permettant à l’auteur une intéressante synthèse de sigillographie comparée. Enfin, celle d’Emir Filipovic sur le grand sceau du roi de Bosnie Étienne Tvrtko montre comment les sceaux font partie des modes d’expression du pouvoir des souverains et de leur communication politique, en particulier ici dans le cas d’un souverain cherchant à imiter les usages sigillographiques d’Europe occidentale. L’auteur offre ici une excellente grille d’analyse.

La cinquième partie se compose de deux études de cas permettant d’éclairer l’usage du sceau, avec tout d’abord une contribution d’Elizabeth New sur les sceaux personnels non héraldiques, faisant heureusement pendant à celle donnée par Adrian Ailes dans la deuxième partie. Elle permet de faire avancer l’enquête sur une catégorie de sources jusqu’ici peu explorée par les historiens, surtout lorsqu’il s’agit des sceaux des non-nobles, marchands ou tenanciers, alors qu’ils constituent probablement près des quatre cinquièmes des sceaux personnels conservés en Grande-Bretagne. L’auteur montre bien comment ces personnes ont réussi, en l’absence d’armoiries, à créer leurs propres codes de représentation. Très pointu, l’article de Marek Wojcik expose le cas des sceaux utilisés par les veuves de chevaliers dans la Silésie pré-hussite.

La sixième et dernière partie insiste sur les liens existant entre les sceaux et d’autres éléments de la culture visuelle. Ainsi Ashley Jones nous présente-t-elle une recherche sur les monnaies utilisées comme matrices ou sceaux dans l’Italie lombarde, anneaux sigillaires ou objets de culte. Développant encore les travaux de Lucia Travaini et de Silvia Lusuardi Siena sur les représentations personnelles de cette période, elle montre comment elles sont largement inspirées des traditions tardo-antiques, mais réinventées et réappropriées.

Toujours en lien avec l’Antiquité, la contribution de Caroline Simonet revient sur le phénomène passionnant du réemploi d’intailles et de camées antiques dans les matrices de sceaux, qui avait déjà suscité le goût de Demay dans les années 1870. Ces objets sont le témoignage d’une persistance d’un intérêt pour l’héritage artistique de l’Empire romain jusqu’au cœur du XIIIe siècle, mais aussi du rôle magique et propitiatoire qu’on leur supposait. Par ailleurs, la question de savoir quelle interprétation était faite de ces images souvent païennes, si les personnages et figures représentés étaient identifiés ou non, si un sens nouveau, chrétien, leur était donné, est un questionnement primordial.

Clairement présenté et abondamment illustré de nombreuses planches en couleur, cet ouvrage d’une grande richesse intellectuelle est aussi très agréable à consulter. Ainsi, comme son titre l’affirme, il se veut le fidèle compagnon de qui s’intéresse aux sceaux et à la sigillographie, ambitionnant de devenir un indispensable livre de chevet. Il est à espérer qu’il rendra plus accessible encore l’étude des sceaux et suscitera, parmi les professionnels comme les étudiants, de nouvelles et nombreuses recherches dans ce domaine. Compte-tenu de plusieurs parutions récentes, ainsi que de plusieurs travaux de recherche menés récemment par des étudiants en France (sceaux des comtesses de Flandre, sceaux des seigneurs de Châtillon, par exemple), nous nous permettons d’être optimistes.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Marie-Adélaïde Nielen, Rezension von/compte rendu de: Laura J. Whatley (ed.), A Companion to Seals in the Middle Ages, Leiden (Brill Academic Publishers) 2019, VIII–415 p. (Reading Medieval Sources, 2), ISBN 978-90-04-39144-4, EUR 165,00., in: Francia-Recensio 2019/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.3.66356