Évêché célèbre depuis l’époque carolingienne, Metz est au début du XIVe siècle un territoire dynamique en termes d’économie et d’échanges stylistiques, jouissant d’une réelle autonomie politique et financière aux marges du Saint Empire, et de nombreuses alliances avec les grandes cours d’Europe.

Renaud de Bar, chanoine de Verdun puis évêque de Metz (1302‑1316), apparaît comme un mécène ecclésiastique majeur de son époque. Les manuscrits liturgiques abondamment décorés qu’il commanda alors pour son église se signalent par une haute qualité artistique au service d’une forte ambition mémorielle. De fait, ces ouvrages ont été conçus pour exalter de manière exceptionnelle la dignité héréditaire aux ramifications multiples du lignage de l’évêque, tout comme la personnalité hors norme de leur commanditaire: un Bréviaire en deux parties (VBI – Verdun Breviary winter volume, British Library Yates Thompson ms. 8 et VBII – Verdun Breviary summer volume, bibl. mun. de Verdun ms. 107); un Missel révisé à l’usage de Metz (M – bibl. mun. de Verdun ms. 98); un Rituel malheureusement détruit en 1944 (R – bibl. mun. de Metz ms. 43) et un Pontifical en deux volumes (PI – Cambridge, Fitzwilliam Museum MS. 298 et PII – Prague, bibl. de l’univ. ms. XXIII c. 120) constituent le cœur de cette étude de 728 pages, construite en quatre parties de longueur croissante et suivie d’abondantes annexes.

Après un essai de reconstitution de la vie de Renaud de Bar établie au plus près des informations livrées par les manuscrits eux‑mêmes (p. 23‑44) – en particulier l’influence à priori déterminante qu’eut sa mère sur leur commande, importance révélée par l’héraldique – l’auteur s’attache à un examen minutieux de la fabrication matérielle de chacun des codices (p. 45‑106). Le troisième chapitre traite des six artistes à l’œuvre dans les six volumes et de leur contribution respective (p. 107‑187). Le quatrième et dernier chapitre, consacré à l’héraldique (p. 189‑210), s’enrichit d’un appendice voué à l’impressionnante quantité et variété de blasons qui ponctuent les feuillets du Bréviaire (p. 211‑342). Un second appendice augmenté de tableaux comparatifs revient sur les trois calendriers présents en tête du Bréviaire d’été, du Bréviaire d’hiver et du Missel (p. 343‑369).

Le recensement volume par volume des grotesques en marge (plus d’un millier au total), regroupés selon les mains des intervenants et accompagnés chacun d’un croquis au trait soulignant les linéaments signifiants des figures, ainsi que d’une description iconographique générique des motifs – une entreprise ardue dont l’auteur souligne les difficultés méthodologiques (p. 371‑384) – fait du troisième appendice un précieux répertoire de formes, conçu comme un outil mnémotechnique de comparaison et d’étude au‑delà des seuls manuscrits de Renaud de Bar. Cet appendice, qui constitue d’ailleurs un véritable livre dans le livre (p. 371‑694), a servi de base à l’établissement d’un »Index to marginal subjects« (p. 673‑694), présenté avant la bibliographie (p. 695‑712) et un cahier de planches en couleurs (p. 713‑728) en fin d’ouvrage.

Après l’étude monumentale consacrée par Alison Stones aux manuscrits gothiques français des années 1260‑1320 – dont la deuxième partie, section IV, traitait, entre autres, de la production du comté de Bar1, étude à laquelle le présent volume rend hommage – Kay Davenport nous livre une contribution complémentaire qui ne fait pas double usage. La grande clarté du propos, la qualité de l’apparat graphique, les nombreuses tables généalogiques, les mille détails enfin que mettent en lumière la reproduction simplifiée et scrupuleuse à la fois des blasons, marginalia et jusqu’aux plus infimes éléments du décor secondaire nous convainquent une fois encore, s’il en était besoin, de la haute valeur symbolique attachée au livre par les puissants du Moyen Âge et de la manière dont ils surent en user dans leur stratégie de pouvoir.

1 Alison Stones, Gothic Manuscripts, 1260–1320, Part Two, 2 vol., Londres, Turnhout, 2014 (A Survey of Manuscripts Illuminated in France, 3,2).

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Marianne Besseyre, Rezension von/compte rendu de: Kay Davenport, The Bar Books. Manuscripts Illuminated for Renaud de Bar, Bishop of Metz (1303–1316), Turnhout (Brepols) 2017, 728 p., 242 b/w fig., 45 pl. (Manuscripta Illuminata, 2), ISBN 978-2-503-57467-7, EUR 100,00., in: Francia-Recensio 2021/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.1.79499