À la suite d’Émile Mâle, qui écrivait que »la Passion fut, à vrai dire, l’unique étude du Moyen Âge«, Robert Didier énonçait un jour une généralité: une église doit avoir un Christ en croix visible du public, ce qui est à la base de la sculpture religieuse des grands Christs en croix1.

Le Christ monumental en bois de deux mètres, conservé au musée de Boston (MFA 51.1405), de la Fuld Collection, »The Boston Crucifix« est une »pièce majeure de la sculpture ottonienne«, acquis par Georges Swarzenski pour … 4000 livres Sterling en 1951. Il l’avait publié la première fois en 1921, avec Otto Schmitt, lors d’une exposition de collections privées à Francfort.

Dans son introduction, la conservatrice Marietta Cambareri se réjouit de cette étude complète, qui manquait sur cette sculpture. À l’initiative de Gerhard Lutz, ancien conservateur à Hildesheim, voici les fruits d’un symposium organisé en 2008 à Boston, qui rassemble 18 remarquables contributions de spécialistes. Les aspects techniques sont d’abord abordés avec toutes les techniques modernes de laboratoire: ainsi la polychromie et les traces de polychromie gothique. La toreutique, l’orfèvrerie et l’enluminure viennent ensuite pour comparaison. Suit l’histoire du Christ, sa provenance et son origine. L’insertion de reliques dans les croix ou leur enrichissement de pierres précieuses (crux gemmata) sont aussi abordés.

C’est ainsi l’occasion de dresser un inventaire outre-Atlantique de ces Christs provenant d’Europe et de ceux restés en Europe autour de l’an mil. Depuis la croix de l’archevêque de Cologne Gero, la plus ancienne bien documentée (976), la tradition ottonienne se diffuse dans le Saint Empire germanique: Ringelheim (Hildesheim), Gerrensheim, Büsdorf, Brixen, Aschaffenburg, les Christs du Schnütgen, des Cloisters …

On n’oubliera pas que »The Ottonian Era« inclut aussi Liège et le tronc commun de l’art rhéno-mosan nous fait rêver d’une pareille étude élargie aux termini retenus pour cette publication (970–1200) sur les Christs mosans: on pense aux recherches de Robert Didier ou de Jean-Claude Ghislain2: de Tancrémont à Hollogne-sur-Geer, en passant par la Curva Crux de Louvain3.

1 Robert Didier, Miseratio Christi, redemptio mundi. Considérations sur l’iconographie de la Passion, dans: Art et histoire: de l'Occident médiéval à l’Europe contemporaine. Dix années d’activités de Malmedy, Malmedy 1997, p. 97–148.
2 Id., Jean-Claude Ghislain, dans: Catalogue d'exposition: Liège. Autour de l’an mil, la naissance d’une principauté (Xe–XIIe siècle), Liège 2000, p. 133–144.
3 Robert Didier, Une descente de croix sculptée mosane du XIe siècle. À propos du Christ de l’ancienne Curva Crux de Louvain dans: Giovanna Sapori, Bruno Toscano (dir.), La Deposizione lignea in Europa. L’immagine, il culto, la forma, Pérouse 2004 (Catalogo regionale dei beni culturali dell’Umbria. Studi e perspective), p. 423–448.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Philippe George, Rezension von/compte rendu de: Shirin Fozi, Gerhard Lutz, Christ on the Cross. The Boston Crucifix and the Rise of Monumental Wood Sculpture, 970–1200, Turnhout (Brepols) 2019, 495 p., 295 b/w, 32 col. ill. (Studies in the Visual Cultures of the Middle Ages, 16), ISBN 978-2-503-57967-2, EUR 150,00., in: Francia-Recensio 2020/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2020.3.75552