Wilhelm Bleek convient dans la préface que son livre ne prétend pas être une »historische Fachstudie« ou faire progresser discussion historiographique, mais il prend clairement position sur quelques points importants. Ainsi, il retient le »chrononyme Vormärz«, étendu à toute la période 1815–1848, après avoir rappelé que d’autres termes lui font concurrence. Curieusement, il n’en mentionne que deux, la Restauration et le Biedermeier, qui se rapportent plutôt à la période 1815–1830. Il annonce qu’il ne parlera pas de l’Autriche, qu’il appelle, dans une formule qui prête à discussion, »die deutschsprachige Hälfte der Habsburgermonarchie«, parce que son évolution à l’époque du Vormärz se différencie, selon lui, trop nettement de celle de »Nord-, Ost- und Westdeutschland«. En revanche, il inclut dans sa recherche la Prusse occidentale, la Prusse orientale, la Posnanie et le Schleswig, ce qui revient à anticiper les frontières du Reich de 1871.

L’ouvrage consiste en une série de 23 chapitres que l’auteur appelle des »miniatures« illustrant les aspects les plus caractéristiques de l’histoire politique, sociale et culturelle de la période. Sans surprise, le premier est consacré au congrès de Vienne et le dernier à l’ouverture de l’Assemblée nationale constituante, le 18 mai 1848. De même, la fête de la Wartburg de 1817, l’assassinat de Kotzebue en 1819, la fête de Hambach de 1832 et quelques autres jalons de la période étudiée font l’objet d’un chapitre. Plus originales sont des »miniatures« comme »La mort de Friedrich Krupp (1826)«, »La première publication du Baedecker (1832)« ou »La construction de la voie ferrée entre Leipzig et Dresde (1837/39)«. L’histoire sociale est réduite à la portion congrue, avec le chapitre sur »Les émeutes de la faim (1847)«. En revanche, l’histoire culturelle, si l’on peut y inclure l’histoire de la littérature, de l’art et des idées, se taille la part du lion.

Les meilleurs chapitres sont construits à la manière de ceux des »Lieux de mémoire« de Pierre Nora et des »Deutsche Erinnerungsorte« d’Étienne François et Hagen Schulze. D’autres sont de facture essayistique et s’efforcent, avec une élégance qui va de pair avec une grande clarté didactique, de condenser l’esprit de l’époque étudiée dans de courtes monographies ou études de cas. Cette présentation fragmentée s’adresse de toute évidence à des lectrices et des lecteurs déjà familiers des principaux ouvrages de référence consacrés à la période considérée, dont on trouve la liste succincte en fin d’ouvrage. Cette bibliographie réserve une surprise: entre les travaux bien connus et indispensables de Wolfram Siemann et de Hans-Ulrich Wehler figure, ordre alphabétique oblige, la »Deutsche Geschichte im Neunzehnten Jahrhundert« de Heinrich von Treitschke.

»Je crains fort qu’à la cour de Prusse on ne tienne M. von Treitschke pour un écrivain profond«, écrit Friedrich Nietzsche dans »Ecce homo«. Faut-il craindre que l’auteur ait lui aussi un faible pour Treitschke?

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jacques Le Rider, Rezension von/compte rendu de: Wilhelm Bleek, Vormärz. Deutschlands Aufbruch in die Moderne. Szenen aus der deutschen Geschichte 1815–1848, München (C. H. Beck) 2019, 336 S., 23 Abb., ISBN 978-3-406-73533-2, EUR 28,00., in: Francia-Recensio 2019/4, 19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine, DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2019.4.68522