Responsable de l’édition critique des actes des souverains du Saint-Empire, l’Académie des sciences de Berlin-Brandebourg ne chôme pas. Après avoir publié en 2016–2017 les deux volumes constituant le tome 13 des »Constitutiones« portant sur les années 1360 et 1361, les quatre éditeurs expérimentés publient en 2020 la première partie du tome 14 consacrée aux années 1362 à 1364 (450 actes). Est annoncée pour l’automne 2021 la deuxième partie qui contiendra les actes de 1365 et les registres d’usage relatifs aux deux volumes du tome. Les années concernées voient un empereur Charles IV au faîte de sa gloire, impliqué dans très peu de conflits et réussissant à conclure au moins temporairement ceux avec les Habsbourg et les Wittelsbach.
On notera sans surprise la concomitance de chartes importantes se rapportant à la haute politique et de lettres concernant des faits divers. Parmi les premiers, j’énumérerai l’octroi du comté de Bourgogne, la Franche-Comté, comme fief impérial à Philippe de Tours, fils du roi de France Jean II (no 13); la fondation de l’autel de saint Wenceslas à l’église Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle (no 141); l’élévation des châtelains de Nuremberg au rang de princes d’Empire (no 206); la convention fraternelle entre les Wittelsbach, marquis de Brandebourg et de la Lusace, et Wenceslas, le fils de Charles né en 1361, à propos de la succession dans le marquisat ainsi que la promesse de mariage d’Élisabeth, fille de Charles, avec Othon de Brandebourg (no 210–213, 333–336, 339, 341); la confirmation des privilèges des évêques de Volterra (no 241–243); la réconciliation entre Charles IV et les Luxembourg avec les Habsbourg et le roi Louis de Hongrie aboutissant à un traité de succession entre les deux maisons (no 305–307 contre les no 8 et 97) et bien d’autres encore. On rencontre aussi Charles IV dans sa fonction de juge suprême arbitrant les querelles entre sujets, comme lors du conflit opposant l’Ordre teutonique et la ville de Mühlhausen en Thuringe (no 42, 43, 45) ou entre la ville et l’archevêque de Trèves (no 435–436, 445–448), jugement en faveur de l’archevêque et communiqué à l’empire entier (no 447 a–v).
Dans la deuxième catégorie, on rangera la permission accordée à Ulric III de Hanau d’ériger un château-fort et de fortifier le village de Petterweil (les localités ne sont malheureusement pas identifiées davantage par les éditeurs) (no 38) ou ses interventions à propos de la nomination d’un échevin de Francfort (no 237–239, 381), ou encore l’organisation scolaire à Bautzen (n° 358). Parmi les villes privilégiées dont l’empereur défend les droits, il n’y a pas que Zurich (n° 53, 86–96), Aix-la-Chapelle (no 138) ou Besançon (no 317–318), mais aussi Siglingen et Kredenbach ou Bietigheim (no 189-190, 397). Les lettres les plus nombreuses éditées dans le volume sous rubrique concernent le paiement de taxes ou d’impôts que Charles IV demande de verser à tel ou tel de ses créanciers. L’histoire économique retiendra des documents dont ressort son intention de procéder à une réforme monétaire (no 319, 425) ou son accord pour la création de marchés (no 38, 189, 382, 397).
Il serait intéressant d’étudier l’emploi des langues dans les chartes carolingiennes. L’allemand domine, mais certaines sont encore rédigées en latin, sans qu’on puisse dire qu’il s’agit toujours de pièces solennelles ou adressées à des destinataires ecclésiastiques ou étrangers. Certaines chartes ont aussi été rédigées parallèlement dans les deux langues (no 128–129, 206, 207, 305 e. a.); alors le texte est présenté en général sur deux colonnes.
Dans leur introduction, les éditeurs rappellent les critères des »Constitutiones«: seuls des actes concernant l’Empire sont retenus; pour les terres en Bohême, au Luxembourg, en Silésie etc., dont Charles IV était le souverain dynastique, le chercheur reste tributaire des éditions »nationales« afférentes. Manquent par conséquent les chartes autour du couronnement de Wenceslas comme roi de Bohême en 1363, alors que le traité entre les Habsbourg et les rois de Hongrie et de Pologne est édité (no 97), parce qu’il risque d’avoir des répercussions sur l’Empire. Il faut aussi savoir que si pour certains actes n’est publié qu’un regeste (résumé analytique), c’est qu’une édition in extenso est disponible ailleurs, mais il existe bien des exceptions dans les deux sens (p. ex. no 108, 149, 151, 192–193, 403). Le principe est d’ailleurs contestable. L’avantage d’une collection aussi majestueuse que les MGH ne réside-t-il pas dans l’édition exhaustive de tous les documents disponibles, sans qu’on doive recourir à d’autres recueils? Il me paraît mieux justifié que les éditeurs renoncent à lister toutes les copies connues d’un acte donné pour se limiter à celle(s) qui ont servi à reconstituer l’original éventuellement abimé. Les historiens de l’écriture regretteront que l’emploi de »i« et »j«, »u« et »v« selon la distinction actuelle entre emploi vocalique et consonantique soit standardisé, tout comme l’utilisation de majuscules ou de minuscules selon l’usage actuel.
Qu’une question critique soit permise pour terminer: l’utilisateur ne comprend en effet pas très bien la répartition chronologique entre les deux volumes du tome 14 des »Constitutiones« des MGH (et c’était déjà le cas pour le tome 13). Pourquoi ne pas consacrer un volume aux années 1362 et 1363 et un deuxième aux années 1364 et 1365, les deux chaque fois accompagnés de registres et autres outils de travail?
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Michel Pauly, Rezension von/compte rendu de: Ulrike Hohensee, Mathias Lawo, Michael Lindner, Olaf B. Rader (Bearb.), Dokumente zur Geschichte des Deutschen Reiches und seiner Verfassung. 1362–1365, Teil 1: 1362–1364, Wiesbaden (Harrassowitz Verlag) 2020–LIV, 479 S. (Monumenta Germaniae Historica. Constitutiones et acta publica imperatorum et regum, 14,1), ISBN 978-3-447-11245-1, EUR 140,00., in: Francia-Recensio 2021/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.2.81703