Édité par B. Ann Tlusty et Mark Häberlein, le volume offre une synthèse sur l’une des plus importantes villes d’Empire à une époque décisive de son histoire: Augsbourg de la fin du Moyen Âge au début des Temps modernes (XIVe–XVIIIe/XIXe siècle). Rédigé (ou traduit) entièrement en anglais, il s’adresse surtout à un public non germanophone. B. Ann Tlusty et Mark Häberlein ont réuni une équipe internationale et pluridisciplinaire de 23 spécialistes de l’histoire d’Augsbourg d’universités germanophones, américaines, anglaises et d’une université canadienne. En dépit de développements sur la fin du Moyen Âge (particulièrement sur la deuxième moitié du XVe siècle), le livre est davantage centré sur l’histoire du début des Temps modernes (sur le XVIe et, dans une moindre mesure, sur le XVIIe siècle).
Ce temps avant la catastrophe de la guerre de Trente Ans (1618–1648) et la reconstruction longue et pénible qui suivit, constitue l’apogée de l’histoire prémoderne d’Augsbourg. Les évolutions du XVIIIe siècle sont moins traitées, même si beaucoup de textes mentionnent sous une forme ou une autre l’intégration dans le royaume de Bavière en 1805. Cette césure décisive marque la fin de l’indépendance d’Augsbourg comme ville libre impériale. Conformément à ces choix chronologiques, la plupart des auteurs sont spécialistes des premiers Temps modernes. Le volume est divisé en quatre sections thématiques consacrées à »la ville« (I); »Économie, politique et la loi (II)«; »Religion et société« (III) et »Communication, vie culturelle et intellectuelle« (IV).
La première partie sur »la ville«, écrite à trois mains par Helmut Graser, Mark Häberlein et B. Ann Tlusty, commence avec une introduction aux sources et à l’historiographie. Les trois autres contributions de cette section approfondissent la présentation d’Augsbourg. Elles se réfèrent à sa topographie, son évolution démographique et ses représentations visuelles (Barbara Rajkay); la médecine et les différentes professions du secteur sanitaire (médecins, chirurgiens, sages-femmes, pharmaciens, guérisseurs, etc.); les épidémies dont la peste (Claudia Stein) et la tradition des chroniques (Gregor Rohmann).
Les articles de la deuxième section dessinent un vaste panorama de la vie économique et politique: de la production, du commerce et des finances (Mark Häberlein); de la constitution et du gouvernement urbain et des groupes dirigeants (Christopher W. Close pour l’époque du gouvernement des corporations de métier [Zunftverfassung], de 1368 à 1548; Mark Häberlein et Barbara Rajkay, pour celle du gouvernement patricien, de 1548 à 1806); de la criminalité, des crimes et de leur punition (Allyson F. Creasman) et du droit civil (Peter Kreutz).
La troisième partie présente un aspect essentiel de l’histoire d’Augsbourg qui fut également décisif pour son rôle dans la politique de l’Empire: la relation entre religion et société. Très ouvert à la Réforme protestante et ses différents courants, le nom de la ville est associé à la célèbre Confessio Augustana (1530). Après la victoire de l’empereur Charles Quint sur la ligue de Smalkalde (1547), Augsbourg accueillit de très nombreuses diètes et fut le théâtre de tentatives de re-catholisation et de la célèbre paix de religion d’Augsbourg (1555).
La ville compta parmi les rares villes impériales biconfessionnelles, un état qu’Étienne François décrivit comme étant caractérisé par une »frontière invisible« (1986, 1991) entre citoyens catholiques et protestants. Michele Zelinsky Hanson résume l’évolution religieuse de l’introduction de la Réforme et de la concurrence entre différents courants réformateurs (luthériens, partisans de Zwingli et autres réformateurs dont Schwenckfelder) avec les anabaptistes, les tentatives de re-catholisation et la contre-réforme catholique. Elle mentionne aussi le rôle des jésuites et des monastères, de l’évêque, etc. Marjorie E. Plummer et B. Ann Tlusty examinent la coexistence parfois difficile entre catholiques et protestants.
En analysant inégalité, pauvreté et mobilité, Mark Häberlein et Reinhold Reith se penchent sur la société urbaine en tant que telle. Les contributions suivantes approfondissent ce tableau et y rajoutent les sujets du genre (femmes, familles et sexualité, Margaret Lewis), de la sociabilité et du temps libre (B. Ann Tlusty), de l’expérience de la guerre (p. ex. guerre de la ligue de Smalkalde, guerre de Trente Ans; guerre de succession d’Espagne [1701–1714]; guerre de succession d’Autriche [1740–1748], etc., Andreas Flurschütz da Cruz) et de l’histoire des juifs comme minorité ethnique et religieuse (Sabine Ullmann).
Tout en les présentant sous un angle différent, la dernière section sur la communication et la vie culturelle et intellectuelle reprend certains aspects déjà évoqués: la diffusion d’informations et de nouvelles qui fut intimement liée à la fonction d’Augsbourg comme centre commercial; sa situation favorable sur les routes de commerce entre l’Italie et l’Europe du Nord; le réseau européen des succursales des grandes compagnies de commerce et de la famille de Fugger; les bonnes relations avec l’empereur Maximilien Ier et le financement de l’élection de Charles Quint; les contacts avec l’Espagne et le Portugal, etc. (Regina Dauser).
Ces mêmes facteurs favorisèrent un très riche développement culturel: une floraison précoce de la nouvelle technique de l’imprimerie et du commerce des livres (Hans-Jörg Künast, traduction Christine R. Johnson). Avant la césure de la guerre de Trente Ans, la richesse des élites permit également l’achat et la confection des objets et vêtements de luxe et des membres de la famille Schwarz immortalisèrent leur intérêt pour la mode dans leurs livres illustrés. Pour limiter les dépenses somptuaires, la ville promulgua des ordonnances spécifiques pour les différences couches sociales (Victoria Bartels et Katherine Bond). Non dotée d’une université, Augsbourg fut néanmoins un foyer très actif d’aspirations humanistes et de la culture savante par exemple dans la personne de Conrad Peutinger (Wolfgang E. J. Weber, traduction par Mark Häberlein et B. Ann Tlusty).
De même, la ville fournit des contributions importantes aux arts (Andrew Morrall) ; à l’architecture (p. ex. l’hôtel de ville d’Élias Holl, les fontaines d’Auguste, Hercule et Mercure, la basilique Saint-Ulrich-et-Sainte-Afre, le chœur est de la cathédrale, la chapelle funéraire des Fugger, Sainte-Anne, etc., Dietrich Erben) et à la musique (Alexander J. Fisher).
Certains aspects particulièrement marquants réapparaissent dans plusieurs articles comme un fil rouge: le rôle central de la famille des Fugger (comme banquiers, mécènes et fondateurs de la Fuggerei, le grand projet de logements sociaux encore existant qui imprégna durablement le paysage urbain); le rôle central de la production textile et des tisserands; la présence du grand commerce à longue distance; les relations étroites avec l’empereur et la tenue fréquente de diètes et les conséquences durables de la biconfessionnalité et du principe de parité confessionnelle. Parmi quelques autres particularités à retenir figurent également le fait que la topographie urbaine d’Augsbourg fut relativement stable: la ville ne connut pas d’expansion territoriale ou de croissance poussée vers l’extérieur mais plutôt une densification interne. Depuis l’époque romaine, son réseau routier montra une grande stabilité.
Dans l’ensemble, le volume est une très bonne introduction à l’histoire et l’historiographie d’Augsbourg au début des Temps modernes. La fin du Moyen Âge, pourtant bien couvert par des études récentes de médiévistes y est un peu moins présent. Cette publication permettra aux lectrices et lecteurs non germanophones de découvrir les résultats de recherches sur une ville très importante du Saint Empire et un centre commercial et culturel prémoderne. À cet égard, la collaboration entre spécialistes germanophones et anglophones et la rédaction d’articles en coécriture profite très largement à la qualité des traductions d’une terminologie parfois difficile à traduire. Les études de chercheurs de pays tiers sont moins présentes. Néanmoins, lecteurs français pourraient constater que les études d'Étienne François et de Robert Mandou y sont citées. Pour les lecteurs germanophones, le livre offre surtout un très bon bilan d’ensemble/résumé sur les recherches sur Augsbourg au XVIe siècle, à une époque de floraison économique et culturelle et une invitation à découvrir davantage l’histoire fascinante de cette ville.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Gisela Naegle, Rezension von/compte rendu de: B. Ann Tlusty, Mark Häberlein (ed.), A Companion to Late Medieval and Early Modern Augsburg, Leiden (Brill Academic Publishers) 2020, XVII–595 p. (Brill’s Companions to European History, 20), ISBN 978-90-04-41605-5, EUR 228,00., in: Francia-Recensio 2021/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.3.83641