La guerre de Succession de Bretagne (1341–1364) est l’un des épisodes principaux de la guerre de Cent Ans, puisque France et Angleterre sont très vite intervenus dans cette affaire qui n’aurait pu rester que bretonne, plutôt brito-française. Le 30 avril 1341, mourait le duc Jean III le Bon. De ses trois mariages successifs (avec Isabelle de Valois, Isabelle de Castille-León, Jeanne de Savoie), il n’avait pas eu d’enfant. Il avait un frère, de son père Arthur et de sa mère Marie de Limoges, Guy, décédé en 1331, et cinq demi-frères et demi-sœurs du remariage de son père avec Yolande de Dreux, comtesse de Montfort(-l’Amaury), dont le premier était Jean qui avait hérité du comté de Montfort. Guy, de son mariage avec Jeanne d’Avaugour, eut une fille, Jeanne, comtesse de Penthièvre, qui avait épousé en 1337 Charles de Blois.

Ce rappel généalogique était indispensable pour situer les deux prétendants au duché de Bretagne en 1341: le demi-frère Jean de Montfort, le neveu par alliance Charles de Blois. Or, depuis 1213, le duc de Bretagne rendait l’hommage-lige au roi de France: c’était donc à lui de désigner le successeur de Jean III.

Erika Graham-Goering, Michael Jones et Bertrand Yeurc’h, avec la collaboration de Philippe Charon, ont décidé de publier toutes les pièces conservées (en original ou en copie) de l’action devant le roi Philippe VI en 1341: les arguments présentés par Jean de Montfort et Charles de Blois (août, I–II, en français; III: résumé en latin des arguments de Jean de Montfort; IV: détail, en latin, des arguments de Jean de Montfort) – il est remarquable que quatre personnes aient témoigné pour l’un et l’autre prétendant (p. 219, n. 39) –, lettre du roi faisant mention de la protestation de Jeanne dame de Cassel, sœur germaine de Jean de Montfort (V), extrait des dépositions des témoins produits par Charles de Blois (VI, en français), de ceux produits par Jean de Montfort (VII: dépositions collectives; VIII: dépositions individuelles, id.), arrêt de Conflans du 7 septembre 1341, par lequel le roi Philippe VI recevait Charles de Blois dans sa foi et hommage pour le duché de Bretagne (IX, en latin).

Ainsi qu’on le sait, cet arrêt ne résolut rien et l’on s’achemina vers la guerre. Sont alors publiées neuf pièces, rédigées entre octobre 1341 et mars 1342 montrant cette évolution: lettre de Philippe VI à son fils Jean duc de Normandie, lui conseillant d’assiéger Vannes (20 octobre), projet, par les évêques de Laon et de Clermont, de propositions pour régler les revendications de Jean de Montfort, don de Jean de Montfort à Jean de Nesles, seigneur d’Offémont, pour être entré dans ses foi et hommage (3 novembre), sauvegarde de Jeanne de Flandre, femme de Jeanne de Montfort, aux habitants de Saint-Malo (24 février), proposition d’Henri de Malestroit, au nom de Philippe VI, que Jeanne de France remît les terres qu’elle occupait dans le duché (24 février), acceptation de cette proposition (24 février), lettre de Tanguy du Chastel à Philippe VI requérant sa sauvegarde contre Charles de Blois, trêve accordée par Jeanne de Flandre à condition que Charles de Blois en fît de même (1er mars), accord entre le roi Édouard III d’Angleterre et Amaury de Clisson pour l’envoi de troupes anglaises en soutien à Jeanne de Flandre (21 février).

L’édition des textes est impeccable et exemplaire, avec tout l’apparat critique nécessaire. Peut-être aurait-il fallu çà et là aider le lecteur ou la lectrice: par exemple, préciser le sens du mot »tourbe« (p. 163 et suiv.), même s’il se devine d’après le contexte, ou ajouter dans l’index, pour le non Breton, une entrée »Roux, comte, v. Jean Ier le Roux«. Cette édition est précédée d’une copieuse introduction (p. 11–67) dans laquelle les éditeurs donnent le contexte, présentent les documents, examinent le déroulement de la procédure, les témoins, les témoignages, son historiographie et ses échos dans le »Somnium Viridarii/Songe du Vergier«quelque 35 ans plus tard, et dans l’historiographie contemporaine: les réactions durant l’été 1341, la chronologie, les acteurs, la causalité, le reflet du procès dans les chroniques, enfin le chemin vers la guerre.

À la suite de l’édition des documents, sont offertes des »Notices généalogiques bretonnes« très utiles (p. 257–293), où sont identifiés les témoins, lorsque cela était possible. Suivent un index des noms de lieu et de personne, un index des matières et une riche bibliographie.

Ce bel ouvrage (28 x 22 cm), dont on doit remercier les éditeurs scientifiques et commerciaux, se présente comme un instrument indispensable à l’histoire de la Bretagne, et plus largement de la guerre de Cent Ans.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jacques Paviot, Rezension von/compte rendu de: Erika Graham-Goering, Michael Jones, Bertrand Yeurc’h (éd.), avec la collaboration de Philippe Charon, Aux origines de la guerre de succession de Bretagne. Documents (1341–1342). Préface d’Yves Coativy, Rennes (Presses universitaires de Rennes) 2019, 344 p., XVI p. de pl., 16 fig., 2 cartes, 4 genéal. en coul. (Sources médiévales de l’histoire de Bretagne, 9), ISBN 978-2-7535-7789-3, EUR 39,00., in: Francia-Recensio 2020/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2020.4.77198