Professeure émérite, Chantal Metzger livre, dans un style sobre, cet ouvrage, aboutissement de travaux de recherche commencés par sa thèse de doctorat d’État publiée sous le titre »L’Empire colonial français dans la stratégie du Troisième Reich (1936–1945)« en 1999. Ce travail est une synthèse s’appuyant sur des sources principalement allemandes et sur l’historiographie renouvelée de ces vingt dernières années parmi lesquels la thèse de doctorat d’État de Christine Levisse-Touzé, soutenue en 1991 à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et publiée chez Albin Michel en 1998 sous le titre »L’Afrique du Nord dans la guerre 1939–1945«, et la thèse de doctorat d’université de Jacques Cantier intitulée »L’Algérie française sous Vichy«, publié en 2002.

L’introduction rappelle l’évolution sociale et politique de l’entre-deux guerres de ce territoire avec ses spécificités géographiques, culturelles et les différences de statuts, deux protectorats et les trois départements français d’Algérie. La montée des nationalismes, les inégalités sociales, culturelles, sociales enfin la montée de l’antisémitisme de l’extrême droite française en Algérie sont des aspects connus.

La première partie rappelle et confirme les ambitions allemandes, espagnoles et italiennes à la veille de la guerre s’appuyant sur des propagandes actives. La montée du nationalisme consécutif aux inégalités et aux maladresses de la puissance coloniale, – très faible scolarisation des enfants musulmans en Algérie, décalage criant des salaires entre Européens et indigènes –, sont rappelés avec justesse. Le Maghreb essentiellement agricole, fournisseur de la métropole avec l’Algérie à »l’économie de succursale« expression de l’auteur, est peu industrialisé du fait même de la métropole point sur lequel il aurait convenu insister davantage.

L’évolution des partis politiques propres aux Français d’Algérie, Parti communiste algérien, et le rôle constant de l’extrême-droite avec ses violentes manifestations antisémites de Constantine en 1934, aurait mérité plus de développement. Un des points forts de l’ouvrage de Chantal Metzger, grâce aux archives allemandes, est de montrer la réalité des ambitions du IIIe Reich à la différence des revendications de Franco et Mussolini, essentiellement territoriales. Sans doute eût-il fallu insister davantage sur l’importance stratégique pour la France de l’Afrique du Nord comme pépinière d’hommes et la nécessaire maîtrise de la Méditerranée; la création d’un théâtre d’opérations unique en 1930 confié au général Noguès résident général au Maroc en 1938 procède de cette ambition même si la modernisation des bases et ports n’est pas au rendez-vous.

Les trois autres parties consacrées à la guerre constituent un utile complément de la thèse d’État précitée, »L’Afrique française du Nord dans la guerre 1939–1945«. Ces travaux sont cités mais il aurait été souhaitable de s’y reporter davantage sur les protocoles de Paris du 28 mai 1941, la collaboration économique et militaire avec les forces germano-italiennes en Libye, les accords Murphy-Weygand, la préparation de l’opération Torch par les Américains qui s’appuient sur les résistants (et non le seul groupe des Cinq) et tiennent à l’écart les proconsuls de Vichy pour éviter les combats lors du débarquement.

C’est vrai aussi pour les camps d’internement politique et l’abolition des lois antisémites de Vichy comme le rétablissement républicain au cœur des négociations entre le général Giraud et le général de Gaulle. L’application de la Révolution nationale qui fait de l’Algérie un laboratoire ainsi rappelé par l’auteur n’est pas nouvelle, elle a été traitée de manière exhaustive par la thèse d’université de Jacques Cantier précitée.

Les apports majeurs de l’ouvrage de Chantal Metzger grâce à ses recherches dans les archives allemandes résident dans l’étude de la politique du IIIe Reich, la réalité de l’infiltration économique au Maroc, la propagande en direction des nationalistes, du sultan comme du bey. Le thème du Mittelafrika de l’Atlantique à l’océan Indien est particulièrement intéressant.

Les recherches menées sur la Tunisie occupée fin 1942, apportent du neuf pertinent car le protectorat n’est pas seulement une base de repli pour l’Afrikakorps, c’est aussi une base de reconquête s’appuyant sur quelques collaborationnistes de la Phalange africaine. Si les nazis n’obtiennent qu’une attitude réservée de Bourguiba chef du Néo-Destour partisan des Alliés, leurs actions de sabotage attestent de leur intérêt pour le Maghreb. Reste le sort des populations autochtones éprouvées par la guerre et dont les revendications restent sans réponse. Enfin l’auteur reprend les propos de Mohamed Harbi fixant le drame du 8 mai 1945 comme le début de la guerre d’Algérie, déjà affirmé par d’autres travaux.

L’ouvrage de Chantal Metzger, outre la synthèse intéressante, est, grâce à l’apport des sources allemandes, un complément intéressant à la connaissance de la période.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Christine Levisse-Touzé, Rezension von/compte rendu de: Chantal Metzger, Le Maghreb dans la guerre. 1939–1945, Paris (Armand Colin) 2018, 320 p., ISBN 978-2-200-24304-3, EUR 24,90., in: Francia-Recensio 2020/2, 19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine, DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2020.2.73356