Dans l’introduction à cet ouvrage, Jean-Louis Gaulin explique qu’il a pour vocation de rassembler les actes du colloque qui s’était tenu en 2012, à l’occasion du 7e centenaire du traité de Vienne, par lequel l’archevêque de Lyon avait placé sa cité sous la juridiction du roi de France. Les modalités du transfert de la souveraineté de l’empereur à celle du roi de France occupent donc logiquement la première partie de cet ouvrage, la deuxième étant consacrée à une mise en perspective historique de la ville de Lyon du Xe au XIIIe siècle, tandis que la troisième s’attache à étudier l’intégration de Lyon dans le royaume de France aux XIVe et XVe siècles.
La première partie commence par deux communications destinées à présenter les acteurs du transfert de souveraineté. Jacques Rossiaud dresse un tableau de la ville de Lyon à l’orée du XIVe siècle. Prenant à contrepied la tradition historiographique, il y soutient avec brio que la ville de Lyon ne dépassait alors pas 15 000 habitants, avant d’expliquer que si elle constituait un pôle ecclésiastique majeur, elle ne bénéficiait en revanche pas d’un grand dynamisme économique et commercial, en considérant qu’elle était entrée depuis les années 1260 dans un cycle dépressionnaire. De Lyon, la focale passe à la France, avec une contribution d’Elizabeth A.R. Brown, qui reprend l’article classique que Robert Fawtier avait rédigée en 1959 sur les frontières du roi de France, pour soutenir que Philippe le Bel et ses légistes disposaient d’une connaissance et d’une appréciation de la frontière bien supérieure à ce que Robert Fawtier avait pu considérer.
L’étude du processus de l’annexion française de Lyon s’ouvre par une contribution de Sébastien Nadiras, qui s’attache à l’expliquer par la politique religieuse de Philippe le Bel. Il estime que ce fut la volonté du roi d’affirmer son autorité sur l’Église de France qui l’aurait d’abord et avant tout amené à vouloir mettre la main sur un siège à l’importance symbolique majeure, puisque l’archevêque de Lyon était aussi le primat des Gaules. Dans une contribution très nourrie, Xavier Hélary étudie l’ost que le roi envoya à Lyon en 1310, en montrant comment cette action militaire, si limitée fût-elle, avait pu se combiner avec le travail diplomatique des légistes de Philipe le Bel. Élisabeth Lalou se penche, malgré la faiblesse du dossier de sources, sur l’assemblée générale que le roi tint à Lyon en 1312, pour laquelle il ne convia que les seules villes chef-lieu de diocèse. Enfin dans une grosse contribution, Armand Jamme compare le couronnement lyonnais en 1305 du pape Clément V, largement dominé par les agents du roi de France, à celui du pape Jean XXII, qui eut lieu en 1316 dans la cathédrale de Lyon, selon un cérémonial destiné à magnifier la puissance et l’indépendance de la papauté.
Dans une seconde partie, l’ouvrage présente le passé de Lyon, en étudiant sa place au sein du royaume de Bourgogne et de l’Empire. François Demotz étudie tout d’abord les relations entre les archevêques de Lyon et les rois rodolphiens de Bourgogne au Xe siècle, en montrant comment Lyon devint alors le cœur du pouvoir royal dans la moyenne vallée du Rhône. Nathanaël Nimmegeers étudie, quant à lui, les relations de Lyon avec Vienne, cités à la fois proches et rivales, en estimant qu’elles ont constitué ensemble »la capitale bipolaire du monde rhodanien« (p. 179), avant que Lyon n’impose sa suprématie à partir du XIIe siècle.
Alexis Charansonnet étudie la situation géopolitique de Lyon au milieu du XIIIe siècle, au temps où la ville accueillit deux conciles œcuméniques, en soulignant que Lyon était alors perçue comme un pôle d’équilibre à la confluence du royaume et de l’Empire. Enfin, Bruno Galland étudie les relations entre la maison de Savoie et Lyon, en montrant que le pouvoir savoyard avait réussi au cours du XIIIe siècle à prendre de très solides positions à Lyon, en parvenant à exercer une très forte influence sur la dévolution du siège archiépiscopal. Ce faisant, il souligne aussi que la maison de Savoie avait constitué à Lyon la véritable alternative à la montée en puissance des Capétiens et que l’élection en 1308 d’un neveu du comte Amédée V de Savoie avait constitué le moteur de l’intervention française, qui amena le roi de France à envoyer son ost en 1310, avant de s’emparer de l’archevêque Pierre de Savoie et de le contraindre en 1312 à reconnaître la souveraineté française.
Dans une troisième partie, l’ouvrage étudie l’insertion au bas Moyen Âge de la ville de Lyon dans le royaume de France. À partir d’une analyse très riche d’un mémoire adressé aux pères du concile de Constance pour valider l’élection archiépiscopale d’Amédée de Talaru, Fabrice Delivré montre comment l’église lyonnaise put utiliser ses droits primatiaux pour affirmer sa primauté à l’échelle du royaume. Philippe Contamine prolonge cette étude, en soulignant qu’au début du XVe siècle, Lyon se sentait une ville si française qu’elle adhéra sans aucune hésitation au parti du dauphin Charles.
Gisela Naegle étudie les procès et mémoires produits par la ville de Lyon pour défendre à la fin du XVe siècle ses foires, avant de conclure que la ville s’attachait, autant que faire se pouvait, à arguer que ses intérêts correspondaient à ceux de tout le royaume. Tania Lévy s’attache à étudier l’emblématique lyonnaise de la Renaissance, en montrant que si la ville associait ses armes à celles du roi lors des entrées royales, les représentations proprement consulaires ne comprenaient guère de références au royaume de France.
Marco Versiero étudie une tradition, non attestée par les sources, qui affirme que lors de la venue en 1515 de François Ier à Lyon un automate en forme de lion, créé par Léonard de Vinci, se serait ouvert devant le roi pour lui offrir des fleurs de lys. Enfin, Léonard Dauphant propose, dans une contribution originale, une réflexion magistrale sur la place de Lyon dans l’espace français à la Renaissance, en concluant que la monarchie française avait alors fait de cette importante ville-frontière »la capitale des grands projets européens« (p. 344).
Cet ouvrage édité par les éditions du CIHAM offre donc un important ensemble de contributions, qui témoigne du renouveau de l’histoire médiévale lyonnaise. Il poursuit et complète ainsi le gros ouvrage de textes sur l’histoire de Lyon qu’Alexis Charansonnet, Jean-Louis Gaulin, Pascale Mounier et Susanne Rau ont publié en 20151.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Laurent Ripart, Rezension von/compte rendu de: Alexis Charansonnet, Jean-Louis Gaulin, Xavier Hélary (dir.), Lyon 1312. Rattacher la ville au Royaume?, Lyon (CIHAM-Éditions) 2020, 372 p., 19 ill. (Mondes médiévaux, 3), ISBN 978-2-956-84262-0, EUR 36,00., in: Francia-Recensio 2021/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.3.83599