La publication de sources conserve aujourd’hui encore une importance centrale et on ne peut que se réjouir de la parution de ce livre, d’autant que David Potter est un des grands spécialistes des guerres de Religion françaises et de la diplomatie des derniers Valois (entre autres champs d’études). Cet ouvrage vient en outre prendre la suite d’un autre, qui avait rendu accessible la correspondance du prédécesseur de Paul de Foix, Michel de Seurre, ambassadeur français en Angleterre de 1560 à 15621.
Sachant que les correspondances de Gilles de Noailles, abbé de L’Isle (en poste de 1559 à 1560) et de Michel de Castelnau, sr de la Mauvissière (en poste de 1575 à 1585) ont été publiées au XVIIIe siècle2 et que celle de Bertrand de Salignac, sr de La Mothe-Fénelon (en poste de 1568 à 1585) l’a été au XIXe siècle3, il ne reste plus que les ambassades ordinaires de Jacques Bochetel, sr de La Forest (en poste de 1566 à 1568) et de Guillaume de L’Aubespine, baron de Châteauneuf (en poste de 1585 à 1590) qui ne sont accessibles aux chercheuses et chercheurs qu’en manuscrit (par exemple BN Ms Fr 15971 pour la correspondance active de Jacques Bochetel avec la cour ou BN Ms Fr 3305, 3377, 6613 pour la correspondance active de Guillaume de L’Aubespine avec la Cour). Ce livre fait donc œuvre très utile en permettant un accès aisé à la correspondance d’un des sept ambassadeurs ordinaires envoyés par les trois derniers Valois auprès d’Élizabeth Ière d’Angleterre. Et on ne peut évidemment qu’espérer que David Potter continuera son travail de publication avec les lettres de Jacques Bochetel.
L’introduction qui précède la correspondance elle-même permet à la fois de resituer le parcours de l’ambassadeur, mais aussi sa mission. Ce personnage joue en effet un rôle important tout au long de la période, dans l’entourage de Catherine de Médicis et comme ambassadeur de Charles IX et de Henri III. Quelques mois après son retour d’Angleterre, il est en effet nommé à Rome, mais le pape refuse de le recevoir car il est suspecté d’hérésie depuis la mercuriale de 1559, sujet sur lequel l’introduction fait une mise au point des plus claires (p. 5–9).
Déjà parti pour l’Italie, il se déroute vers Venise, où il réside de 1567 à 1570, prenant la relève d’Arnaud Du Ferrier (1564–1567), qui revient comme ambassadeur après lui (1570–1582). Après avoir de nouveau tenté de le nommer à Rome en 1573, Catherine de Médicis réussit finalement à obtenir sa réception par le pape au début des années 1580 et il y réside de 1581 à sa mort le 12 mai 1584. Si on ajoute une mission extraordinaire en Écosse (1561, p. 10–11), deux en Angleterre (1571 et 1572) et trois en Italie (1573 en Savoie, à La Mirandole, à Florence et à Rome, 1575 à Gênes et 1579 à Rome), cette intense activité fait de Paul de Foix un des ambassadeurs les plus importants de la période, qui ne connaît pas encore de diplomates professionnels mais déjà des spécialistes de la négociation, employés aussi bien à l’extérieur des frontières qu’à l’intérieur du royaume (comme le précise David Potter, p. 33, Paul de Foix passe une partie de l’année 1577 dans le Sud de la France).
C’est bien le lien personnel avec la reine mère, comme souvent à cette période, qui a permis à Paul de Foix d’accéder à ces missions. Proche de Michel de L’Hospital – il refuse ainsi les sceaux qui lui sont proposés après que Jean de Morvillier les a rendus en 1571 probablement parce qu’il pense que l’ancien chancelier va revenir aux affaires –, il fait partie, au Conseil, des défenseurs de la politique de tolérance menée par Catherine de Médicis.
Sa mission en Angleterre se déroule dans un contexte difficile. En effet, peu après son arrivée à Londres, Élizabeth Ière signe avec le prince de Condé le traité de Hampton Court puis envoie un contingent en Normandie prendre Dieppe et Le Havre, officiellement pour les conserver à Charles IX, en réalité parce qu’elle espère les échanger contre Calais. La paix d’Amboise obtenue par Catherine de Médicis aboutit à la guerre ouverte entre les deux royaumes et à la victoire française couronnée par le traité conclu au début du grand tour de France à Troyes en 1564 (p. 23–26). Mais cet épisode marque aussi le début d’une lente évolution dans les rapports franco-anglais, d’une hostilité initiale à la suite du traité du Cateau-Cambrésis jusqu’à l’alliance conclue en 1572 sous la houlette, entre autres, de Paul de Foix, comme ambassadeur extraordinaire cette fois.
La période qui va de 1562 à 1566 est aussi cruciale car elle voit émerger les premiers projets d’alliance matrimoniale entre les deux Couronnes. Il s’agit alors de marier Charles IX à Élizabeth (p. 27–30). Plus tard, au tournant de 1571–1572, on pensera à Henri d’Anjou. Celui-ci monté sur le trône, ce sera au tour de François, duc d’Alençon puis d’Anjou. La chose ne se fera jamais, mais ces projets sont aussi l’expression du retournement d’alliance opéré par la France et l’Angleterre qui se séparent peu à peu de l’Espagne pour se rapprocher contre elle.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Matthieu Gellard, Rezension von/compte rendu de: David Potter, The Letters of Paul de Foix, French Ambassador at the Court of Elisabeth I, 1562–1566, London (Cambridge University Press) 2019, XII–404 p. (Camden Fifth Series, 58), ISBN 978-1-108-49549-3, GBP 45,00. , in: Francia-Recensio 2021/1, Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.1.79694