En 1884, Paul Piper publiait chez Weidmann à Berlin ses »Libri confraternitatum Sancti Galli, Augiensis, Fabariensis«, un gros volume de 550 pages, dont les 144 premières étaient consacrées à l’édition du livre de confraternités de Saint-Gall, première édition intégrale de ce texte exceptionnel. Le »Liber memorialis« de Pfäfers à été publié en fac-similé en 1973 à Bâle par A. Bruckner et H.-R. Sennhauser et celui de Reichenau a inauguré en 1979 la nouvelle série des »Libri memoriales et Necrologia« des MGH. En 1986, la première moitié (p. 15–283) des »Subsidia Sangallensia I, Materialien und Untersuchungen zu den Verbrüderungsbüchern und zu den älteren Urkunden des Stiftsarchivs St. Gallen«, publiée sous la direction de Michael Borgolte, Dieter Geuenich et Karl Schmid, était consacrée aux livres de confraternités de Saint-Gall, sous la plume de D. Geuenich et K. Schmid, qui montraient au terme d’une étude codicologique approfondie, reconstitution à l’appui, que le manuscrit C3B55 était en fait constitué de cahiers provenant de deux manuscrits rédigés successivement en l’espace d’un siècle, de formats différents, dont les cahiers du plus ancien avaient été retaillés pour donner l’apparence d’un volume unique. En conclusion, les auteurs annonçaient la publication d’une editio major dans les MGH. Il aura fallu attendre trente-trois ans … Si Karl Schmid nous a quittés en 1993, Dieter Geuenich a pu mener l’œuvre à son terme avec l’aide de plusieurs collaborateurs.

Ce volume, qui marque son appartenance au »Quellenwerk Societas et fraternitas«, dont Karl Schmid fut l’initiateur avec Joachim Wollasch, met désormais à la disposition des chercheurs ce texte certes prestigieux, en raison de sa provenance, mais surtout très complexe, dans une édition exceptionnelle dont il est difficile de rendre compte en quelques lignes. S’appuyant sur la reconstitution de K. Schmid, l’archiviste de Saint-Gall, Peter Erhart, à l’occasion d’une restauration du manuscrit en 2008, en a fait réorganiser les cahiers, reconstruction suivie ici et que l’on retrouve dans le fac-similé en couleurs qui complète le volume, où des feuilles blanches sont même mises à la place des feuillets perdus. Il est bon de le feuilleter au préalable pour avoir une vue d’ensemble de ce qui reste des deux manuscrits et qui forme l’actuel cod. C3B55 de la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Gall.

L’édition est précédée d’une série d’études (p. 3–228), qui constituent une somme sur le »Liber memorialis« – qui renferme partiellement, en tête du manuscrit le plus récent un »Liber censuum« –, qui s’ouvre comme il se doit par la description des manuscrits, due à P. Erhart avec la reconstruction des fragments par cahiers et la concordance des pages avant et après la restauration, d’après K. Schmid et actuelle (décalage d’une page après la p. 27). Il analyse aussi la première main, qu’Alfons Zettler date des environs des années 807–814, comme on le verra plus loin, faisant des comparaisons avec la production du scriptorium de l’abbaye au cours du IXe siècle.

Fabrizio Crivello fait quelques remarques sur l’ornementation du »Liber«, qui s’inscrit dans une tradition carolingienne de texte copié dans une architecture d’arcatures semblables à celles des canons d’Évangiles pour le plus ancien, plus sobre pour le second avec ses cinq colonnes étroites terminée par un chapiteau supportant une architrave. Deux ouvrages de la première moitié du XVIIe siècle, le tome 2 des »Alamannicarum Rerum Scriptores« de Melchior Goldast (1606) et le »Codex traditionum« (1645), où figure le »Censualium hominum Rotulus«, ont été utilisés par Dieter Geuenich, dans la mesure où ils permettent de combler certaines lacunes des manuscrits sur la transmission des noms.

Les deux chapitres suivants, dus respectivement à Alfons Zettler et Uwe Ludwig et qui forment le gros de l’introduction, très techniques, sont consacrés à la datation et à la conception des deux livres de confraternité, en s’attachant particulièrement pour le plus récent à la première couche rédactionnelle. L’introduction s’achève avec la comparaison entre les confraternités de Saint-Gall, dont les plus anciennes sont celles de Gengenbach, Hornbach et Tours (Saint-Martin, sous l’abbatiat de Fridégise, ca. 804–834), et les confraternités monastiques transmises par autres livres conservés, notamment Reichenau, Pfäfers, Remiremont, et Dieter Geuenich revient brièvement sur l’anthroponymie alémanique présente dans les deux livres de confraternité et les quelque 23 300 noms de personne qu’ils renferment. Un index des noms de personne cités dans l’introduction (p. 221–228) permet de s’y retrouver dans cette masse de noms cités.

L’édition proprement dite occupe les p. 231–328. Le texte suit bien sûr les deux manuscrits remis en ordre, en donnant à la fois la foliotation rectifiée (fac-similé), celle du manuscrit et l’ancienne pagination, chaque groupe d’écriture étant successivement individualisé, comptant de un à plusieurs centaines de noms écrits d’une même main. Certaines particularités graphiques (grattages corrections, etc.) sont données en notes infrapaginales et l’emploi des capitales propres à certains noms est respecté. Les feuilles détachées sont remises à leur place (p. 27–31) et le texte du »Liber« récent commence avec la page 33.

Les pages 33–43 renferment les listes topographiques de censitaires, Isti sunt censuales proprii monasterii Sancti Galli in Zuirigoev […] censuales in Burgundia […], les confraternités proprement dites reprenant à la page 44, Nomina fratrum Basilensium.

Une série d’index complète l’édition mais il convient au préalable d’en examiner le mode d’emploi, dans la mesure où il s’agit d’un index des formes lemmatisées. Les deux textes renferment certes environ 23 300 noms, mais avec des doublons, soit 4680 pour le »Liber« ancien et 9022 pour le »Liber« récent, auxquels s’ajoutent 152 noms pour le fragment de Bâle et 1126 noms pour le double feuillet de Nonantola. Le premier index donne donc la liste globale des radicaux des noms de personne, avec quelques noms isolés, et renvoie aux formes lemmatisées du second index (p. 363–465), avec les références au texte mais aussi au fac-similé, les planches faisant l’objet d’un quadrillage virtuel (de 1 à 5 et de A à D). Suivent le relevé des noms faisant l’objet d’un qualificatif, de abbas à subdiaconus, où les monachus/monacha se taillent la part du lion (p. 466488), et plus modeste celui des noms de lieu (p. 489–494).

Cette édition monumentale renouvelle complètement notre connaissance des livres de confraternités de Saint-Gall et rend désormais inutile le recours à celle de Paul Piper pour ces textes. On regrettera seulement, qu’à l’instar de ce qui avait été fait pour le »Liber memorialis« de Remiremont, les fac-similés n’aient pas été publiés en un volume séparé, qui aurait rendu leur consultation en parallèle avec l’édition plus aisée.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jean-Loup Lemaitre, Rezension von/compte rendu de: Dieter Geuenich, Uwe Ludwig (Hg.), unter Mitwirkung von Fabrizio Crivello, Peter Erhart, Alfons Zettler, Die St. Galler Verbrüderungsbücher, Wiesbaden (Harrassowitz Verlag) 2019, XXXII–656 S., 161 Abb. (Monumenta Germaniae Historica. 5. Abteilung: Antiquitates, 4. Libri memoriales et Necrologia. Nova series, 9), ISBN 978-3-447-10077-9, EUR 198,00., in: Francia-Recensio 2020/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2020.1.71474