Voici un véritable tour de force! En effet les travaux sur le judaïsme allemand et la recherche sur la période entre la Renaissance et les Lumières sont de mieux en mieux connus. Les monographies détaillées et d’une précision parfois diabolique s’accumulent servies par les moyens modernes électroniques qui voisinent avec les archives classiques. Les travaux des chercheurs chevronnés comme Johann Friedrich Battenberg, Alfred Haverkamp, Rotraus Ries, Stefan Rohrbacher, Michael Toch et bien sûr de la vénérable »Germania Judaica« inaugurée en 1917(!) et poursuivie de nos jours, prennent en compte le morcellement politique et théologique mais surtout administratif et géographique de cette entité au contour assez floue et changeante gravitant autour de Mayence. Aujourd’hui, lorsqu’on pénètre dans sa cathédrale l’impressionnante frise dans la hauteur présente les archevêques et les princes qui ‘régnèrent’ sur la ville et les terres adjacentes ou reliées. L’une des difficultés était le ‘patchwork’ territorial qui délimite le pouvoir elle se retrouve dans la recherche actuelle. Les cartes sont donc bienvenues.

Ainsi, c’est une bonne idée d’avoir privilégié la chronologie entre 1470 et 1729, d’Adolf II von Nassau et Lothar Franz von Schönborn. Des synthèses ponctuent cette marche dans le temps, chemin vers la tolérance, prudente, hésitante, parfois suspendue et régressive, mais de plus en plus moderne, même plus hardies que celle des protestants souvent en avance sur ces questions. Il est fascinant de suivre cette progression, ponctuée par des noms plus ou moins connus: Diether von Isenburg-Büdingen, Berthold von Henneberg, Jakob von Liebenstein, Uriel von Gemmingen, Albrecht von Brandenburg, Sebastian von Heusenstamm, Daniel Brendel von Homburg, Wolfgang von Dalberg, Johann Adam von Bicken, Johann Schweikhard von Kronberg, Georg Friedrich von Greiffenclau, Anselm Casimir Wamboldt von Umstadt, Johann Philipp von Schönborn – le »Salomon allemand« –, Lothar Friedrich von Metternich-Burscheid, Damian Hartard von der Leyen, Karl Heinrich von Metternich-Winneburg, Anselm Franz von Ingelheim et pour finir les débuts de Lothar Franz von Schönborn.

Chacun a sa culture, ses espoirs et ses déceptions. Défilent devant nous les hésitations, les progrès, les perplexités des autorités (religieuses et politiques) vis à vis des juifs. Il faut bien combler la saignée des guerres et conflits qui dévastent des populations entières. Mais loin d’être une suite commentée de Judenordungen, ces pages offrent un panorama de la période précédant l’émancipation du XVIIIe siècle et même plus: songeons que certains décrets de 1662–1671 resteront en vigueur jusqu’à Friedrich Karl Joseph von Erthal (1774–1802). Il faudra donc désormais plutôt parler des prodromes de l’entrée des juifs dans les communautés allemandes. Les décisions sont plus modernes qu’il n’y paraît et il n’y a pas que la Prusse et ses haut fonctionnaires qui apporta un traitement plus équanime d’une population souvent laborieuse, tenue par une religion commune encore très efficace en terme de lien social mais trop souvent en but à l’hostilité générale.

Bien entendu un passage traite rapidement de la polémique autour des »livres juifs« avec le célèbre Reuchlin, de la question de savoir ce que fut vraiment une communauté, (Yischuv, Chawura, Kehilla); on trouvera aussi une petite mise au point sur les différentes sortes de crédits. Il y a aussi l’aspect juif qui est souligné, des problèmes intracommunautaires à ceux des contacts avec les non-juifs. Finalement, les disparités législatives furent une aubaine pour les juifs qui, a peine chassés d’un endroit, étaient réclamés par un autre au gré des besoins financiers des princes et des évêques. Certaines expulsions ainsi que l’érection d’un ghetto, comme dans la ville de Mayence, ne purent être évitées, mais la ténacité des communautés eût lentement raison des préjugés.

Un résumé chronologico-thématique (1461–1695), un état de la recherche (p. 242–249) et une bibliographie concluent cet ouvrage qui est une élégante synthèse mais très érudite et novatrice.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Dominique Bourel, Rezension von/compte rendu de: Werner Marzi, Die Judenpolitik der Mainzer Erzbischöfe und Kurfürsten von Adolf II. von Nassau bis Anselm Franz von Ingelheim 1461–1695. Unter Mitarbeit von Ulrich Hausmann. Mit einem Geleitwort des Mainzer Bischofs Peter Kohlgraf, Mainz (Nünnerich-Asmus Verlag & Media) 2018, 285 S., 57 Abb., 9 Kt. (Beiträge zur Geschichte der Juden in Rheinland-Pfalz, 2), ISBN 978-3-945751-41-1, EUR 34,90., in: Francia-Recensio 2019/4, Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.4.68456