L’ouvrage »I media nei processi elettorali. Modelli ed esperienze tra età moderna e contemporanea«, dirigé par Maurizio Cau et Christoph Cornelißen, affronte brillamment le thème des relations entre la politique, en particulier les élections, et les médias en Europe. Pour cela, il se concentre sur le concept de »médiatisation«, défini comme le rapport d’interdépendance qui s’est progressivement créé entre la politique, la société et les médias. Ce concept permet non seulement de décrire les effets que les différents moyens de communication ont sur la vie publique mais également les processus d’adaptation mobilisés par la société face à ces médias de masse.

À travers des cas d’études variés allant de la république de Venise au XVIe siècle, à l’Allemagne fédérale, en passant par la Grande Bretagne au XIXe siècle et la France au XXe siècle, la particularité de cet ouvrage est qu’il couvre ces thématiques de la période moderne à la période contemporaine montrant que les médias sont, depuis le XVIe siècle, des moyens efficaces pour la politisation de la société et qu’il est possible d’observer des similitudes entre chaque période quant au rôle que les médias ont eu et continuent d’avoir sur les processus électoraux. En effet, la tendance à la médiatisation du processus électoral ne concerne pas seulement la période contemporaine où les médias de masse assument un rôle important dans l’évolution même de l’action politique; dans la période moderne, les textes et images représentaient déjà des instruments déterminants dans la transmission de contenus politiques influents lors du vote.

L’ouvrage comprend quatre parties articulées de manière chronologique, sauf la première partie. En effet, celle-ci se concentre sur les concepts, les théories et la méthodologie mobilisés pour étudier ces thématiques. Maurizio Cau, Christoph Cornelißen et Simone Derix, dans les deux premiers chapitres, reviennent sur les évolutions historiographiques de l’utilisation du concept-clé: la médiatisation ainsi que les différentes phases de développement des relations entre médias et politique. Les auteurs soulignent que les assemblées politiques de la période moderne et les parlements composés de partis politiques de la période contemporaine peuvent être, au même niveau, considérés comme des espaces politiques et des formes de communication symboliques où les médias ont eu un rôle de premier plan.

Ils soulignent qu’après la Révolution française, la compétition entre les candidats devient un signe distinctif des élections politiques et que le XIXe siècle, avec le développement des médias de masse, est une période d’»incubation« (p. 33) d’une intense médiatisation de la politique. Au XIXe siècle, les membres des parlements ne s’occupaient pas seulement de leurs élections mais, à travers la communication publique, attendaient aussi constamment l'approbation du peuple et des électeurs et électrices. Cette situation a concouru à la croissance de la présence médiatique, qui a mobilisé toujours plus de personnes suivant les événements politiques, faisant d’elles une partie active du processus discursif. Simone Derix souligne le rôle des médias agissant autant comme »observateurs« que comme »modeleurs«. Les médias transmettent des informations relatant les événements politiques, ils les observent, mais le fait de sélectionner les informations, de les interpréter, les rend actifs, modeleurs du domaine politique et ils sont par conséquent impliqués dans la détermination de l’action politique et la définition des limites de la participation politique (p. 41).

La deuxième partie est consacrée à la période moderne. Fernanda Alfieri s’intéresse au processus du »decision-making«, le processus décisionnel, concept longtemps réservé aux études de psychologie, à travers l’œuvre de Juan Azor (1536‒1603), »Institutiones morales«, dont le premier chapitre est consacré à l’»electio«, entendu comme le »choix« et comme l’»élection«. Katia Occhi analyse les processus électoraux des différents organes dirigeant la ville de Merano entre le XIVe et le XVe siècle. Claudio Ferlan et Alessandro Paris, en analysant les nombreuses lettres, mots et billets échangés durant le conclave montrent comment une élection aussi secrète et fermée que celle du Pape maintient finalement de nombreux contacts avec »l’extérieur« jusqu’à en subir l’influence. Giovanni Florio revient sur l’élection de Nicolò Sagredo, 105e doge de la république de Venise, et sur la médiatisation de cette élection, l’événement marquant de ce mandat qui n’a duré que 18 mois. Matteo Largaiolli aborde la crise traversée par l’académie d’Arcadie en 1711 et la façon dont les »médias«, à savoir les lettres, poèmes, discours, suppliques, ont relayé cette crise.

La troisième partie est consacrée à la période contemporaine et commence par un chapitre où Frank Bösch aborde l’interaction entre les activités parlementaires et les médias en Grande-Bretagne et en Allemagne. L’ouvrage passe ensuite d’une échelle nationale à une échelle régionale avec le chapitre d’Elena Tonezzer qui analyse les dynamiques entre élections et média papier à travers la lecture de 24 titres de la presse régionale dans le Trentin en 1907. Le troisième chapitre de cette troisième partie a été écrit par Thomas Mergel et est tiré de son ouvrage sur les campagnes électoraux en RFA1. Il y analyse les élections en Allemagne pendant les années 1980 et l’influence du système politique américain.

Cecilia Nubola aborde la présence et le rôle de l’électorat féminin dans les campagnes électorales et leur médiatisation, ce qui permet d’analyser le lent processus d’inclusion des femmes dans le domaine politique de l’Italie républicaine. Claudia Christiane Gatzka aborde une perspective comparée où elle analyse le développement de la communication politique pendant les élections en Italie et en Allemagne fédérale entre 1944 et 1979. Enfin, Laura di Fabio aborde la question de l’influence d’un événement traumatique comme l’attentat de l’Oktoberfest survenu à Munich le 26 septembre 1980 sur les médias et sur la campagne électorale alors en cours.

La quatrième partie est consacrée à l’utilisation et l’impact qu’ont les images. En effet, comme indiqué dans l’introduction: »L’image a un indubitable pouvoir sur l’électeur et est un élément déterminant dans toutes les campagnes électorales, qui sont, depuis toujours, une expérience visuelle« (p. 24). Maurizio Cau consacre un chapitre à la communication visuelle utilisée pour »habiller« (p. 333) les programmes des partis et se concentre sur l’affiche électorale, considérée comme le médium principal des campagnes électorales italiennes après la Seconde Guerre mondiale. Cette quatrième partie aborde l’influence que la télévision possède dans les élections politiques à travers deux exemples: le chapitre écrit par Federico Ruozzi sur l’élection du Pape Jean XXIII en 1958, premier conclave à être »montré« à la télévision et suivi par des milliers de téléspectateurs, et le chapitre de Riccardo Brizzi sur l’élection présidentielle française de 1969 qui a vu l’affirmation de la »télécratie«.

En faisant le choix d’analyser la médiatisation sur la (très) longue durée, l’ouvrage réussit à donner une profondeur historique au phénomène et permet de mieux comprendre comment les élections politiques sont conditionnées par le système médiatique.

1 Thomas Mergel, Propaganda nach Hitler. Eine Kulturgeschichte des Wahlkampfs in der Bundesrepublik 1949‒1990, Göttingen 2010, p. 349‒364.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Iris Pupella-Noguès, Rezension von/compte rendu de: Maurizio Cau, Christoph Cornelißen (a cura di), I media nei processi elettorali. Modelli ed esperienze tra età moderna e contemporanea, Bologna (Società editrice il Mulino) 2020, 430 p . (Annali dell’Istituto storico italo-germanico in Trento. Quaderni, 106), ISBN 978-88-15-28718-2, EUR 34,00., in: Francia-Recensio 2021/2, 19.–21. Jahrhundert – Histoire contemporaine, DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.2.81982