Il y a presque 25 ans, Pierre Cockshaw et Christiane Van den Bergen-Pantens dirigeaient le livre-catalogue »L’ordre de la Toison d’or de Philippe le Bon à Philippe le Beau (1430–1505): idéal ou reflet d’une société?« (Turnhout, Bruxelles 1996). Pour la rencontre annuelle du Centre européen d’études bourguignonnes de 2018, les organisateurs ont choisi comme thème la Toison d’or, en l’élargissant aux ordres de chevalerie et aux confréries nobles, les ordres de chevalerie européens ayant reçu leurs lettres de noblesse universitaire avec la somme de D’Arcy Jonathan Dacre Boulton, »The Knights of the Crown. The Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe 1325–1520«, publié en 1987 (2e éd. en 2000).

La rencontre se tenait à Vienne, où est déposé le trésor de l’ordre de la Toison d’or, et le but étant les études bourguignonnes, il est normal que cet ordre ait occupé une grande part des travaux, douze contributions sur dix-huit. La source principale est constituée par les Protokollbücher, qui sont présentés par Sonja Dünnebeil (p. 11–27), et la vie de l’ordre était organisée par le roi d’armes Toison d’or et le héraut Fusil (dont les noms rappellent les emblèmes de l’ordre), au rôle desquels s’intéresse Henri Simonneau (p. 29–40).

Les fêtes de l’ordre étaient rythmées par les célébrations religieuses et par un banquet. La dévotion du souverain pouvait marquer les premières, ainsi que le montre Junko Ninagawa pour les »saints Habsbourg« et leur cœur sacré (p. 251–270), tandis que pour le second ont été conservées de magnifiques pièces de ligne de table tissées pour Charles Quint, et présentées par Mario Döberl (p. 271–284)1. Entre 1516 et 1567, les chevaliers membres de l’ordre ont joui d’un privilège de juridiction, ce qui est étudié par Emmanuel Falzone (p. 117–132). Quelques portraits de ceux-ci sont esquissés: Guy de Roye (élu à un âge avancé en 1461, mort en 1463), un des premiers membres, par Bertrand Schnerb (p. 41–64), Jacques de Bourbon (élu le 14 mai 1468 et mort le 22 mai suivant) par Alain Marchandisse (p. 65–91), Jacques II de Luxembourg, seigneur de Fiennes (élu en 1491 et mort en 1517), par Céline Berry (p. 93–115).

L’ordre a tôt acquis une renommée. En témoignent les actes ornés ou enluminés émis par la chancellerie du concile de Bâle ou le pape Eugène IV pour annoncer l’union avec l’Église copte ou pour confirmer la paix d’Arras, qu’étudie Martin Roland, en identifiant deux scribes/artistes, Barthélemy Poignare et Giovanni Battista Palavicino, en concluant sur les plaques de fondation d’Isabelle de Portugal (p. 171–232). L’historiographie, médiévale ou contemporaine, était un instrument de propagande en faveur de l’ordre. Hanno Wijsman se penche sur les manuscrits »bourguignons« de l’»Histoire de la Toison d’or du chancelier Guillaume Fillastre« (p. 233–250), tandis qu’Anh Thy Nguyen relit l’historiographie bourguignonne du XVe siècle pour y débusquer une mythisation de l’ordre (p. 151–169) et que Gilles Docquier relit l’historiographie belge de la première moitié du XXe siècle dans l’optique d’une gloire nationale ou d’un héritage revendiqué (p. 133–149).

En dehors de l’ordre de la Toison d’or, le volume donne six études sur des ordres ou associations chevaleresques. Philippe Trélat s’intéresse à l’ordre de l’Épée à Chypre, fondé par le roi Pierre Ier (r. 1358–1369), qu’il relie à la croisade (p. 317–335; pour la n. 41, p. 328, concernant les statuts de l’ordre, il faut renvoyer à l’article de Marie-Adélaïde Nielen, »Un fragment de la Règle de l’ordre de l’Épée?«2). Marie Blaise-Groult compare trois »ordres« français du XIVe siècle, l’Écu d’or bourbonnais, la Pomme d’or auvergnate et l’Écu vert à la dame blanche du maréchal Boucicaut (p. 337–352). Arie van Steensel fait revivre les associations chevaleresques en Hollande et Zélande vers 1400, l’ordre hennuyer de Saint-Antoine, le Jardin hollandais, décerné par Guillaume d’Ostrevant, plus tard Guillaume IV de Hainaut, Hollande et Zélande, puis par sa fille Jacqueline de Bavière (p. 353–370).

De son côté, Günther Buchinger et Christina Wais-Wolf partent à la recherche des représentations d’ordres dans les vitraux d’églises autrichiennes, notamment celui de la Tresse et le collier au saphir de Maximilien d’Autriche (p. 291–315). Pour la Lorraine en 1468, Jean-Christophe Blanchard présente l’éphémère compagnie au Lion formée par des nobles lorrains – tous identifiés – contre Thiébaut IX de Neuchâtel (p. 371–389). Enfin, Pierre Couhault montre comment François Ier puis Henri II ont redonné vie à l’ordre de Saint-Michel, fondé par Louis XI en 1469 (p. 391–410)3.

Ce riche volume, bien illustré, est une addition importante à la recherche sur les ordres et compagnies chevaleresques à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne.

2 Article paru dans: Michel Balard, Benjamin Z. Kedar Jonathan Riley-Smith (dir.), Dei gesta per Francos. Études sur les croisades dédiées à Jean Richard. Crusade Studies in Honour of Jean Richard, Aldershot 2001, p. 145–155.
3 Pour compléter la bibliographie de l’auteur sur les débuts de l’ordre (cf. sa n. 13, p. 393), je me permets de mentionner mon étude Les ordres de chevalerie royaux français à la fin du Moyen Âge, dans: Revue française d’héraldique et de sigillographie 76 (2006), p. 155–164.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jacques Paviot, Rezension von/compte rendu de: Alain Marchandisse, Gilles Docquier (dir.), Autour de la Toison d’or. Ordres de chevalerie et confréries nobles au XIVe–XVIe siècles. Rencontres de Vienne, 24–27 septembre 2019. Actes, Turnhout (Brepols) 2020, XXIV–411 p. (Publications du Centre européen d’études bourguignonnes [XIVe–XVIe s.], 59 [2019]), ISBN 978-2-8399-2746-8, EUR 69,00., in: Francia-Recensio 2020/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2020.4.77206