Pendant de longues années, les archives du Service international de recherches (SIR) – connu en Allemagne sous la désignation d‘International Tracing Service (ITS) – à Bad Arolsen furent inaccessibles à la recherche historique. À partir de 2007, ces archives comprenant 50 millions de fiches sur plus de 17,5 millions de personnes furent progressivement ouvertes aux chercheurs. Ainsi, il est aujourd’hui possible de consulter une copie numérique du fonds d’archives aux Archives nationales1. De plus, les Arolsen Archives, nouvelle dénomination du SIR depuis 2019, enrichissent continuellement les fonds qui sont consultables directement en ligne2. La publication présentée ici retrace l’histoire de cet établissement en étudiant ses liens avec d’autres institutions, ses activités et les personnes qui ont marqué son histoire.

Issu d’un colloque organisé les 8 et 9 octobre 2018 aux Arolsen Archives, cet ouvrage rassemble seize contributions en anglais. La publication s’ouvre sur un article introductif de Dan Stone qui discute les avantages et inconvénients de ces archives pour l’écriture de l’histoire. Suivent ensuite deux grandes parties consacrées d’une part aux activités précoces de recherche ainsi qu’aux informations fournies aux descendants et d’autre part aux collections et activités d’archives relatives aux victimes du nazisme.

La première partie s’ouvre sur un article de Christian Höschler et d’Isabelle Panek, traitant des recherches de victimes des persécutions nazies à partir de 1944 jusqu’au début des années 1950. Après l’International Information Office (IIO), créé en octobre 1945 à Dachau, il présente le Bureau central de recherches (Central Tracing Bureau), prédécesseur du Service International de Recherches installé à Arolsen depuis janvier 1946, avant d’étudier le travail de cette dernière institution, fondée en 1948. Cette coexistence de différentes organisations au cours de l’immédiat après-guerre est également illustrée par l’article de Linda G. Levi qui étudie le travail de recherche de l’American Jewish Joint Distribution Committee (JDC) et sa coopération avec le SIR.

Les trois articles suivants s’intéressent aux efforts de recherche en Grande-Bretagne (Christine Schmidt), en Pologne et en Tchécoslovaquie (Maren Hachmeister) ainsi qu’en Autriche (René Bienert). Tandis que les deux premières contributions étudient les investigations de la Croix-Rouge de ces trois pays dans la recherche de »personnes déplacées«, le troisième article est consacré à la traque des criminels de guerre par Simon Wiesenthal et l’aide que lui apportèrent d’autres survivants des camps de concentration.

La contribution suivante se concentre de nouveau sur les archives d’Arolsen. Silke von der Emde les qualifie d’»archives des émotions« lorsqu’elle étudie le travail crucial des personnes déplacées au sein du SIR. Celles-ci disposaient des compétences linguistiques nécessaires pour mener ces enquêtes, connaissaient le vécu des persécutés et déportés relaté dans ces documents d’archives en raison de leurs propres expériences concentrationnaires et aspiraient de ce fait à rendre ces archives utiles pour les victimes et leurs proches.

La première partie du livre se clôt sur trois contributions qui se penchent sur l’évolution du travail d’enquête, notamment pour renseigner les familles des victimes. Zvi Bernhardt étudie ainsi le travail de Yad Vashem dans ce domaine, Diane Afoumado celui de l’United States Holocaust Memorial Museum tout en montrant l’apport des travaux de recherche du SIR. Enfin, l’article de Ramona Bräu, Kerstin Hofmann et Anna Meier-Osiński présente les nouvelles tâches et défis du SIR depuis sa réouverture au grand public en 2007.

Contrairement à la première partie, consacrée à la restitution des destins individuels des victimes, la deuxième se concentre sur les phénomènes collectifs liés à la recherche historique, le domaine juridique et la politique mémorielle.

Les deux premiers articles s’intéressent de nouveau au Service International de Recherches. Henning Borggräfe et Isabelle Panek étudient ainsi les particularités de ce qu’ils appellent des »collections archives«, tandis que Rebecca Boehling se penche sur le rôle des acteurs internationaux dans l’évolution du SIR d’un service de recherche vers un centre de documentation, de recherche et de mémoire des crimes nazis.

Après une contribution de Kerstin Hoffmann sur la coopération fructueuse entre le Service central d’enquêtes sur les crimes nationaux-socialistes3 à Ludwigsbourg et le SIR au cours des années 1960 et 1970, deux contributions étudient les activités d’institutions publiques en matière de politique mémorielle. D’abord, Tobias Herrmann analyse celles des Archives fédérales d’Allemagne, puis Carola Lau s’intéresse à l’impact des instituts de la mémoire nationale en Pologne, en République tchèque et en Slovaquie dans le domaine de la mémoire des crimes nazis.

Le dernier article de cet ouvrage présente de nouvelles formes de transmission de la mémoire des victimes du nazisme à l’ère de la numérisation et du big data. Puck Huitsing et Edwin Klijn décrivent l’approche du Netwerk Oorlogsbronnen, un réseau d’institutions mémorielles et d’archives aux Pays-Bas visant à créer des liens et des connexions entre leurs fonds d’archives. Ce projet permet aux personnes intéressées d’effectuer des recherches inter-collections à travers quatre axes: une personne, un événement, un lieu ou une date. Cette approche prometteuse ouvre de nombreuses pistes pour la recherche et la transmission de la mémoire des crimes nazis à l’ère numérique, par exemple des approches pour automatiser la transformation de documents en données et de ces données en informations.

Cette publication livre de précieuses informations sur l’histoire du SIR, ses activités de recherche et de documentation ainsi que sa transformation depuis la réouverture en 2007. Les contributions sur ses coopérations internationales sont également très riches, mais on peut regretter l’absence d’articles sur les activités de recherche en France ou les liens du SIR avec des institutions et des associations françaises. Un exemple en est l’engagement déployé depuis les années 1990 par Maurice Voutey, survivant de Dachau et président-délégué de la FNDIRP (Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes), en faveur de la réouverture des archives du SIR. Soulignons, enfin, la disponibilité de ce recueil en libre accès4, conformément à la nouvelle politique d’ouverture des Arolsen Archives.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Henning Fauser, Rezension von/compte rendu de: Henning Borggräfe, Christian Höschler, Isabel Panek (ed.), Tracing and Documenting Nazi Victims. Past and Present, Berlin (De Gruyter Oldenbourg) 2020, VIII–342 p., 13 fig. (Arolsen Research Series, 1), ISBN 978-3-11-066160-6, EUR 24,95., in: Francia-Recensio 2021/2, 19.–21. Jahrhundert – Histoire contemporaine, DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.2.81981